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Voici un roman, et non une biographie, qui met en lumière la vie et le travail du peintre anglais toujours vivant David Hockney. Catherine Cusset nous entraîne à travers la seconde moitié du vingtième siècle, de Londres à Los Angeles, de Paris à New York en passant par de longues vacances en Italie ou encore. On y suit le besoin irrépressible pour ce gamin élevé dans une famille ouvrière de dessiner, de jouer avec les couleurs, avant d'oser aller à contre-courant du modèle établi et de s'imposer comme un artiste à part entière, reconnu par ses pairs. Bien sûr, on y découvre également un David Hockney intime, amoureux de son art et amoureux de ses amants, un artiste qui s'est véritablement révélé en même temps qu'il découvrait la lumière et la chaleur de Los Angeles, généreux et colérique aussi, égocentrique mais attentif à ses amis dans le besoin. Le roman nous permet de contextualiser chaque tableau important et cette lecture a été un réel plaisir de (re)découverte de cette oeuvre monumentale qui a bénéficié l'été dernier d'une vaste et foisonnante rétrospective au Centre Pompidou de Paris.
A lire aussi bien par les connaisseurs que par ceux qui veulent découvrir autrement ce grand artiste contemporain!
Catherine D.
Paru en janvier 2018. Existe aussi en format numérique.
Voici la très belle évocation d'une vocation, celle de Emmanuelle "Emma" Maisonneuve, pour la cuisine et le goût, première femme à avoir intégré l'équipe jusque là exclusivement masculine des inspecteurs du fameux guide rouge, le Michelin. Un très beau portrait de femme déterminée, que sa passion pour le Japon va conduire à collaborer pour ce livre avec la mangaka japonaise Kan Takahama, et avec Julia Pavlowitch, journaliste passionnée par les parcours de vie atypiques et la cuisine. Une pépite à déguster sans modération!
Catherine D.
Paru en février 2018.
"Je m'appelle Amber Reynolds. Il y a trois choses que vous devez savoir à mon sujet : je suis dans le coma; mon mari ne m'aime plus; parfois, je mens."
Amber Reynolds , dans le coma, tente de se souvenir des événements qui l'ont coincée dans ce lit à l'hôpital, sans pouvoir communiquer avec les autres... Ses pensées vont nous entraîner dans une suite de souvenirs immédiats, ceux qui ont précédé l'accident dont elle n'a gardé aucun souvenir, mais également dans son passé de petite fille (grâce à ses journaux intimes), ou encore dans l'ici et maintenant de sa vie intérieure de femme dans le coma qui entend tout, mais qui est dans l'incapacité physique de le faire savoir à son entourage. Chaotique, ce thriller nous maintient dans un intense suspense jusqu'au dénouement final où toutes les pièces du puzzle trouvent leur place et qui laisse la porte ouverte à une possible suite. Voici donc un très bon thriller psychologique à découvrir!
Catherine D.
Paru en février 2018.
Bien sûr c'est une histoire qui n'existe pas, sur une île qui n'existe pas, avec des personnages qui n'existent pas mais tout le talent de Philippe Claudel est là; un matin trois cadavres sont découverts sur une plage de l'archipel du Chien, rejetés par la mer et sans doute tombés d'une de ces nombreuses embarcations qui fuient ce grand continent là-bas... et la fiction l'est beaucoup moins. Philippe Claudel est un formidable raconteur de fables, scrutant sans cesse l'âme humaine, ses idéaux tout comme ses compromissions... Que vont faire les habitants de ces corps, tout cela pourrait-il remettre en cause le calme de la petite île ainsi que le projet immobilier de luxe qui doit y voir le jour? Si les notables arrivent vite à la conclusion que tout cela doit être caché, n'avoir même jamais existé, tout le monde ne partage pas cette décision et l'arrivée d'un policier non insulaire va précipiter les évènements! Très bon, dans la même veine que le Rapport de Brodeck.
Gregory R.
