Shell, du nom du blouson qu'il porte toute la journée (et parfois la nuit) sur le dos, est un garçon de douze ans, un ado pas encore ado et pas tout-à-fait comme les autres. Shell est différent, il a d'ailleurs quitté l'école. Il aime les tâches simples, répétitives, mais il a surtout envie de devenir un homme. Et un homme, ça fait la guerre. Alors, quand il entend ses parents, propriétaires de la station service où Shell est heureux de rendre de menus services, discuter un soir de son cas, il prend une grande décision pour ne pas être envoyé dans une institution qui, il en est sûr, ne lui conviendra pas. Il va partir à la guerre, là-haut, de l'autre côté de la colline et démontrer à ses parents qui il est vraiment! Mais de l'autre côté de la colline, c'est une autre surprise qui attend le jeune homme, c'est la plus belle rencontre de sa vie, il va découvrir sa Reine, une jeune fille qui va l'emporter dans un monde fantasque et imaginaire qui lui assurera confiance et sécurité, malgré la vie précaire qu'il va finir par mener...
C'est un roman tout en douceur, empreint de poésie dans son écriture et dans son esprit. C'est une ode à l'imaginaire, à la liberté, à la différence. Un roman qui parle d'apprentissage de la vie, avec le regard d'un enfant qui s'endort quand l'angoisse ou l'émotion est trop forte, ou encore un enfant qui continue de croire aux contes de fée, malgré la dureté de la vie réelle. Un conte initiatique, tout en sensibilité.
Catherine D.
Paru en août 2017, existe aussi en format numérique.
Gros coup de cœur pour ce roman, dur mais magnifique.
Nous sommes quelques mois avant la fin de la seconde guerre mondiale. Pearl et Stasha sont des jumelles âgées de onze ans, qui au début du livre arrivent à Auschwitz avec leur mère et leur grand-père. Leur gémellité attire l'attention de Josef Mengele, officier SS et médecin du camp. Il a rassemblé les jumeaux et les triplés déportés dans son zoo et leur fait subir de terribles expérimentations médicales.
Pearl et Stasha racontent, en alternance, le quotidien au zoo, les personnes qu'elles y rencontrent et les séances avec celui qui se fait appeler Oncle et ses assistants. À la libération, les prisonniers survivants, en grande majorité des enfants, se mettront en route pour essayer de retrouver leurs familles ou un semblant d'espoir de recommencer une vie normale.
Mischling ("bâtard", en allemand) est un livre violent par moments, poignant, écrit dans une très belle langue, avec un beau travail de documentation en arrière-plan. Il ne laissera personne indifférent.
Hélène
Paru en septembre 2017, existe aussi en version numérique.
Razan Zaitouneh est une avocate syrienne militante des droits de l'homme. Elle a disparu depuis décembre 2013, enlevée avec trois autres militants. Justine Augier, qui vit à Beyrouth, fascinée par la figure de Razan, s'est lancée dans l'écriture d'une sorte de biographie basée sur des archives et de nombreux témoignages de ses proches. Et cela a donné naissance à ce magnifique récit, De l'ardeur, qui nous plonge dans la Syrie contemporaine.
Au delà de la portée politique et historique de cet ouvrage, c'est aussi un portrait de femme étonnant qui nous est livré. Razan Zaitouneh est (était?) une femme engagée, militante, dotée d'un caractère fort. Elle va s'intéresser tout particulièrement aux conditions de détention carcérale et se fera beaucoup d'ennemis en dénonçant les mauvais traitements subi par les prisonniers, les problèmes de procédure, d'injustice dans le système judiciaire syrien. Elle sera d'ailleurs suspendue du barreau à la demande d'un juge qu'elle avait mis sous pression dans un dossier.
Justine Augier s'est plongée dans la vie de Razan pendant deux ans, visionnant des archives, interrogeant ses proches, lisant des articles. Elle nous raconte aussi ce travail et le pourquoi de sa démarche. Elle parvient, au fil du récit, à nous entraîner dans son entreprise. On s'attache à ces deux femmes (Razan Zaitouneh et Justine Augier) qui vivent au coeur d'une région du monde secouée de toutes parts depuis de trop nombreuses décennies. Et on espère nous aussi, lecteurs, que Razan est toujours en vie.
Catherine M
Paru en août 2017, existe aussi en format numérique.
