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Dès les premières pages, on sait qu'il y aura un drame, un terrible drame, on sait lequel et on relit les quelques lignes qui l'annoncent l'air de rien, comme un inoffensif constat, on les relit pour être sûr de bien comprendre. Mais les détails, les causes, les étapes, la sourde obstination qui conduira vers cette issue, ne sous sont révélés que lentement, par petites touches, avec toute l'opacité qu'ils gardent aux yeux de la jeune narratrice.
Ladite narratrice habite en bordure d'un lac et devient la baby-sitter du petit garçon qui vit sur l'autre rive. Elle devient proche de la jeune maman, passe de plus en plus de temps dans la maison d'en face.
Une histoire des loups nous plonge dans la forêt, on y navigue en canoë, on y ramasse des cailloux, on y touche des épines de pins, la nature est présente et palpable, on en respire même l'odeur. C'est une des marques de fabrique de l'éditeur Gallmeister. On y plonge aussi dans une petite ville américaine et dans quelques facettes de ces États-Unis si souvent dépeints sans ménagement par leurs propres écrivains : la tolérance de la Justice d'état à l'égard des sectes, le pudibonderie de cette même Justice dans d'autres domaines. Une des questions qui traversent ce roman plein de mystères et de suggestivité est celle de la culpabilité.
Arrivée à la dernière page, j'avais envie de recommencer le livre pour comprendre à nouveau, ou essayer...
C'est un roman hypnotique, en miroir à l'engourdissement de la narratrice face à ses voisins si ordinaires et si secrets.
Natacha
Paru en août 2017. Traduit de l'américain par Juliane Nivelt. Existe aussi en format numérique.
Avec Éléphant, Martin Suter nous plonge dans une histoire de développement scientifique aussi palpitante qu’inquiétante, le tout sur fond de chronique sociale du Zürich d'aujourd'hui. En effet, une bonne partie des personnages de l'histoire sont issus de la rue et n'en sont pas moins des héros. L'auteur nous raconte leur quotidien, la débrouille pour trouver une planque sans être vu des autres, l'ennui de la journée qu'on comble à coup de canettes, de rencontres et de verres partagés.
Schosch, SDF depuis neuf ans, fait un soir une rencontre bien mystérieuse qui va bouleverser sa vie. Alors qu'il rentre "chez lui", une grotte bien cachée par des buissons en contrebas d'une route peu fréquentée, il lui semble apercevoir un petit éléphant rose... Il attribue cette première rencontre aux effets de l'alcool. Mais le lendemain, quand il découvrira les bouses d'éléphant et apercevra à nouveau l'animal, le doute n'est plus permis. Picole ou pas, l'éléphant est bien là... Valérie, vétérinaire des animaux de la rue, va l'aider à comprendre d'où vient cet étrange animal et surtout comment le soigner. Parallèlement, les scientifiques à l'origine de la naissance de cette créature n'ont qu'une idée en tête, remettre la main sur cet éléphant qui pourrait les rendre richissimes et célèbres. Schosch, Valérie et Kaung, un cormac birman qui a accompagné la naissance de l'éléphanteau, ne voient pas ça d'un bon œil et vont tout faire pour protéger le petit animal.
Construit avec beaucoup d'humour et de rythme, ce roman se dévore, on s'attache aux personnages, on en apprend beaucoup sur les éléphants et la condition animale. Et on passe un super moment de lecture.
Catherine M
Paru en août 2017. Traduit de l'allemand par Olivier Mannoni. Existe aussi en format numérique.
Anna Hope nous avait conquis avec son premier roman, Le chagrin des vivants, tissage inventif de trois vies de femmes après la guerre de 1914. Elle s'intéresse ici à nouveau au début du XXème siècle dans ce deuxième roman charmant, dramatique et documenté, et nous emmène en 1911, dans l'asile de Sharston.
Charles est un jeune médecin musicien en quête de reconnaissance. John, un interné irlandais fort comme un boeuf et taciturne. Ella, jeune oiseau féroce et avide de liberté, a été internée dans l'aile des femmes parce que, au travail depuis son enfance dans une filature dure et bruyante, elle a un jour cassé une vitre, pour faire entrer l'air et la lumière.