Paru en mars 2018
La vie d’Eugenia nous fait traverser la Roumanie avant et pendant la Seconde Guerre mondiale, moment où le profond ressentiment de la population envers les Juifs a donné libre cours à des actes d'une violence extrême, non seulement de la part des autorités établies mais également des habitants, des voisins, des anciens amis... Lionel Duroy ne nous parle donc plus de sa famille, ni de lui-même, mais plutôt d'un thème qui le touche et l'interroge: que l'on ait subi ces actes, que l'on y ait participé ou simplement assisté, comment vivre avec cela? Un sujet abordé avec cette volonté et ce souci particuliers de laisser aussi la parole aux "bourreaux", qui nous avait déjà touchés dans L'Hiver des hommes. Au travers de ses personnages, ce roman se trouve être une réflexion intéressante sur le rôle de la littérature et du journalisme (Duroy fut lui-même journaliste) face à la barbarie. Une lecture forte et belle!
Gregory R.
Paru en mars 2018
De l'enfance de Maroussia à l'âge mûr de Nora, il y a un siècle. Grand-mère et petite-fille vivent l'une et l'autre comme elles l'entendent à chaque extrémité de ce siècle au cours duquel l'Histoire russe rudoie les familles, sépare les amoureux, entrave parfois les artistes.
A la mort de sa grand-mère Maroussia, Nora hérite d'une malle d'osier pleine d'archives et de lettres. A travers elles, nous découvrons la jeunesse de Maroussia et de Jacob, amoureux de culture et épris l'un de l'autre. Une Maroussia qui affirme d'emblée son indépendance et son souhait de ne pas s'enfermer dans la seule vie de famille. Qui découvre une créatrice de renom dans le monde du spectacle et suit sa voie avec détermination.
En alternance avec la vie de Nora, nous suivons cette Maroussia passionnante et passionnée, et Jacob aussi, au fil des multiples éloignements infligés à leur couple, du service militaire à l'exil en Sibérie.
A l'autre bout du siècle, Nora conduit aussi sa vie hors des sentiers battus. En bons termes avec un mari de façade qui ne partage pas sa vie, elle éduque seule leur fils Yourik. Scénographe, elle réinvente avec son amant metteur en scène les grandes oeuvres du répertoire russe et international.
Dans ce roman inspiré de l'histoire de sa propre grand-mère et à travers ces deux destins de femme, Ludmila Oulitskaïa nous livre aussi son regard placide et ironique sur le XXème siècle russe et c'est ample, ambitieux, captivant.
Natacha
Paru en mars 2018. Traduit du russe par Sophie Benech. Existe aussi en format numérique.
Voici une BD à l'humour décalé pour un plaisant tour de Belgique! Monsieur Iou a eu envie de prendre le temps de découvrir notre petit pays et le voici parti sur les routes en vélo. Son récit est émaillé de digressions savoureuses, comme ces "minutes lexicales" ou autres "interludes matériel", qui sont l'occasion pour l'auteur-coureur d'approfondir de façon amusante certains aspects du cyclisme ("c'est quoi un cannibale?") Amusant!!
Catherine D.
Paru le 22 mars 2018.
Quand Lubin Maréchal, jeune homme d'une vingtaine d'années, se rend compte qu'il n'est mentalement présent qu'un jour sur deux, et qu'un autre "lui" à la personnalité toute différente prend possession de son corps l'autre jour, il a toutes les raisons de paniquer. Sa vie lui échappera petit à petit, grignotée par cet autre qui prend le dessus, ses absences se prolongeant au fil des semaines, des mois et des années. Lubin finira-t-il par disparaître ? Dédoublement de personnalité ou phénomène fantastique ? Le scénario de Timothé Le Boucher ne prendra pas parti mais parviendra à mettre le lecteur sous tension et à le tenir en haleine pendant presque 200 pages.
Timothé Le Boucher nous offre un excellent thriller fantastique, servi par un dessin précis et élégant et un scénario intelligent. Le concept est original et le traitement, une réussite.
Prix des libraires de bandes dessinées 2017.
A découvrir.
Delphine
Paru en septembre 2017.