Cora, née esclave dans une plantation de coton, réservée mais déterminée, porte en elle un instinct de vie et d'insoumission qui font vibrer ce roman de la première à la dernière page.
Marquée par l'évasion de sa mère, sans elle, quand elle était enfant, Cora s'enfuit avec Caesar de la plantation des Randall en Géorgie quelques années plus tard, toute jeune adulte. Aidée par le chemin de fer clandestin, elle connaîtra la Caroline du Sud condescendante, la Caroline du Nord exterminatrice, elle traversera le Tennessee dévasté, entreverra dans l'Indiana la liberté et la solidarité.
Ce roman terrible rejoint la liste des magistrales dénonciations de l'esclavage, porté dans certains états au rang de meurtre de masse, sans compter les tortures inhumaines pratiquées ailleurs.
Le lumineux personnage de Cora nous permet de garder les yeux ouverts tout au long de ce périple qu'on lit avidement et qui nous rappelle jusqu'où l'être humain peut aller quand il a décidé de dominer ses semblables en les classant dans la catégorie "les autres".
Ce roman, le sixième de Colson Whitehead, a tout simplement reçu le prix Pulitzer en 2016...et le National Book Award, et un immense succès aux États-Unis.
Natacha
Paru en août 2017. Traduit de l'américain par Serge Chauvin. Existe aussi en format numérique.
Dès les premières pages, on sait qu'il y aura un drame, un terrible drame, on sait lequel et on relit les quelques lignes qui l'annoncent l'air de rien, comme un inoffensif constat, on les relit pour être sûr de bien comprendre. Mais les détails, les causes, les étapes, la sourde obstination qui conduira vers cette issue, ne sous sont révélés que lentement, par petites touches, avec toute l'opacité qu'ils gardent aux yeux de la jeune narratrice.
Ladite narratrice habite en bordure d'un lac et devient la baby-sitter du petit garçon qui vit sur l'autre rive. Elle devient proche de la jeune maman, passe de plus en plus de temps dans la maison d'en face.
Une histoire des loups nous plonge dans la forêt, on y navigue en canoë, on y ramasse des cailloux, on y touche des épines de pins, la nature est présente et palpable, on en respire même l'odeur. C'est une des marques de fabrique de l'éditeur Gallmeister. On y plonge aussi dans une petite ville américaine et dans quelques facettes de ces États-Unis si souvent dépeints sans ménagement par leurs propres écrivains : la tolérance de la Justice d'état à l'égard des sectes, le pudibonderie de cette même Justice dans d'autres domaines. Une des questions qui traversent ce roman plein de mystères et de suggestivité est celle de la culpabilité.
Arrivée à la dernière page, j'avais envie de recommencer le livre pour comprendre à nouveau, ou essayer...
C'est un roman hypnotique, en miroir à l'engourdissement de la narratrice face à ses voisins si ordinaires et si secrets.
Natacha
Paru en août 2017. Traduit de l'américain par Juliane Nivelt. Existe aussi en format numérique.
Gros coup de cœur. Pierre, qui s'était juré de ne jamais retourner en centre psychiatrique, fait une nouvelle crise et y est interné une seconde fois. Pierre est bipolaire et a arrêté de prendre ses médicaments. Le livre traite donc en partie de cette maladie, de son séjour dans le centre, des "branleurs de médecins" mais également du mal-être de ce jeune étudiant brillant qui est monté à Paris de son Ardèche natale, qui y est devenu journaliste (de gauche, lutte des classes oblige) et y a épousé une fille de la grande bourgeoisie parisienne (petite fille ou nièce de Paul Claudel, je ne sais plus...). Le style est tranchant et incisif et colle parfaitement au personnage de Pierre, cet écorché vif qui va devoir accepter sa maladie, mais qui va aussi aussi découvrir que les histoires que l'on raconte (ou que l'on tait) de génération en génération ne sont pas toujours vraies et qu'on n'en est pas les dépositaires éternels. Très beau personnage du père de Pierre...
Grégory
Paru en août 2017. Existe aussi au format numérique.
Olivier Chantraine créa Serge Horowitz. Et il vit que cela était bon.