Dans l'asile de Sharston, ces trois-là vont se rencontrer avec en toile de fond l'histoire de la psychiatrie qui se cherche, qui dérape, considère les internés comme des "dégénérés" qui "menacent la société de décrépitude" et tâtonne sur la meilleure solution : ségrégation entre hommes et femmes ou stérilisation ? Or il se trouve qu'à Sharston, hommes et femmes quittent leurs ailes respectives une fois par semaine pour se retrouver à la salle de bal et danser sous le regard des soignants.
Plongez dans cette très belle histoire, fluide et agréable à lire.
Parution le 17 août 2017, traduit de l'anglais par Élodie Leplat. Existe aussi en format numérique.
Robin Mac Arthur, auteure et chanteuse américaine, signe un magnifique recueil de nouvelles qui nous plonge dans l’Amérique rurale.
Les personnages dépeints vivent au plus proche de la nature, par choix parfois, souvent par nécessité, car la vie ne leur a pas donné autre chose. On les découvre dans leur quotidien, au bord d'une forêt, dans les champs et les rivières du Vermont. L'auteur ne nous dévoile qu'un petit coin de leurs vies, un fragment qui nous donne à chaque fois l'envie de poursuivre la route avec les femmes, les hommes, les familles présentés dans ces nouvelles.
On sent la roche, la lumière du soir, l'eau glacée des lacs, l'odeur des champs coupés dans les mots de Robin Mac Arthur. On perçoit la mélancolie, la solitude, l’âpreté de la vie sauvage, mais aussi la liberté que cette existence marginale et loin des villes permet. Chaque nouvelle est un mystère qui nous laisse rêveur sur le devenir des êtres rencontrés. Seront-ils couper les liens qui les tiennent attacher au Vermont ? Seront-ils plus heureux ailleurs? L'exil vaut-il mieux que les racines?
Catherine M
Paru en mai 2017. Traduit de l'américain par France Camus-Pichon. Existe aussi en format numérique.
Dylan est un géant tatoué qui a grandi dans un petit cinéma d'art et d'essai. Après la mort de sa mère et de sa grand-mère, et alors que le climat se refroidit de jour en jour, il quitte Londres pour rejoindre la caravane que la première lui a laissé, tout au Nord de l'Écosse. Là, il fait la connaissance de ses voisines: Constance, une femme solitaire et débrouillarde, parée pour cette nouvelle ère glaciaire qui s'annonce, et sa fille adolescente, Stella. En leur compagnie, Dylan fréquente les différents personnages qui peuplent ce drôle de petit village situé entre mer et montagne, d'où l'on peut voir un iceberg venu de Scandinavie se rapprocher des côtes, lentement mais inexorablement. Et cette ombre d'incertitude qui plane sur leur avenir amène les protagonistes à se concentrer sur leurs histoires familiales - le deuil, la filiation, le rejet, tout en resserrant leurs liens pour s'entraider et se protéger.
Jenni Fagan nous offre ici un roman lumineux aux personnages attachants, dont la lecture donne envie de se pelotonner au chaud tandis qu'une épaisse couche de neige tombe silencieusement.
Hélène
Paru en août 2017, existe aussi au format numérique.
Jessie Burton est habile pour tisser les liens entre les époques et les personnages et nous plonger dans des atmosphères envoûtantes. Elle entraîne le lecteur dans un récit dense construit entre deux époques et deux endroits différents : Londres en 1967 et Malaga en 1936.
Le roman débute à Londres en 1967. Odelle, débarquée depuis quelques années de ses Caraïbes natales, décroche un poste de secrétaire dans une galerie d'art. Elle y rencontre l'énigmatique Marjorie Quick, sa patronne et fait la connaissance de Lawrie, un jeune Londonien dont elle tombe amoureuse. Ce dernier a hérité de sa mère un tableau remarquable au titre énigmatique "Les filles au lion". Une oeuvre incontestablement unique, en avance sur les codes graphiques de son temps, dégageant une aura puissante. Un tableau surtout auréolé de mystère puisque lorsqu'il réapparaît en 1967, après trente ans d'oubli, on a des doutes sur les circonstances de sa création et sur l'identité du peintre qui en est l'auteur. Néanmoins, la galerie d'art pense qu'il s'agit d'une oeuvre peinte en 1936 en Andalousie par Isaac Roblès, un prometteur peintre mort trop jeune, pendant la guerre civile espagnole. Et Marjorie Quick, de son côté, semble fortement troublée par le tableau... Odelle décide de mener son enquête et va faire ressurgir du passé la vérité.