Jérémie Moreau signe une saga islandaise d'un souffle inouï dans des décors sublimes.
Grimr est un jeune garçon orphelin à la force herculéenne. Sans peur, il brave les dangers et sait parler aux volcans. Il a l'étoffe des héros qui ont marqué les annales de l'Islande ancestrale. Et c'est son destin que Jérémie Moreau a décidé de nous raconter dans ce roman graphique digne des plus grandes épopées.
Son dessin, puissant, nous plonge dans l'Islande rude et sauvage du XIXe siècle et nous fait vibrer.
Une vraie pépite qui n'a pas volé son titre de meilleur album "Fauve d'or" du festival d'Angoulême 2018.
Delphine
Paru en septembre 2017.
Flore Balthazar nous offre dans ce roman graphique une très belle histoire. Celle de sa famille, sous l'occupation allemande pendant la Seconde Guerre mondiale, à La Louvière. Et plus particulièrement, celle des femmes de sa famille, et d'autres femmes qui ont marqué l'histoire par leurs actes de résistance : Marcelle, Marie-Thérèse, Yvette, Marguerite, Lucienne, Liliane... Car quand les hommes sont partis au front ou emprisonnés, il faut bien s'organiser. Et les louves ne craignent pas l'occupant.
Mêlant reconstitution historique et familiale, Flore Balthazar retrace les cinq années de l'occupation en Belgique, de 1940 à 1945. Son récit est prenant, ses personnages attachants, ses ambiances très justes. A travers le destin de ces louves de La Louvière, elle nous donne à (re-)vivre les événements qui ont marqué notre histoire belge, à rendre hommage aussi et surtout à toutes ces femmes en résistance.
Un roman graphique à la sensibilité toute féminine. A découvrir.
Delphine
Paru en février 2018. Existe aussi au format numérique.
En 2008, le romancier américain Ron Rash signait de sa plume acérée le roman "Serena", tragédie grecque en plein coeur des Smoky Moutains de la Caroline du Nord, sur fond de dépression financière des années 1930. Son héroïne, Serena, y marquait les esprits par sa force et sa cruauté inégalées. Epouse d'un riche propriétaire terrien, femme de tête, belle, ambitieuse, sans peur et sans pitié, elle dirigeait d'une main de fer l'exploitation forestière de son mari afin d'en faire une entreprise lucrative. Et ce, à n'importe quel prix. Et aux yeux de tous, cette femme machiavélique inspirait la fascination mais aussi de la terreur.
Anne-Caroline Pandolfo et Terkel Risbjerg se sont emparés de ce roman à la grande puissance évocatrice afin de le traduire en images. Et de quelle manière ! Le découpage intelligent, l'alternance de scènes figées et de passages au rythme haletant, le dessin percutant avec ses traits noirs pleins et ses couleurs puissantes, presque expressionnistes, les décors à couper le souffle, contribuent à restituer l'ambiance de ce roman noir américain. Le lecteur est plongé dans cette époque si sombre de l'histoire des Etats-Unis, dans ces grands espaces où l'homme n'hésite pourtant pas à ratiboiser tout sur son passage, pour le dieu du profit... On est emportés par ce récit, happés au coeur de la tragédie qui se dessine, de la violence qui trace son sillon, à coup de fusil, d'arme blanche, de poison.
Une excellente bande dessinée qu'on ne lâche pas, aussi glaçante que fascinante, à l'image de son héroïne, Serena. Attention, coup de coeur !
Delphine
Paru en mars 2018. Le roman original de Ron Rash est paru dans son édition française en janvier 2011 aux éditions du Masque et en septembre 2012 en édition Livre de poche.
Sébastien Gnaedig signe l'adaptation en bande dessinée du roman de Sorj Chalandon : "Profession du père". Une réussite.