Personnage haut en couleurs, Serge Horowitz incarne l'image du quarantenaire à qui rien n'a jamais réussi, toujours en recherche d'un sens à sa vie : adepte du moindre effort, de la procrastination, vivant aux crochets de sa soeur dont il squatte l'appartement, hypocondriaque, et atteint de troubles d'aphasies chroniques qui lui font perdre toute capacité de parole à des moments de stress plus aigu, il est employé depuis de longues années par l'Offshore Investment Company, un cabinet de consulting international implanté à Paris. Et cela, grâce au concours de son frère, François, Ministre des Finances.
Et pourtant Serge Horowitz n'en est pas moins un personnage des plus sympathiques auquel le lecteur ne pourra que s'attacher. Au fil de nombreuses mésaventures et déconvenues décrites avec force humour par un auteur très inspiré, nous découvrons que Serge est aussi un homme de bon sens et d'idéaux. Lorsqu'il fait capoter le rachat d'une petite entreprise française par une société japonaise, pour avoir dit tout haut ce qu'il pensait de l'honnêteté de ce contrat, son frère, qui semble étonnamment lié à cette affaire, le somme de rattraper son erreur. Et vite fait. Mais Serge Horowitz a choisi la voie de la vérité, et non de la réussite sociale et professionnelle, et fera preuve d'une grande indépendance d'esprit. Il devient "un élément perturbateur", au désespoir de son ambitieux et peu scrupuleux frère qui vient d'annoncer qu'il se présentait aux élections présidentielles, et ne compte pas laisser son cadet entacher sa réputation.
Voici une satire sociale de notre société occidentale qui se savoure. Une comédie rythmée qui nous fait rire par ses dialogues acérés, le burlesque de certaines situations décrites, la modernité de son ton, totalement décalé.
Un moment de lecture jubilatoire !
Delphine
Paru août 2017. Existe aussi au format numérique.
Génialissime, original, littérairement travaillé ; voilà une histoire de piraterie et de chercheurs d'or qui sort de l'ordinaire. En effet, dès les premières pages, le récit du naufrage imaginaire du bateau du pirate Henry Morgan (1635-1688) capte notre attention et nous entraîne dans une contrée sauvage et mystérieuse, à la nature luxuriante.
Le roman, teinté de réalisme magique, nous présente auprès de personnages hauts en couleurs, originaux, dotés de caractères bien trempés. Plusieurs d'entre eux cherchent trois siècles plus tard le mystérieux trésor que l’équipage du capitaine Morgan aurait abandonné dans une région désormais agricole où la culture de la cane à sucre et le commerce du rhum ont fait la fortune de certains. Mais la richesse, la découverte de ce trésor, fera-t-elle leur bonheur ?
Le titre "Sucre noir" est une évocation au pétrole. Le Vénézuela (où l'auteur a vécu de nombreuses années) est en effet riche en pétrole, cela a-t-il fait pour autant le bonheur des citoyens de ce pays ? Rien n'est moins sûr. Et si cette découverte n'était pas à l'origine de leur perte justement ?
Avec ce roman d'aventures, Miguel Bonnefoy dresse une sorte de fable philosophique entraînante. Un auteur à découvrir assurément, qui sera présent à la librairie le mardi 28 novembre à 19h30 pour une rencontre qui s'annonce passionnante!
Catherine M
Paru en août 2017, existe aussi au format numérique.
Dylan est un géant tatoué qui a grandi dans un petit cinéma d'art et d'essai. Après la mort de sa mère et de sa grand-mère, et alors que le climat se refroidit de jour en jour, il quitte Londres pour rejoindre la caravane que la première lui a laissé, tout au Nord de l'Écosse. Là, il fait la connaissance de ses voisines: Constance, une femme solitaire et débrouillarde, parée pour cette nouvelle ère glaciaire qui s'annonce, et sa fille adolescente, Stella. En leur compagnie, Dylan fréquente les différents personnages qui peuplent ce drôle de petit village situé entre mer et montagne, d'où l'on peut voir un iceberg venu de Scandinavie se rapprocher des côtes, lentement mais inexorablement. Et cette ombre d'incertitude qui plane sur leur avenir amène les protagonistes à se concentrer sur leurs histoires familiales - le deuil, la filiation, le rejet, tout en resserrant leurs liens pour s'entraider et se protéger.
Jenni Fagan nous offre ici un roman lumineux aux personnages attachants, dont la lecture donne envie de se pelotonner au chaud tandis qu'une épaisse couche de neige tombe silencieusement.