Jessie Burton entrecroise le récit de la quête d'Odelle avec celui des origines de cette peinture en 1936. On y découvre le destin d'Isaac Roblès, jeune révolutionnaire passionné, de sa soeur Teresa, et d'Olive Schlöss, jeune anglaise qui passe quelques mois en villégiature en Andalousie avec ses parents. Des liens se tissent entre ces personnages, des passions se nouent... Olive et Isaac aiment peindre et le climat est propice à la création. Mais la guerre civile est aux portes du petit village andalou...
Après "Miniaturiste" son précédent roman, Jessie Burton signe à nouveau un roman passionnant servi par une très belle plume, qui nous apprend beaucoup sur l'histoire de l'Espagne et l'histoire de l'art.
Delphine
Paru en mars 2017, traduit de l'anglais par Jean Esch, existe aussi au format numérique.
Objet littéraire non identifié, artistique et décalé, cette chronique de deux familles américaines sera fragmentée selon le principe de l’abécédaire et reconstruite au gré de vos envies, dans une chronologie éclatée qui, pourtant, n’empêche nullement la compréhension de l’histoire… La présentation est particulièrement soignée, avec la participation d’une quarantaine de photographes différents. Une lecture unique à savourer !
Catherine D.
Paru en avril 2017.
Anjali, jeune épouse d'un mari volage et inconséquent, va subir intimement et socialement les conséquences terribles de l'explosion d'une usine de gaz à Bhopal en Inde, alors qu'elle attendait son mari qui n'est jamais venu la rechercher à la gare... Elevée dans la tradition, elle réalisera son rêve de jeune fille en obtenant un mariage fastueux, avant de devoir s'émanciper et briser les tabous de la société indienne pour faire face à la tragédie qui la frappe et s'élever contre sa culture, sa famille et ses propres croyances. Elle divorcera, déménagera loin des siens, reprendra des études supérieures durant lesquelles elle rencontrera un homme qu'elle aime et qui l'aime. Ils se marieront, elle deviendra enseignante et élèvera leur fils, lourdement handicapé à cause des gaz qu'elle a inhalés des années auparavant, lors de cette funeste nuit...
Voici un très beau premier roman d'une auteure indienne exilée aux Etats-Unis et qui vit maintenant au Danemark, basé sur un fait réel ayant marqué l'histoire de l'Inde, un des plus graves accidents chimiques du 20ème siècle.
Catherine D.
Paru en janvier 2017, existe aussi en format numérique.
Deuxième volet d'une trilogie, faisant suite à "D'ailleurs les poissons n'ont pas de pieds", "A la mesure de l'univers" est un magnifique roman qui nous transporte en Islande. On voyage dans trois époques, les années 30 où la pêche semble organiser toute la vie de l'île, les années d'après-guerre avec la présence de l'armée américaine par la biais d'une importante base militaire qui pèse sur tout le pays, et l'époque actuelle où l'on retrouve notamment certains personnages qui se sont "échappés" de l'île pour vivre une vie loin de la pêche et du microcosme islandais. On sent que ce pays, où les étés sont clairs et les hivers une sorte de longue pénombre, est particulier de par sa position géographique, de par son histoire, de par sa proximité avec un océan tout à la fois paisible et déchaîné.
Rempli de poésie, d'émotions, d'amour, ce livre est un non seulement une magnifique histoire de famille et de transmission mais aussi une ode à la littérature tant la langue utilisée est belle, juste. On ne compte plus les phrases qu'on a envie d'épingler au cours de la lecture.
Cette lecture est une des plus belles que j'ai faites cette année et je suis rentrée sans problème dans le roman bien que je n'ai pas lu le premier volet de cette histoire (qui est, cela dit, magnifique aussi parait-il, et disponible en poche chez Folio).
