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Après Sans lendemain et L'enfer de Church Street, Jake Hinkson revient avec un roman noir plutôt glaçant. Il met en scène Richard Weatherford, pasteur respecté d'une petite ville de l'Arkansas, père de cinq enfants, pilier de sa communauté. En ce week-end de Pâques, son esprit devrait être accaparé par les préparatifs de son sermon et des festivités de l'église. Mais Frère Weatherford a fauté. Et Gary, 19 ans, le menace de révéler son pire secret à la communauté s'il ne s'acquitte pas d'un paiement de $30,000. Commence alors un week-end infernal pour le pasteur, embourbé dans un mensonge dont il ne peut maîtriser tous les aspects, puisque d'autres habitants de la ville vont se trouver mêlés à l'affaire.
Jake Hinkson a le chic pour dévoiler la noirceur des âmes, et ce roman haletant (l'action se déroule sur quelques heures seulement) en fait une nouvelle fois la démonstration. Les lecteurs francophones ont par ailleurs le privilège de l'exclusivité de ce texte, qui ne sortira en langue originale qu'à l'automne.
Hélène
Paru en mai 2019. Traduit de l'anglais (États-Unis) par Sophie Aslanides. Aussi disponible en version numérique.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, Nathaniel et sa sœur Rachel sont laissés à Londres par leurs parents, partis travailler en Asie. Ils sont confiés au "Papillon de nuit", l'énigmatique locataire du premier étage. Les deux adolescents, marqués par le départ de leurs parents, cherchent alors de nouveaux repères dans le monde plus ou moins souterrain où évolue leur nouveau tuteur, fait de courses de lévriers importés du continent et de promenades nocturnes sur la Tamise. Nathaniel, une fois adulte, revient sur cette époque de formation et tâche de faire la lumière sur ce qui se déroulait alors, au-delà de sa propre expérience.
Michael Ondaatje redonne vie à un Londres durement touché par le Blitz, et nous livre un roman brumeux où nous avançons à tâtons, tout comme le narrateur, à la recherche d'une vérité partiellement occultée par l'Histoire. Une très bonne lecture dont on ressort plein d'interrogations sur la façon dont sont construits la mémoire et les récits.
Hélène
Paru en avril 2019, traduit de l'anglais (Canada) par Lori Saint-Martin et Paul Gagné. Aussi disponible en version numérique.
Steve et Gretchen ont deux jeunes enfants et viennent de se séparer. Nous les rencontrons chez la conseillère conjugale où, de séance en séance, de bref chapitre en bref chapitre, ils vont tenter de communiquer, de se comprendre, de se parler.
Nous plongeons dans les méandres de l'esprit de leur thérapeute Sandy, tout en intuitions, audace et improvisations inspirées, et nous voyons petit à petit le couple bouger...
Cette lecture intelligente et pourtant légère est savoureuse, émouvante, drôle. Elle fait passer une excellente soirée, et laisse ensuite son subtil parfum voyager dans la maison.
Natacha
Paru en janvier 2019. Traduit de l'anglais (États-Unis) par Marc Amfreville.
Le roman commence par l'histoire d'Ilaria, la quarantaine, à Rome, en 2010, qui, en rentrant d'une journée de travail, trouve sur son palier, un jeune Africain, Shimeta Ietmgeta, qui prétend être le petit-fils du père d'Ilaria, soit son neveu. A partir de cette rencontre, Ilaria va fouiller dans le passé de son père, Attilio Profeti, à ce jour, 93 ans. "Tous sauf moi" a clamé ce dernier tout au long de sa vie, fils chéri de sa mère, beau comme un dieu, Attilio a mené sa vie d'un pied léger, enfouissant le plus souvent sa conscience sous une bonne dose d'opportunisme. Dans son envie de comprendre, Ilaria se met à étudier l'histoire coloniale de l'Italie, les envies de conquête de Mussolini, son projet de colonisation de l'Ethiopie, pour profiter, notamment, de la richesse du sol du pays. Et nous, lecteurs, de suivre, en alternance, les années de jeunesse d'Attilio, l'enfer que vivent les Ethiopiens dans leur parcours migratoire, et l'Italie des années de Berlusconi. Attilio, dans les années 30, épouse les théories fascistes, s'engage dans "les chemises noires", part en Ethiopie, y tombe amoureux, union ignorée de sa famille italienne. Shimeta raconte son parcours, son passage cauchemardesque par la Libye. A travers les découvertes d'Ilaria, c'est toute l'histoire contemporaine de l'Ethiopie qui nous est dévoilée. Francesca Melandri montre comment le passé et le présent se rejoignent. Un demi-millénaire d'histoire coloniale et le présent des grandes migrations ne sont pas deux histoires différentes, mais seulement deux chapitres de la même histoire, de la même longue époque...
Roman foisonnant, bien documenté, passionnant, Francesca Melandri, auteure déjà remarquée des livres Eva dort et Plus haut que la mer, est ici au sommet de son talent.
Véronique
Publié en mars 2019, traduit de l'italien par Daniele Valin. Existe aussi en numérique.