Hélène
Paru en août 2017, existe aussi au format numérique.
C'est un moment dans la vie, c'est un retour, pour la narratrice, aux sources de son enfance, oubliées, enfouies dans sa mémoire.
Le nouveau livre de Julie Wolkenstein retrace la rencontre de deux chercheurs, Paul et Sophie, comme dans Les vacances de la comtesse de Ségur. Paul et Sophie s'intéressent justement à l’œuvre de Ségur et à l'adaptation, par le cinéaste Eric Rohmer, des Petites filles modèles, film qui n'a jamais vu le jour.
Un livre savoureux écrit par une plume légère et enjouée.
Véronique
Paru en août 2017, aussi disponible au format numérique.
Ophélie Véron, chercheuse en sciences sociales et auteure du blog Antigone XXI, nous propose ici un ouvrage ultra-complet sur le véganisme et toutes les facettes de ce mode de vie. Les aspects philosophiques, politiques et historiques sont abordés en première partie de l'ouvrage, tandis que la seconde partie est consacrée aux aspects plus pratiques: l'alimentation, la consommation (habillement et autres), les loisirs... Véron répond avec beaucoup de sagesse aux "pourquoi?" et aux "comment?" du véganisme, ce qui donne un excellent guide pour les "débutants", mais aussi pour les simples curieux et curieuses.
Hélène
Paru en mai 2017. Aussi disponible au format numérique.
Voilà un livre drôle, déroutant, désabusé, surprenant, ironique, voire cynique... bref un bouquin qu'on aime.
Dans ce roman, Olivier El Khoury nous dépeint le portrait d'un jeune en route vers l'âge adulte. Les réflexions du jeune "héros" de Surface de réparation oscillent entre celles d'un adolescent fatigué de devoir se construire une image aux yeux de son entourage et des pensées plus philosophiques sur la vie et le monde. Fan du club de Bruges, le narrateur n'est ni pour Anderlecht, ni pour le Standard, il n'est ni un Rouche, ni un Mauve.. mais il est quoi alors ? Il n'est pas tout à fait adulte, plus tout à fait enfant, il est entre deux. Il fait des études mais ne sait tout à fait pourquoi... Et finalement, est-ce un problème ? Faut-il toujours un fil conducteur clair dans une vie ?
Comme le héros du livre, on déambule dans ce roman, à travers des chapitres qui nous font voyager, qui sont parfois sans queue ni tête et c'est très bien ainsi. La plume est fluide, belle, tantôt rude, tantôt poétique.
Premier roman d'un auteur d'origine namuroise, Surface de réparation est une belle réussite et le nom d'Olivier El Khoury est assurément à retenir pour suivre la suite de ses aventures en littérature.
Catherine M
Paru en août 2017. Existe aussi au format numérique.
Avec Éléphant, Martin Suter nous plonge dans une histoire de développement scientifique aussi palpitante qu’inquiétante, le tout sur fond de chronique sociale du Zürich d'aujourd'hui. En effet, une bonne partie des personnages de l'histoire sont issus de la rue et n'en sont pas moins des héros. L'auteur nous raconte leur quotidien, la débrouille pour trouver une planque sans être vu des autres, l'ennui de la journée qu'on comble à coup de canettes, de rencontres et de verres partagés.
Schosch, SDF depuis neuf ans, fait un soir une rencontre bien mystérieuse qui va bouleverser sa vie. Alors qu'il rentre "chez lui", une grotte bien cachée par des buissons en contrebas d'une route peu fréquentée, il lui semble apercevoir un petit éléphant rose... Il attribue cette première rencontre aux effets de l'alcool. Mais le lendemain, quand il découvrira les bouses d'éléphant et apercevra à nouveau l'animal, le doute n'est plus permis. Picole ou pas, l'éléphant est bien là... Valérie, vétérinaire des animaux de la rue, va l'aider à comprendre d'où vient cet étrange animal et surtout comment le soigner. Parallèlement, les scientifiques à l'origine de la naissance de cette créature n'ont qu'une idée en tête, remettre la main sur cet éléphant qui pourrait les rendre richissimes et célèbres. Schosch, Valérie et Kaung, un cormac birman qui a accompagné la naissance de l'éléphanteau, ne voient pas ça d'un bon œil et vont tout faire pour protéger le petit animal.