Voici un auteur à découvrir sans hésiter.
Catherine M
Paru en avril 2017, traduit de l'islandais par Eric Boury. Existe aussi en format numérique.

Le titre de ce roman lui va comme un gant et rend bien compte du talent de Gornick à dresser le portrait de sa mère et d'elle-même, prises dans une relation qui les enserre l'une et l'autre dans une toile d'araignée passionnée. Vivian Gornick est journaliste et essayiste, elle évoque sa propre histoire dans ce livre et cela se passe à New York, notamment dans le Bronx où les Juifs, les Irlandais, les Italiens se côtoient au sein des mêmes immeubles et quartiers.
Enfant et adolescente, Vivian est entourée de femmes au milieu desquelles sa mère tient les rênes, bien campée sur un mélange de convictions communistes et d'échappatoire romantique, puis bientôt veuve et entoilée dans son deuil. Mais il y a aussi Nettie, séductrice et sensuelle, Mrs. Kerner qui a perdu les pédales et bien d'autres qui jalonnent le parcours de la jeune fille et qu'elle observe avec une acuité merveilleuse.
Attachement féroce fait partie des romans qui aident à vivre en mettant des mots d'une grande justesse et d'une grande beauté sur nos labyrinthes parfois obscurs. Il est aussi jubilatoire dans son humour mordant !
Ce livre est paru en 1987 aux États-Unis et ceci est sa première traduction en français.
Natacha
Paru en janvier 2017. Traduit de l'anglais (États-Unis) par Laetitia Devaux. Existe aussi en format numérique.
Dans son sixième roman, Roopa Farooki reprend ses thèmes chers, la famille, les liens entre l'Orient et l'Occident, et nous ravit une fois de plus par sa finesse psychologique, la fraicheur de son ton, la vivacité de sa langue.
Elle nous entraîne dans un récit dense, éclaté, entre L'Inde traditionnelle, Londres et les USA, depuis 1940 jusqu'à nos jours, à la suite de ses quatre personnages principaux, deux frères et deux soeurs, plus ou moins marqués par une enfance douloureuse sous l'emprise d'une mère autoritaire et manipulatrice. A l'âge adulte, quasi tous les membres de la fratrie se sont éloignés de la figure maternelle mais resteront-ils hantés par leur passé ? Arriveront-ils à se construire en tant qu'adultes, amants, époux, pères ou mères ?
L'auteure ancre son récit dans un monde en pleine mutation, à mi-chemin entre l'Orient traditionnel et l'Occident moderne, aborde sans tabou et beaucoup de justesse les sujets de l'immigration, des mères célibataires ou de l'homosexualité.
Avec patience et amour, Roopa Farooki tisse les liens, souvent distendus, entre ces personnages, et nous donne à suivre ces quatre trajectoires qui ont traversé les cultures, les frontières et les décennies, avec plus ou moins de force ou de fragilité.
Voici sans conteste un roman attachant.
Delphine
Paru en février 2017. Existe également au format numérique.
Roman d'anticipation, mais pas que, Station Eleven est une exploration de la vie - avant et après le virus qui a décimé la majorité des humains - et de ce qui survit quand l'humanité a presque disparu : Shakespeare, la musique, la solidarité mais aussi la méfiance envers les autres.
L'auteur décrit le destin de plusieurs personnages: un acteur de théâtre et les femmes de sa vie; une jeune fille qui n'a presque pas connu le monde "d'avant", et les musiciens et comédiens de la troupe itinérante dont elle fait partie. Au fil de sauts dans le temps, elle nous permet de reconstituer leur biographie et les liens qui les unissent les uns aux autres, à la fois dans l'ancien monde (le nôtre) et le nouveau, en cours de reconstruction.
Le tout, magnifiquement écrit. On ne lâche pas ce livre, c'est un vrai coup de cœur !
Hélène
Paru en août 2016, traduit de l'anglais (canada) par Gerard De Cherge - existe aussi en format numérique.