Le projet s'apparentait pourtant à un défi car ce roman, en partie autobiographique, avait fortement marqué les esprits au moment de sa sortie. Chalandon y racontait l'histoire d'Emile, de son enfance auprès d’un père violent et mythomane. Ce père dont il ne connaissait pas la profession, mais qui était à ses yeux un incroyable agent secret, ce père qui l’entraîna toute sa jeunesse à devenir soldat d’une association secrète. Ce père qui le battait... Chalandon y racontait aussi sa mère, maltraitée, passive face à ces violences, l’ombre d’elle-même, dans un réel déni de la maladie mentale de son époux. Il y montrait enfin comment tous ces mensonges faisaient rêver Emile au destin fabuleux de son père… A douze ans, on ne remet pas en question les paroles de son papa.
Dans cette adaptation, Sébastien Gnaedig a pris le parti de la pudeur : il ne montre pas la violence de face et aborde le sujet de la maltraitance avec un certain recul. Les personnages prennent vie sous son trait élégant et sobre, les ambiances en clair obscur sont intactes, restituées par un dessin épuré dans les tons noir et gris, et toutes les émotions ressenties à la lecture du roman sont présentes dans la bande dessinée.
Un très beau roman graphique donc, et un sincère hommage au roman poignant de Sorj Chaladon.
Delphine
Paru en mars 2018. Le roman original de Sorj Chalandon est paru en août 2015 aux éditions Grasset et en août 2016 en édition Livre de poche. Existe aussi au format numérique.
Quelle claque littéraire! Voici un roman qui ne laisse pas indifférent.
Cette auteure flamande a signé ce premier roman à 27 ans à peine et a vendu plus de 170.000 exemplaires de son livre en langue néerlandaise. Grâce aux éditions Actes Sud, et à la traduction d'Emmanuelle Tardif, nous pouvons enfin la lire en français. Lize Spit nous plonge dans le quotidien d'un petit village flamand où les habitants coulent des jours heureux. Nous suivons plus particulièrement trois jeunes nés la même année (et qui sont les uniques enfants de cette année), ils se retrouvent donc dans la même année scolaire à l'école où une classe unique réunit les enfants du village. En grandissant, les jeux des jeunes évoluent et perdent doucement de leur innocence.
Un malaise assez vertigineux s'installe dès les premières pages du livre, une noirceur entoure le récit mais l'on perçoit pourtant également des instants de légèreté, d'insouciance, de bonheur simple. Le tout offre donc un savant mélange assez intimiste qui met mal à l'aise, tout en installant une grande proximité avec les personnages grâce à une écriture très réaliste.
On s'attache à Eva, la narratrice qu'on sent au bord de la rupture, on explore la construction identitaire de ces jeunes adolescents pas mal laissés à eux-mêmes. C'est une lecture parfois dérangeante, accrocheuse, mais qui prend toutefois le temps de planter le décor. Le roman débute doucement mais au fur et à mesure qu'on avance dans la lecture, on a de plus en plus de mal à lâcher le bouquin.
A lire absolument.
Catherine M
Paru en février 2018, traduit du néerlandais par Emmanuelle Tardif, également disponible en format numérique.
Kate Tempest, poétesse, chanteuse, slameuse, nous entraîne avec ce premier roman tantôt dans l'underground londonien, tantôt dans les clubs huppés et select de cette ville. Deux milieux qui ne sont, somme toute, pas très éloignés l'un de l'autre et où l'alcool et la drogue régissent une grande partie des relations sociales. Nos héros sont des jeunes adultes qui se cherchent, qui veulent leur indépendance mais sans toujours savoir par quel chemin la prendre. Ils sont attachants, audacieux, intrépides.
Cette auteure a une très belle écriture, moins "trash" que la plume de Virginie Despentes à qui on la compare volontiers. Elle explore la période de construction identitaire que traversent les adolescents et nous dépeint un Londres méconnu. C'est un véritable univers que Tempest arrive à construire, en nous emportant au côté de ces personnages qui ne veulent pas laisser tomber leurs rêves. Elle pose à travers ce roman un série de questions interpellantes sur la jeunesse contemporaine et surtout comment survivre, se construire lorsque l'avenir semble gris et morose. Qu'on soit riche ou qu'on soit pauvre, ces mêmes questions se posent...