Construit avec beaucoup d'humour et de rythme, ce roman se dévore, on s'attache aux personnages, on en apprend beaucoup sur les éléphants et la condition animale. Et on passe un super moment de lecture.
Catherine M
Paru en août 2017. Traduit de l'allemand par Olivier Mannoni. Existe aussi en format numérique.
Mercy, Mary et Patty, ou trois jeunes femmes qui ont osé défier la société bien-pensante dans laquelle elles ont été éduquées pour rallier la cause de ceux qui les ont kidnappées : les deux premières au XVIIe et XVIIIe siècle, la troisième au XXe siècle. Et c’est autour de cette dernière que les recherches menées par Gene Neveva, professeure universitaire américaine exilée pour un an dans les Landes françaises, et Violette (rebaptisée Violaine), son assistante française, vont se focaliser. Patty, pour Patricia Hearst, cette héritière de 18 ans qui sera enlevée par un groupuscule révolutionnaire en février 1974 et qui va progressivement embrasser leurs idéaux, jusqu’à manier les armes lors d’un braquage quelques semaines plus tard. En cavale, elle sera finalement arrêtée en 1975 et, en prévision du procès, les avocats du clan Hearst vont chercher à s’entourer de spécialistes en tous genres, dont Gene Neveva, avec la mission toute délicate de prouver que Patty (devenue Tania au sein du groupuscule) a subi un lavage de cerveau et qu’elle est victime du syndrome de Stockholm. C’est avec le regard tendre et naïf de Violaine que Neveva va revisiter toute cette affaire, cette même Violaine/Violette dont la vie va être à tout jamais bouleversée par cette quinzaine vécue en-dehors du temps. Les conclusions de Gene Neveva sont fortement attendues dans ce procès, car elle-même a tourné le dos à l’establishment et a acquis une certaine célébrité dans son pays…
Dans ce nouveau roman qui mêle subtilement réalité et fiction, il est question de rencontres, de liberté et d’emprisonnement, et à travers ces trois, voire six personnages féminins (féministes ?) réels et fictionnels, Lola Lafon questionne habilement les conséquences de l'anti-conformisme et les peurs qui l'accompagnent, cette crainte à l'encontre de celles qui défient les lois "naturelles" et qui va mener la petite fille riche devant un tribunal sans savoir précisément de quelle nature est son crime, puisque la seule revendication de Patricia Hearst était sa soif de liberté… Grâce à cette lecture, notre connaissance de cet épisode qui a marqué l’adolescence des jeunes Américain-e-s s’en trouve enrichie et on a envie de mener ses propres recherches pour comprendre à quel moment tout bascule, ce point de non-retour qui nous fait tourner le dos à nos origines et à notre vie d’avant. Fascinant, ce roman à voix multiples met en lumière de façon singulière et percutante ces destins de femmes libres, qui ont traversé les siècles, et qui continuent de questionner la condition féminine actuelle.
Catherine D.
Paru en août 2017. Aussi disponible en format numérique.
Guillaume Poix, jeune dramaturge français, signe un premier roman saisissant. D'une langue acérée et inventive, il nous plonge dans le monde apocalyptique des décharges de produits électroniques à Accra, au Ghana.
Partant d'une réalité connue et malheureusement authentique, l'auteur nous propose de faire connaissance avec Isaac, Moïse et Jacob qui, du haut de leurs jeunes années, vivent de la "fouille" de la décharge à ciel ouvert, celle qu'on nomme "La Bosse". Histoire de gagner quelques "cetis" (monnaie ghanéenne), de survivre surtout. Mais ils ne sont pas dupes et savent que la survie ne sera que de courte durée car l'inhalation des produits toxiques les tue à petit feu. On y rencontrera aussi Thomas, jeune photographe franco-helvète idéaliste, venu sur place pour réaliser un reportage photographique, et dont le chemin va croiser celui des garçons.
Les trois jeunes Ghanéens créent des liens, travaillent en équipe, s'entraident. Parlent le langage argotique de la Bosse, propre à ses adeptes, et particulièrement savoureuse. Il y aura même quelques moments de grâce comme ce match de foot organisé vaille que vaille sur la décharge, avec une pelote de fils conducteurs en guise de balle...