En 1893, Johanne Lien, jeune cueilleuse de fruits de la bourgade norvégienne Åsgardstrånd, amie d'Eduard Munch qui lui permet de peindre en cachette et avec lequel les conversations se font poèmes et restent bien souvent suspendues hors du temps, se retrouve le temps d'un été au service d'une grande famille bourgeoise en villégiature dans la ville voisine. Elle deviendra peu à peu la confidente, amie et complice d'une des filles de l'Amiral, Tullik. Et celle-ci va l'entraîner à sa suite dans un tourbillon de sentiments dévorants, causés entre autres par la passion que cette dernière va vivre avec le peintre honni par toute la communauté locale, Eduard Munch. Outre ces trois personnages principaux, il s'agit ici d'une véritable ode à la peinture qui devient un personnage à part entière de cette histoire où tous les sens sont en éveil. L'auteure parvient en effet à nous faire ressentir la chaleur de cet été caniculaire, la transpiration causée par ces heures de danse au bal du Grand Hôtel, entendre le souffle puissant du vent et de la tempête qui fait rage en cette nuit de perdition, sans parler des émotions causées par les traits picturaux subtilement mis en mots pour décrire les célèbres toiles du maître. Chaque chapitre est une couleur et est introduit par une citation du Traité des couleurs de Goethe, que la jeune servante a reçu en cadeau par Munch.
Voici un premier roman sensible et très bien écrit, en forme d'hommage à la force créatrice en général, à la peinture de Munch en particulier. Intense et délicat!
Catherine D.
Paru en mars 2017, traduit de l'anglais (Royaume-Uni) par Séverine Beau. Existe aussi en format numérique.
Sur l'île de Java, dans les Indes néerlandaises, à la fin du 19ème siècle, vit Minke, notre héros, un jeune indigène, élève brillant d'une école européenne. Nous sommes à Surabaya, dans une société hyper hiérarchisée. Minke, journaliste à ses heures, croise la route de Nyai Ontosoroh, une femme hors du commun, concubine d'un riche fermier et industriel hollandais, Herman Mellema. Elle gère seule la "Boerderij Buitenzorg", une ferme prospère, depuis que Herman est devenu fou. Minke tombe follement amoureux de la belle et fragile Annelies, fille de Nyai. L'attention que lui portent les deux femmes, attire sur lui bien des jalousies.
Mais au-delà de l'histoire aventureuse et romanesque, le thème principal du récit est la question du colonialisme. Nyai et Minke sont tous deux javanais, intelligents et idéalistes. Ils rêvent d'une liberté conquise contre un régime de discrimination. Minke, dont l'esprit critique est aiguisé par l'excellente professeure Magda Peters, veut être un homme libre "qui n'obéit ni ne donne d'ordre à personne". Car Minke, dans son coeur et dans sa chair, est javanais. Fils d'un bupati, il honnit la servilité, les rituels et la dépendance de son peuple face aux européens, comme il déteste l'autorité et la supériorité de ces derniers.
Pramoedya Ananta Toer (1925-2006) est une figure marquante de la littérature indonésienne. Il prit part à la lutte pour l'indépendance de son pays et fût incarcéré de nombreuses fois, dont 15 ans passé au bagne sur l’île de Buru, le goulag des mers du Sud, de 1965 à 1979.
"Le monde des hommes" est le premier tome d'une tétralogie intitulée "Buru quartet". On se réjouit déjà de retrouver ces personnages forts et attachants dans le second volet qui paraîtra en mars, toujours aux éditions Zulma.
Véronique
Paru en janvier 2017.
Tommi Kinnunen nous plonge dans l’histoire d’une famille au cœur de la taïga, au nord de la Finlande, et nous laisse entrevoir ses secrets bien gardés, que le lecteur découvrira peu à peu, à travers la voix de quatre protagonistes : Maria, la matriarche indépendante, Lahja, sa fille, Onni, son gendre, et Kaarina, sa belle-petite fille.
Si la recette du roman polyphonique n’est pas neuve, l’auteur parvient à donner de la consistance à tous ses personnages et à insuffler une âme à ce livre. Il nous livre un récit intimiste, crée une véritable ambiance feutrée et tisse surtout une intrigue dense qu’on ne lâche pas et qui se lit comme une saga.