Voici donc un premier roman très réussi, très contemporain, sociétal et intimiste aussi.
Catherine M
Paru en janvier 2018, ce livre est aussi disponible en format numérique.
Dans la lignée du Charme discret de l'intestin, Actes Sud a publié en début d'année l'ouvrage de deux étudiantes en médecine norvégiennes, auteures du très populaire blog Underlivet. Brochmann et Dahl n'y parlent pas de nos entrailles mais bien du sexe féminin, qu'elles abordent sous les différents angles de l'anatomie, la sexualité, la conception et même la culture. Sur un ton résolument féministe, les deux auteures rétablissent la vérité sur ces organes qui souffrent encore de méconnaissance, de tabous et de fausses rumeurs, parfois au péril même de la vie des femmes.
Un ouvrage agréable à lire qui dédramatise le sujet et qui répond de façon très claire à tout un tas d'interrogations, à mettre entre toutes les mains et spécialement celles des ados!
Hélène
Paru en janvier 2018, également disponible au format numérique.
Lire ces Mémoires, c'est aller à la rencontre de cette grande figure de l'art contemporain qu'est Marina Abramovic, une femme qui a traversé la seconde moitié du XXème siècle et le début du XXIème comme un éclair fulgurant, en laissant une empreinte indélébile et profonde autant auprès de son entourage qu'auprès de ses admirateurs. A 70 ans, Marina Abramovic s'est sentie suffisamment sereine pour revenir sur son parcours et à la lecture de cet ouvrage, on ne peut s'empêcher de penser que non, la vie n'est pas un long fleuve tranquille, et que oui, la vie peut être un roman, une saga à rebondissements. Au-delà de sa vie amoureuse, intense et passionnelle, qui fut étroitement liée à sa vie artistique - notamment avec Ulay, son double quasi gémellaire, c'est l'occasion de découvrir une époque, celle de l'Europe des années d'après-guerre, et plus particulièrement de la Yougoslavie communiste, et un éveil à la performance artistique des années 60-70-80. C'est un destin de femme forte, née de parents patriotes mais mal aimée par sa mère, en attente de reconnaissance quasi permanente, et puis, l'art qui la hante et qui la poussera à expérimenter et à repousser les limites de son corps à travers ses performances-spectacles. Une ode à la douleur, la souffrance, à l'amour aussi sans lequel rien de tout cela ne serait arrivé, et puis c'est l'histoire d'un éveil à la spiritualité qui la conduira à l'isolement, au silence, une autre façon de tester son corps et son âme, avant d'en faire le terreau de sa méthode de préparation à la performance.
Marine Abramovic est incontestablement une grande artiste, une figure incontournable de la culture underground, qui a révolutionné l'art de la performance et qui se livre ici dans un récit sans concession et non dénoué d'humour.
Catherine D.
Paru en octobre 2017. Existe aussi en format numérique.
Plutôt réjouissant, ce deuxième tome de la saga de Pierre Lemaitre qui fait suite au roman "Au revoir là-haut", prix Goncourt 2013. Nous y retrouvons la famille Péricourt en 1927, à l'aube d'années sombres. Le roman s'ouvre sur une scène particulièrement marquante : le jour des obsèques de Marcel Péricourt, sa fille Madeleine va assister à un drame fracassant qui va bouleverser sa vie... Son fils, Paul, âgé de sept ans, chute du second étage et s'écrase sur le cercueil de son grand-père... Il survit à l'accident mais sera paraplégique pour le reste de sa vie. Madeleine Péricourt va hériter de l'empire financier de son père mais à défaut de le gérer, va rapidement se retrouver bernée par ses proches, ruinée et presque à la rue. Animée par un désir de vengeance, elle décidera de reprendre son destin en mains pour se reconstruire coûte que coûte.
A la manière d'un roman-feuilleton populaire mené tambour battant, Pierre Lemaitre nous entraîne dans une narration rythmée, enlevée, truculente. Il dépeint en une fresque foisonnante le monde des années 1920-1930, la montée des fascismes en Europe, la crise économique, la fin d'une époque dorée pour les grandes familles bourgeoises et aristocratiques, le monde cynique des banques et des affaires, les dérives de l'évasion fiscale. Un monde qui n'est finalement pas si éloigné de celui dans lequel nous vivons actuellement...