Mais les destins de ces personnages de fiction sont rattrapés par la noirceur de la réalité. Celle que nous décrit Guillaume Poix est d'autant plus écoeurante qu'elle est le résultat d'une surconsommation électronique dont notre société est responsable : obsolescence programmée, cynisme du monde occidental qui rejette sur le continent africain les déchets qui l'encombrent et refuse d'ouvrir les yeux sur les conséquences terribles de ces pratiques, rien ne nous sera épargné. Jusqu'à la chute, vertigineuse, où nous plongeons encore plus loin dans l'horreur.
Les fils conducteurs marque par son écriture au vitriol, nous happe et laisse des traces certainement profondes. Une lecture parfois difficile, douloureuse mais forte. Qui nous traverse comme une décharge électrique.
Delphine
Paru en août 2017. Existe aussi au format numérique.
Le nouveau roman de Marie Darrieussecq raconte une cavale: celle d'un groupe de personnages, certains en double exemplaire, certains un peu déglingués, tous habités par la volonté de détruire ce qui les a amenés là, pour tout recommencer. Marie, la narratrice, était psychologue. Elle raconte comment elle s'est retrouvée dans la forêt, les rencontres qu'elle a faites et qui lui ont ouvert les yeux sur ce monde où les corps n'appartiennent pas à qui on pourrait le croire, mais où les âmes luttent. L'écriture est franche, concise et nous tient en haleine jusqu'au bout.
Une chouette lecture, un peu dystopique, un peu décalée, qui nous rappelle (en plus trash) Auprès de moi toujours d'Ishiguro.
Hélène
Paru en août 2017. Aussi disponible en livre numérique.
La chambre des époux est un livre d'une infinie richesse. Il aborde avec douceur, et avec l'intelligente finesse qui caractérise Éric Reinhardt, la cruauté de l'irruption de la maladie dans une histoire d'amour au long cours, une histoire de couple. Et c'est un coup de projecteur porté sur l'amour et sur la vie que l'auteur nous offre en racontant le cancer et la lutte pour la guérison.
Il nous offre aussi le portrait d'un narrateur dont l'amour semble parfait, il se rêve comme chacun voudrait se rêver face à l'épreuve et sans pourtant faire l'impasse sur les réalités les plus crues qui traversent la relation amoureuse, que la maladie y fasse irruption ou pas.
Au fil de la lecture, nous nous interrogeons : qu'est-ce qui est le plus vrai ? La réalité de l'évènement, ou le roman que l'on s'en raconte ?
Récit avec un roman caché dedans, à moins que ce soit un roman dans un roman, La chambre des époux bouleverse, décode, donne à penser, nous présente un miroir et nous brûle par sa sincérité, réinvente la vie, nous fait rire et pleurer : de la littérature, tranchante et splendide.
Natacha
Parution le 17 août 2017. Existe aussi en format numérique.
Anna Hope nous avait conquis avec son premier roman, Le chagrin des vivants, tissage inventif de trois vies de femmes après la guerre de 1914. Elle s'intéresse ici à nouveau au début du XXème siècle dans ce deuxième roman charmant, dramatique et documenté, et nous emmène en 1911, dans l'asile de Sharston.
Charles est un jeune médecin musicien en quête de reconnaissance. John, un interné irlandais fort comme un boeuf et taciturne. Ella, jeune oiseau féroce et avide de liberté, a été internée dans l'aile des femmes parce que, au travail depuis son enfance dans une filature dure et bruyante, elle a un jour cassé une vitre, pour faire entrer l'air et la lumière.
Dans l'asile de Sharston, ces trois-là vont se rencontrer avec en toile de fond l'histoire de la psychiatrie qui se cherche, qui dérape, considère les internés comme des "dégénérés" qui "menacent la société de décrépitude" et tâtonne sur la meilleure solution : ségrégation entre hommes et femmes ou stérilisation ? Or il se trouve qu'à Sharston, hommes et femmes quittent leurs ailes respectives une fois par semaine pour se retrouver à la salle de bal et danser sous le regard des soignants.
Plongez dans cette très belle histoire, fluide et agréable à lire.
Parution le 17 août 2017, traduit de l'anglais par Élodie Leplat. Existe aussi en format numérique.
Quel est le titre d'album le plus long de tous les temps? Quelle profession exerçait Mick Jagger avant que les Rolling Stones ne décollent? Comment Jack White prépare-t-il son guacamole? Quelles chansons rock sont les plus diffusées aux enterrements? Quel était le premier nom de scène des Red Hot Chili Peppers?