Ce roman nous invite à un voyage dans la Finlande du XXe siècle, entre 1895 et 1996 : un pays dont nous connaissons finalement peu l’histoire et que nous découvrons avec curiosité, loin des clichés.
Un texte très beau, fluide, premier roman élu à sa sortie en Finlande meilleur livre par le Finnish Grand Journalism Prize.
Certainement une belle découverte.
Delphine
Paru en janvier 2017, traduit du finnois par Claire Saint-Germain, existe aussi au format numérique.
Quel roman! Apprenant qu'il avait été plébiscité par Barack Obama comme une des lectures les plus marquantes de son mandat, je me suis penchée sur ce livre avec curiosité et j'ai été happée.
Construite en deux parties, l'histoire débute dans la famille de Lotto en Floride. Lancelot, dit Lotto, est le riche héritier d'un couple qui a fait fortune dans l'industrie de l'eau en bouteille. A 17 ans, il est envoyé dans le New Hampshire pour faire ses études et surtout, être éloigné de mauvaises fréquentations où la drogue et l'alcool coulent à flot. A 22 ans, il rencontre Mathilde qu'il épouse contre l'avis de sa mère. Débute alors une histoire d'amour aussi passionnelle et fusionnelle que mensongère. Durant les 200 premières pages du roman, on découvre l'enfance de cet homme, on le suit dans son histoire de couple et dans sa carrière professionnelle.
A la moitié du roman, on plonge dans l'histoire de Mathilde. Née en France, dotée alors du prénom Aurélie, elle débarque aux USA à 12 ans. L'auteur revient sur les évènements déjà racontés dans la première partie du roman mais en proposant un autre regard, celui de cette femme mystérieuse, l'épouse parfaite de Lotto. On va de rebondissements en rebondissements. Qui est vraiment Mathilde? Pourquoi a-t-elle épousé Lotto? Quels sont les mystères qui entourent sa vie avant Lotto?
Lauren Groff dresse un portrait de l’Amérique avec ses clichés et ses excès. Elle nous montre combien les relations sont complexes et pleines de faux-semblants. Dans "Les Furies" les fêtes sont orgiaques, l'amour est passion, les succès sont énormes et les échecs d'autant plus durs. Tout semble excessif et quelques mots suffisent pour briser l'image parfaite construite par chacun des personnages et provoquer la chute de ceux-ci. Une lecture surprenante, un roman qu'on dévore.
Catherine
Paru en janvier 2017, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Carine Chichereau. Existe aussi en format numérique.
Vera Sigall, romancière à l'aura puissante, 83 ans, fait une chute qui la laisse inconsciente. Son ami et voisin Daniel, qui a plusieurs décennies de moins et avait construit avec elle une complicité solide et particulière, veille à son chevet à l'hôpital. Ce qui va mettre sur son chemin la toute jeune Emilia, étudiante fascinée par l'oeuvre de Sigall et atteinte d'un mal étrange : elle ne supporte aucun contact physique. Ensemble, ils vont découvrir l'histoire de Vera mais aussi celle du poète Horacio Infante, son illustre contemporain, et ce qui les lie tous les deux.
Ce livre est empreint d'une grande poésie dans sa façon d'observer le désir, l'envie, l'écriture, les créateurs, la filiation aussi. Qu'il s'agisse de la passion empreinte de rivalité qui lie Horacio à Vera, de l'étrange relation platonique d'Emilia avec son fiancé resté en France, de la curieuse rencontre de Daniel avec Emilia, de la déliquescence du couple que Daniel forme avec Gracia, la romancière suit le fil du désir avec une curiosité d'entomologiste et une belle plume. Elle accompagne aussi ses personnages en proie aux affres et bonheurs de la création, qu'il s'agisse de trouver le mot juste, de trouver de la reconnaissance ou encore de faire aboutir le plan d'un bâtiment rêvé (pour Daniel l'architecte).
La fin nous offre une révélation vers laquelle tout converge. Un très beau roman.
Natacha
Paru en janvier 2017, traduit de l'espagnol (Chili) par Claude Bleton. Existe aussi en format numérique.