La comédie humaine que dépeint Pierre Lemaître est très amusante. Ses personnages sont hauts en couleurs, souvent caricaturaux mais bien campés. Il fait la part belle aux femmes dans ce roman, puisque ce sont des héroïnes qui vont tirer leur épingle du jeu dans un monde pourtant dominé par les hommes.
Pierre Lemaitre, très en verve, nous prouve une fois de plus qu'il est passé maître dans l'art de nous de nous tenir en haleine. Sa plume est vive, virtuose, son ton est incisif, son plaisir d'écrire est palpable à la lecture de ce roman dans lequel on s'ennuie pas une seconde. Un livre à dévorer en attendant un troisième opus...
Delphine
Paru en janvier 2018. Existe aussi au format numérique.
Voici un livre essentiel, initié par une invitation inattendue adressée à Philippe Sands de participer à une conférence à Lviv, en Ukraine, pour venir présenter ses différents travaux. Cette invitation va permettre à cet avocat franco-britannique de renom de se plonger dans le passé de son grand-père Léon Buchholz, né dans cette ville qui changea de nom de nombreuses fois (Lemberg, Lwow ou Lvov) au gré de son appartenance autrichienne, polonaise ou russe. Et Philippe Sands n'a pas son pareil pour faire revivre cette bourgade qui fut le centre historique de la Galicie, ville riche et étonnante, qui devient le fil rouge de ce récit passionnant et édifiant, au cours duquel l'auteur nous emporte dans son histoire familiale autant que dans l'histoire de l'émergence d'une justice internationale. C'est ainsi que nous allons apprendre et accompagner le destin de deux grands juristes juifs injustement oubliés, nés également à Lemberg, Hersch Lauterpacht et Raphael Lemkin, qui ont respectivement défini et forgé les concepts de "crimes contre l'humanité" et de "génocide". Sans eux, le procès de Nuremberg n'aurait pas eu les conséquences qu'il a eues, notamment la reconnaissance légale du crime de "génocide" par l'Assemblée générale des Nations Unies en 1946. Fasciné par ce procès, c'est par celui-ci que s'ouvre d'ailleurs le roman-récit de Philippe Sands. Un quatrième homme va également nous être révélé dans cette enquête édifiante, il s'agit de Hans Frank, avocat et ami d'Hitler, qui annonça à Lemberg en 1942 la mise en place de la "Solution finale" qui condamna à mort des millions de Juifs, parmi lesquels les familles Buchholz, Lauterpacht et Lemkin...
La lecture de cet ouvrage est indispensable pour tous ceux qui s'intéressent à cette période noire de notre Histoire, mais également à ceux qui s'intéressent aux coïncidences, aux histoires familiales chargées de secrets et de coins sombres, aux familles juives qui ont fait le choix de fuir le massacre qui s'annonçait ou qui au contraire, ont fait le choix de rester... C'est aussi un ouvrage magistral qui nous apprend l'histoire de la naissance du droit international et de l'importance des mots dans ce domaine, en rendant hommage au courage et à la ténacité de ces deux brillants juristes juifs qui jouèrent un rôle essentiel dans le procès de Nuremberg.
Catherine D.
Paru en août 2017, existe aussi en format numérique.
Ce court roman nous fait découvrir le Brooklyn des années 70 à travers les yeux d'une toute jeune fille, August, fraîchement arrivée du Tennessee avec son père et son frère. Au lendemain de la guerre du Vietnam, le quartier est loin du nid branché qu'il est aujourd'hui... Héroïnomanes, prostituées, soldats mutilés et traumatisés en arpentent les rues, et le danger guette ses habitants. August y découvre l'amitié passionnelle, les débuts amoureux, la perte et le deuil, mais aussi une furieuse envie de découvrir le monde.