Si ces questions vous ont un jour taraudé, Marshall (du nom des fameux amplis) en a compilé les réponses dans un super petit livre sorti en février dernier. "Le mur du son" alterne anecdotes historiques, portraits de rockers aimant jouer fort et détails plus techniques sur le son, le tout présenté de façon très attrayante. Un must pour les fans de rock'n'roll!
Hélène
Marshall - Le mur du son. Recueil de vérités musicales essentielles et disparates, paru en février 2017 chez Hachette, €16,85
Robin Mac Arthur, auteure et chanteuse américaine, signe un magnifique recueil de nouvelles qui nous plonge dans l’Amérique rurale.
Les personnages dépeints vivent au plus proche de la nature, par choix parfois, souvent par nécessité, car la vie ne leur a pas donné autre chose. On les découvre dans leur quotidien, au bord d'une forêt, dans les champs et les rivières du Vermont. L'auteur ne nous dévoile qu'un petit coin de leurs vies, un fragment qui nous donne à chaque fois l'envie de poursuivre la route avec les femmes, les hommes, les familles présentés dans ces nouvelles.
On sent la roche, la lumière du soir, l'eau glacée des lacs, l'odeur des champs coupés dans les mots de Robin Mac Arthur. On perçoit la mélancolie, la solitude, l’âpreté de la vie sauvage, mais aussi la liberté que cette existence marginale et loin des villes permet. Chaque nouvelle est un mystère qui nous laisse rêveur sur le devenir des êtres rencontrés. Seront-ils couper les liens qui les tiennent attacher au Vermont ? Seront-ils plus heureux ailleurs? L'exil vaut-il mieux que les racines?
Catherine M
Paru en mai 2017. Traduit de l'américain par France Camus-Pichon. Existe aussi en format numérique.
Dans ce premier roman aussi beau que cruel, nous partons à la rencontre d'un jeune enfant/adolescent en route vers l'âge adulte. Il nous raconte son quotidien dans une région éloignée de la modernité et de la frénésie de notre monde moderne et urbain. Il nous parle de la misère et de la violence de ces zones rurales où l'alcool coule à flot, où les mots manquent aux hommes pour exprimer leurs doutes, leurs peurs, leurs joies, et ce sont les regards, mais aussi les coups, qui prennent le relais.
Dans la première partie du livre, le narrateur évolue dans le microcosme familial de son village natal, il est à la fois libre comme un enfant laissé à lui-même et terriblement contraint par un entourage oppressant qui ne voit d'autre avenir possible que la reproduction d'une vie de misère. On apprend à tuer le mouton d'un coup de couteau sec et vif, car c'est ce qu'on fera adulte. Dans un second temps, on suivra le jeune homme qui part à la rencontre de son destin, seul, dans un ailleurs. La ville pourra-t-il l’accueillir? La solitude, voire le rejet, n'est-il pas encore plus difficile à vivre dans une ville surpeuplée de gens sans racine?
Ce récit sombre, glauque nous colle à la peau tant la langue de ce jeune romancier est belle, brillante. On retrouve l'ambiance de Steinbeck par moments. C'est une lecture qui marque, un texte qui sort de l'ordinaire (comme beaucoup de textes édités par la géniale maison d'édition Allia). Un auteur à suivre, assurément.
Catherine
Paru en janvier 2017, existe aussi en format numérique.
Jessie Burton est habile pour tisser les liens entre les époques et les personnages et nous plonger dans des atmosphères envoûtantes. Elle entraîne le lecteur dans un récit dense construit entre deux époques et deux endroits différents : Londres en 1967 et Malaga en 1936.
Le roman débute à Londres en 1967. Odelle, débarquée depuis quelques années de ses Caraïbes natales, décroche un poste de secrétaire dans une galerie d'art. Elle y rencontre l'énigmatique Marjorie Quick, sa patronne et fait la connaissance de Lawrie, un jeune Londonien dont elle tombe amoureuse. Ce dernier a hérité de sa mère un tableau remarquable au titre énigmatique "Les filles au lion". Une oeuvre incontestablement unique, en avance sur les codes graphiques de son temps, dégageant une aura puissante. Un tableau surtout auréolé de mystère puisque lorsqu'il réapparaît en 1967, après trente ans d'oubli, on a des doutes sur les circonstances de sa création et sur l'identité du peintre qui en est l'auteur. Néanmoins, la galerie d'art pense qu'il s'agit d'une oeuvre peinte en 1936 en Andalousie par Isaac Roblès, un prometteur peintre mort trop jeune, pendant la guerre civile espagnole. Et Marjorie Quick, de son côté, semble fortement troublée par le tableau... Odelle décide de mener son enquête et va faire ressurgir du passé la vérité.