New York, 1980. Une année qui s'annonce pleine de promesses pour James Benett, critique d'art à la synesthésie flamboyante, Raul Engales, peintre argentin en voie de reconnaissance, et Lucy Obersson, fraîchement débarquée d'Idaho. Ces trois personnages vont se croiser, se rapprocher et s'éloigner au fur et à mesure du temps qui s'écoule, marqué par les succès et les tragédies. Une belle plongée dans le monde de l'art du début de cette décennie, alors que la ville se transforme et ne pardonne rien.
Hélène
Paru en août 2016, traduit de l'anglais par Nathalie Bru - Existe aussi en format numérique.
David Treuer a grandi dans une réserve indienne dans le nord du Minnesota et n’a de cesse de conter les conditions de vie des Amérindiens dans ses écrits. Roman choral, Et la vie nous emportera ne déroge pas à la règle et livre une magnifique histoire où s’entremêlent des thèmes aussi forts que le tabou de l’homosexualité, l’inégalité raciale, les amours impossibles, la guerre, ...
Eté 1942. Frankie vient passer ses dernières vacances dans la résidence estivale de ses parents, située en bordure d’une réserve indienne, avant d’intégrer l’armée. Il y retrouvera, outre ses parents (mère étouffante, père distant), Félix, le vieil indien homme à tout faire du domaine, et Billy, jeune homme métis auquel le lie une amitié très forte et particulière. A peine arrivé, un incident tragique va bouleverser leurs retrouvailles et avoir des conséquences dramatiques pour chacun des protagonistes.
Très fort, très juste dans ses descriptions des sentiments ambigüs qui animent tous ses personnages, David Treuer parvient à nous emporter dans un récit empreint de mystère et de secrets. Un roman sombre, mais non dénué de purs moments de légèreté.
Catherine D.
Paru en août 2016, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Michel Lederer - Existe aussi en format numérique
Quelle épopée! L'histoire se déroule en 1917, dans le centre des Etats-Unis. Le pays est aux portes de la modernité, les voitures côtoient les cavaliers sur les routes, les revolvers sont encore dans toutes les poches et on n'hésite pas à dégainer. La misère est le lot quotidien d'une partie de la population, les inégalités de richesse, d'éducation sont criantes. Dans cet univers explosif socialement, trois frères (sur)vivent avec leur père en gagnant un salaire de misère en travaillant au champ pour un riche propriétaire. Fervent catholique, le père leur promet le banquet céleste après leur mort. Mais quand celui-ci s'écroule un beau matin, les fils n'ont pas vraiment envie d'attendre la rédemption finale et décident de suivre une autre voie.
Ils deviennent de vrais desperados, bien malgré eux. En voulant améliorer leurs conditions de vies, ils se retrouvent dans les embrouilles jusqu'au cou. Et, alors qu'ils sont devenus de vrais gangsters, on ne peut s'empêcher de s'attacher à eux. Ce livre est à la fois violent et drôle. Il a un côté western mais est aussi empli d'humanité, d'amour fraternel. Et c'est un magnifique portrait d'une époque. Un tout bon roman américain qui confirme que Donald Ray Pollock est un des grands romanciers américains du XXIième siècle.
Catherine M
Paru en octobre 2016, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Bruno Boudard - existe aussi en format numérique.
Dans ce très beau roman, on suit le personnage de Wendy (13 ans), subitement confrontée à la disparition de sa mère dans les attentats du 11 septembre à Manhattan. Ayant des difficultés à continuer à vivre "comme avant", ne sachant pas comment gérer son propre deuil et celui de ses proches, elle saisit l'occasion que lui offre son père de le rejoindre en Californie. À l'autre bout du pays, elle apprendra à connaître ce père (jusque là plutôt absent, mais idéalisé par l'adolescente).
Maynard nous offre encore une fois des personnages très bien campés et une histoire remplie d'émotion, que l'on dévore avec un plaisir plein de larmes.