Auteure prolifique pour les adultes et les ados, Jacqueline Woodson s'inspire ici de sa propre expérience pour raconter la fin de l'enfance dans l'atmosphère si particulière de New York dans les seventies. Un très bon moment de lecture et des images qui résonnent encore longtemps dans la mémoire.
Hélène
Publié en janvier 2018, traduit de l'anglais (américain) par Sylvie Schneiter. Disponible aussi au format numérique.
Voici un roman piquant à souhait ! Myriam Leroy nous raconte la vie d'adolescentes qui vivent au cœur du Brabant Wallon et qui seront, durant un temps, embarquées dans une amitié passionnelle. Cette relation bien que confortable par certains égards car elle donne à la narratrice une place au sein des jeunes de son école, va se révéler également cruelle et destructrice.
A travers cette histoire, on découvre ce coin particulier de notre Belgique, le Brabant Wallon, que Myriam Leroy dépeint avec cynisme parfois mais surtout avec beaucoup d'humour. Pour celles et ceux qui sont passés par Louvain-la-Neuve on y fait également une escale, et c'est rudement bien rendu, on s'y croirait.
Pour découvrir un extrait de ce livre lu par l'auteur, écoutez la jolie capsule sonore de SonaLitté.
Catherine M
Paru en janvier 2018. Existe aussi en format numérique.
On l'écoute à la radio, on lit ses chroniques sur papier glacé, on découvre ses pièces au théâtre et on est touché.e.s par sa sensibilité dans son tout nouveau roman Apprendre à lire. Premier roman dans lequel on ne retrouve pas forcément le ton incisif de ses chroniques, mais bien un patchwork d'éléments autobiographiques au service d'une histoire fictive à l'écriture âpre et sensible.
Apprendre à lire, c'est la chronique d'une relation perdue qui cherche à s'établir entre un père octogénaire, bourru et veuf, Sarde d'origine, émigré en Belgique pour travailler dans les mines, et un fils plus tout jeune, ordonné et tyrannique, directeur d'un grand organe de presse, heureux depuis 30 ans avec son compagnon et artiste reconnu Alex, et adepte du sexe sans amour avec des prostitués de passage. La rencontre aura lieu, peut-être, suite à la demande du père à son fils de lui apprendre à lire, pour ne pas arriver au paradis sans être capable de signer le registre... Face à cette requête inattendue, le fils va buter, ne pas comprendre, et puis, se lancer maladroitement, avant de jeter l'éponge et d'engager un jeune homme, amant de passage, qui se destine au métier d'instituteur et qui se propose pour aider le père, d'abord à lire et écrire, ensuite à commander et réchauffer ses repas et à accompagner l'apprentissage d'une balade quotidienne. On plonge dans le passé et l'enfance malheureuse du père par à -coups, on s'immerge dans le milieu superficiel et hype de la création artistique, on accompagne le narrateur dans son boulot impitoyable, bref on découvre un roman qui observe la vie quotidienne d'un père et d'un fils que tout oppose, avec en toile de fond la réalité de l'immigration italienne et de la classe ouvrière.
Voici le récit intime et touchant d'une relation père-fils compliquée, parsemée de non-dits et de violence retenue, un chassé-croisé filial désarçonnant et terriblement sensible. Un auteur à découvrir et à suivre!
Catherine D.
Paru en janvier 2017.
Voici un nouveau polar islandais qui m'a tenu éveillée une bonne partie de la nuit! L'auteure nous propose une enquête qui démarre au sein d'une petite famille fort attachante. Dans cette famille, Margret, petite fille de 7 ans, va devenir le témoin de terribles évènements. Elle devient donc la clé pour découvrir qui est l'auteur de terribles meurtres (âmes sensibles s'abstenir) mais traumatisée, elle garde le silence. Elle est aussi un témoin gênant...Â
On découvre dans ce roman un commissariat où les relations ne sont pas toujours simples, où de vieilles amitiés et des anciens amours peuvent empoisonner le travail. Et c'est réjouissant car à ce niveau-là, les choses restent mystérieuses et apparemment une suite est prévue. Une lecture addictive, un polar plutôt psychologique qui se dévore avec plaisir.