Jessie Burton entrecroise le récit de la quête d'Odelle avec celui des origines de cette peinture en 1936. On y découvre le destin d'Isaac Roblès, jeune révolutionnaire passionné, de sa soeur Teresa, et d'Olive Schlöss, jeune anglaise qui passe quelques mois en villégiature en Andalousie avec ses parents. Des liens se tissent entre ces personnages, des passions se nouent... Olive et Isaac aiment peindre et le climat est propice à la création. Mais la guerre civile est aux portes du petit village andalou...
Après "Miniaturiste" son précédent roman, Jessie Burton signe à nouveau un roman passionnant servi par une très belle plume, qui nous apprend beaucoup sur l'histoire de l'Espagne et l'histoire de l'art.
Delphine
Paru en mars 2017, traduit de l'anglais par Jean Esch, existe aussi au format numérique.
Avec délicatesse, Grégory Mardon nous invite à suivre Achille, ce personnage un peu perdu depuis que la femme qu'il aimait a voulu rompre. Plonger dans ses pensées, forcément un peu torturées. Voyager avec lui, sur les routes de France, dans un voyage qu'il espère libérateur.
Le récit débute quand Achille devient propriétaire d'un appartement en région parisienne. En plein travaux de rénovation, il tombe par hasard sur une lettre coincée entre le plancher et le revêtement de sol. Le courrier date de 1976, est adressé à Suzanne, l'ancienne propriétaire des lieux, décédée depuis. Une lettre d'amour, probablement jamais lue... Achille a besoin de se changer les idées et décide sur un coup de tête de ramener la lettre à son expéditeur à Marseille. Par les chemins de traverse à travers les campagnes françaises, il descend de Paris vers Marseille, en scooter. Retrouvera-t-il Tristan, l'amoureux malheureux de 1976 ? Parviendra-t-il surtout à retrouver une forme de paix intérieure, à oublier ?
Grégory Mardon, toujours aussi talentueux, nous touche avec ce roman graphique beau et subtil. Le dessin et le texte nous emportent, nous plongeons avec plaisir dans ces décors champêtres aux couleurs chaudes. Un très heureux moment de lecture !
Delphine
Paru en mai 2017
Objet littéraire non identifié, artistique et décalé, cette chronique de deux familles américaines sera fragmentée selon le principe de l’abécédaire et reconstruite au gré de vos envies, dans une chronologie éclatée qui, pourtant, n’empêche nullement la compréhension de l’histoire… La présentation est particulièrement soignée, avec la participation d’une quarantaine de photographes différents. Une lecture unique à savourer !
Catherine D.
Paru en avril 2017.
Anjali, jeune épouse d'un mari volage et inconséquent, va subir intimement et socialement les conséquences terribles de l'explosion d'une usine de gaz à Bhopal en Inde, alors qu'elle attendait son mari qui n'est jamais venu la rechercher à la gare... Elevée dans la tradition, elle réalisera son rêve de jeune fille en obtenant un mariage fastueux, avant de devoir s'émanciper et briser les tabous de la société indienne pour faire face à la tragédie qui la frappe et s'élever contre sa culture, sa famille et ses propres croyances. Elle divorcera, déménagera loin des siens, reprendra des études supérieures durant lesquelles elle rencontrera un homme qu'elle aime et qui l'aime. Ils se marieront, elle deviendra enseignante et élèvera leur fils, lourdement handicapé à cause des gaz qu'elle a inhalés des années auparavant, lors de cette funeste nuit...
Voici un très beau premier roman d'une auteure indienne exilée aux Etats-Unis et qui vit maintenant au Danemark, basé sur un fait réel ayant marqué l'histoire de l'Inde, un des plus graves accidents chimiques du 20ème siècle.
Catherine D.
Paru en janvier 2017, existe aussi en format numérique.