Hélène
Rentrée littéraire août 2016, traduit de l'américain par Isabelle D. Philippe - Existe aussi au format numérique
L’écriture si belle de David Vann nous plonge dans le cœur palpitant de Caitlin, petite grande fille aux prises avec une mère aimante rendue brutale par ses souvenirs d’enfance qui, tout à coup, remontent à la surface. Enfant aux premières marches de l’adolescence, Caitlin cultive un monde intérieur et des secrets pleins de chaleur et de vie, qui la protègent face aux sursauts de folie de sa maman. Et Caitlin a aussi un allié, marqué mais déterminé.
Vann manie les atmosphères et les images avec art. Il nous immerge dans un centre aquatique où le monde étrange de la vie sous-marine renvoie aux humains son miroir doux-amer. Ce faisant, Vann nous ensorcelle dans ce roman qui nous secoue dans tous les sens mais nous amène vers une issue pleine d’espoir.
David Vann est également l’auteur du très remarqué Sukkwan Island, de Impurs et de Goat mountain.
Natacha
Paru en octobre 2016, traduit de l'anglais (Etat-Unis) par Laura Derajinski.
Comme l'ombre qui s'en va, c'est l'histoire de l'errance de deux hommes dans la ville de Lisbonne. L'errance de James Earl Ray d'abord, l'assassin de Martin Luther King, qui, en mai 1968, parvient à fuir les Etats-Unis sous une fausse identité et rejoint la capitale portugaise un peu par hasard, espérant rallier l'Afrique par bateau depuis son port et y disparaître. L'errance de l'auteur lui-même ensuite, qui nous raconte ses quelques jours d'évasion en 1987 dans la ville de Pessoa, afin de s'y imprégner de l'ambiance de cette petite ville pour écrire son second roman Un hiver à Lisbonne.
Le récit entremêle les trajectoires de ces deux hommes à deux époques différentes, dans des contextes bien différents, mais qui se retrouvent tous les deux à un moment charnière de leur existence, avec la volonté de se perdre pour mieux se trouver ensuite. La ville de Lisbonne y fait figure de personnage en tant que tel, avec ses ambiances, ses odeurs, ses images presque hypnotiques. Le récit est envoûtant, l'écriture ondoyante, en spirale, finit par perdre le lecteur lui-même qui se met à errer avec les personnages dans le dédale des rues de Lisbonne.
Antonio Munos Molina, fasciné par James Earl Ray, retrace avec beaucoup de précision son parcours depuis sa naissance en Louisiane, jusqu'à sa fuite en Europe après avoir assassiné Martin Luther King et essaie surtout d'entrer dans la tête de cet assassin, de comprendre ses obsessions et de combler par la fiction les zones d'ombre que l'histoire a laissées floues. Il nous livre aussi avec beaucoup de sincérité ses propres réflexions sur l'acte d'écriture, sur la création littéraire et sur le sens de la vie. Ce texte, très fort et exigent, nous porte par sa beauté hypnotique et laisse des traces.
Delphine
Paru en août 2016, traduit de l'espagnol par Philippe Bataillon - Existe aussi en format numérique.
Amos Oz est un grand écrivain israélien, partisan de la paix et de la création d'un état palestinien.
A travers ce roman, on découvre l'histoire d'Israël, on apprend pas mal de choses sur les débats qui ont précédé la création de l'état juif. Et entre les lignes, c'est aussi la question de la pertinence de la création d'un état juif qui est posée. Tout au long du livre, on va suivre Schmuel, un jeune homme, un peu en manque de repères, dans la Jérusalem des années 1950, soit quelques années après la création de l'état. Celui-ci abandonne ses études et est engagé dans une étrange maison pour faire quotidiennement la conversation à un vieil homme. On découvre rapidement que cet homme a été proche de Ben Gourion et d'autres intellectuels qui ont mené des débats lors de la création de l'état. Parallèlement, l'auteur nous parle de Judas Iscariote et propose une lecture de l'histoire différente de celle habituelle présentée. Et si Judas n'était pas le traître mais bien le plus croyant et fidèle des disciples?
C'est un roman brillant d'intelligence et d'érudition. Il remet en question des choix politiques passés, il pose des questions sur l'histoire des religions et des relations entre religions. C'est un livre aux multiples facettes qui est aussi plein d'émotion et d'amour.
Catherine M
Paru en août 2016, traduit de l'hébreu par Sylvie Cohen - existe aussi en format numérique.