Catherine
Paru en janvier 2018, traduit de l'islandais par Catherine MERCY, existe aussi en format numérique.
A travers la vie d'un homme ayant réellement existé, Wilfried N'Sondé nous emmène dans les pages les plus sombres de notre histoire. Cela donne un livre passionnant, terrifiant et terriblement humain.
Nsaku Ne Vunda, orphelin recueilli par des missionnaires sur les bords du fleuve Kongo sera un des premiers prêtres africains. Au tout début du 17ème siècle, il est invité à se rendre à Rome pour devenir l'ambassadeur de la région du Bakongo auprès du pape. Il débute alors un périple qui commence par la traversée de la savane en direction de la côte et qui va durer des années. Il embarque à son insu sur un navire chargé d'esclaves et qui, avant de se rendre à Rome, fait un détour par le Brésil pour y vendre sa cargaison. Lorsqu'il tente de retraverser l'Atlantique en direction de l'Europe, il sera la cible de pirates et finira par débarquer sur les côtes portugaises alors que l'inquisition bat son plein... Les épreuves qu'il traverse vont le construire et façonner sa détermination pour dénoncer les horreurs de l'esclavage. Parallèlement, ses rencontres le mèneront également à devenir "une voix porteuse d'amour et d'espoir", persuadé qu'il existe aussi "une passion d'amour entre les humains, celle qui transcende la vie sur terre en une expérience sublime".
Véritable roman d'aventures, ce livre nous embarque littéralement avec le héros de l'histoire sur ce navire chargé d'esclaves et ça retourne les tripes... En même temps, cette histoire nous rappelle qu'à toutes les époques (même les plus noires) il y a des monstres mais aussi des gens qui se battent pour dénoncer les injustices et humaniser nos sociétés.
L'écriture de N'Sondé est belle, poétique, chatoyante. C'est assurément un auteur à découvrir (si ce n'est pas encore fait : ceci est en effet son cinquième roman).
Catherine M
Janvier 2018
David Huddle explore dans ce roman choral la part de secret qui se cache dans toute relation. Il fait parler des voisins, amants, amis - le lecteur apprend ce que les autres personnages ne sauront jamais, et on se régale d'être mis dans la confidence. L'atmosphère rappelle un peu celle des Furies de Lauren Groff (qu'on avait adoré à sa sortie en janvier 2017): américaine, suburbaine, middle class... On plonge avec délice dans les petits secrets de ces gens "comme tout le monde"...
Hélène
Paru en octobre 2017 (réédition de la version française parue en 2003), traduit par Dorothée Zumstein, aussi disponible en numérique.
Gros coup de cœur pour ce roman qui se déroule en Angleterre à l'époque victorienne. Il met en scène Cora Seaborne, une jeune femme tout juste veuve, qui décide de profiter de sa liberté retrouvée après la mort de son mari pour échapper au Londres bourgeois et guindé qui était son milieu. Avec son fils, Francis, et son amie Martha (activiste politique passionnée par le combat social), elle déménage au bord de la mer, dans l'Essex, où elle espère bien découvrir quelques fossiles. Portée par les récentes découvertes scientifiques, elle est intriguée par une légende locale: celle d'un immense serpent hantant les fonds marins et menaçant la population d'Aldwinter. Par des amis londoniens, Cora fait la connaissance du pasteur Ransome et de sa (nombreuse) famille, avec qui elle se lie rapidement d'une amitié profonde et sincère.
Le Serpent de l'Essex brasse des thèmes variés tels que le progrès scientifique et médical, le droit au logement, la religion,le féminisme et, bien sûr, les universels amour et amitié. Ses personnages sont superbement écrits, loin des stéréotypes de l'époque, tout en nuances et en humanité.
On ne peut qu'espérer que ce livre captivant recevra le même succès chez nous qu'en Angleterre - en tout cas, nous le recommandons chaleureusement!
Hélène
Traduit par Christine Laferrière. Paru en janvier 2018. Aussi disponible en livre numérique.