L'anniversaire est un excellent roman qui mêle suspense et délitement du couple, névroses et jeux d'enfants, le tout au milieu des bois catalans. Un mari et sa femme enfermés dans une voiture pour fêter un anniversaire (mais lequel?) avec un cadeau plutôt surprenant pour leur tenir compagnie et, en parallèle, un duo de gamins d'une douzaine d'années qui revit grandeur nature les formidables aventures de Moby Dick. Mariés depuis plus de 25 ans, parents de jumeaux qui font leur vie de leur côté, elle et lui ne se parlent plus depuis trois semaines, dans une vaine tentative de sauver leur couple de la monotonie, du ronron quotidien, et d'éviter la rupture définitive. Il lui a préparé une surprise, il l'emmène en voiture et lui offre son cadeau; c'est réussi, elle est surprise, mais énervée à la fois, elle ne parvient pas à cacher son anxiété et se récite des vers traduits dans plusieurs langues dans sa tête pour y faire face... Guillem et Mateu quant à eux se retrouvent durant les vacances et, à l'initiative de Guillem, rejouent, revivent, "vivent" concrètement les aventures qu'ils apprennent par coeur dans les livres, jusqu'à ce que...
Habilement construit, ce roman noir d'Imma Monsó nous emporte dans un huis clos redoutable, digne d'un Hitchcock!
Catherine D.
Paru en mars 2019, traduit du catalan par Marie Vila Casas. Existe aussi en numérique.
Ce récit autobiographique revient sur l’enfance et l’adolescence de l’auteure dans une petite ville de l’Idaho, aux États-Unis. Tara Westover est la cadette d’une fratrie élevée au sein d’une communauté de mormons fondamentalistes. Ses parents, une herboriste sage-femme et un ferrailleur, se préparent au Jugement Dernier en enterrant de l’or, de l’essence et des armes dans leur jardin. Leurs enfants ne sont pas inscrits à l’école, n’ont jamais vu un médecin ou mis le pied dans un hôpital, n’ont même pas d’acte de naissance, pour les deux derniers.
Vers l’âge de quinze ans, l’auteure exerce des petits boulots depuis quelques années pour mettre de l’argent de côté, poussée par un instinct d’indépendance. Elle commence également à lire de vieux manuels scolaires trouvés dans la cave de sa maison. Elle qui a appris à lire avec son grand frère, qui ne s’est jamais assise dans une salle de classe, dont le monde s’arrête presque aux frontières de sa ville et aux écrits religieux, sent alors grandir en elle une inextinguible soif d’apprendre. Pour s’éloigner d’un frère devenu extrêmement violent et d’un père en proie à des crises de paranoïa, pour se mettre en sécurité, Tara Westover passe et réussit les tests d’admission à l’Université et part étudier en Utah. De là, sa curiosité et son intelligence la mèneront à Oxford, puis à Harvard pour un doctorat en Histoire.
C’est un récit qui se lit comme un roman, qu’on prendrait presque pour de la fiction tellement la réalité des Westover est éloignée de la nôtre. L’auteure décrit des passages particulièrement poignants sans pour autant s’apitoyer sur ce qu’elle a enduré, et elle nous fait sentir la loyauté et l’amour qui la lient, malgré tout, à sa famille. Une lecture marquante, assurément.
Hélène
Paru en janvier 2019. Traduit par Johan Frédérik Hel Guedj. Disponible également en version numérique.
Maggie O’Farrell se livre dans un récit autobiographique, découpé en dix-sept chapitres, chacun nommé d’après une partie du corps : le cou, le système sanguin, le ventre, le cervelet, les poumons… L’auteure irlandaise raconte dix-sept rencontres manquées avec la mort (brushes with death, en version originale). Il y a cette fois où son chemin a croisé celui d’un homme qui allait assassiner une jeune femme, au même endroit, deux semaines plus tard. Celle où ses poumons ont cessé de fonctionner, brièvement, après un saut dans l’eau sombre. Celle où elle a failli se vider de son sang, lors de son premier accouchement.
Le récit est percutant, haletant. Bien que la mort guette à chaque page, il est lumineux, plein d’espoir, farouchement du côté de la vie. Maggie O’Farrell passe de son adolescence à son enfance, revient à son expérience de mère, sans que ce « non-respect » de la chronologie ne soit dérangeant puisqu’à chaque chapitre elle nous livre un petit bout de son histoire qui vient éclairer le reste.
Une belle réussite.
Hélène
Publié en mars 2019, traduit de l’anglais par Sarah Tardy. Disponible aussi en version numérique.
Un pavé de 656 pages, un très bon roman d'investigation.
Qu'est-il arrivé, au début des années 2000, à Camilo Escobedo, neurologue barcelonais ?
Ce dernier fut, un moment, interné, dans un hôpital psychiatrique, avec un bilan neurologique, pour le moins incertain. Le lecteur navigue entre l'avant, le pendant, et l'après de la maladie.
Escobedo est un chercheur passionné par l'univers du cerveau. "Je pourrais vivre beaucoup d'autres vies à venir afin de poursuivre l'exploration infinie qui donne son sens à mon existence".
Son énergie et sa patience seront mises à rude épreuve dans l'hôpital où il exerce, problèmes d'ego, courses aux postes à hautes responsabilités...Martinez égratigne, au passage, l'industrie pharmaceutique et le milieu hospitalier, bien que le roman rende hommage à la recherche et à ses acteurs enthousiastes.
Escobedo est marié, père de trois filles. Sa vie professionnelle laisse peu de place à sa vie privée. Cette dernière, bousculée par la maladie, et ses engagements à l'hôpital, sera mouvementée. Mais il pourra toujours compter sur les femmes qui l'ont entouré, Sol, sa première femme, la mère de ses trois filles, Carmen, sa soeur et Diana, sa fidèle collègue, pour ne citer qu'elles.
Initié par Diana, qui affirme : "la littérature m'a aidée à éclaircir des choses. Dont l'union entre la raison et l'émotion. Je suppose que les écrivains ont travaillé la tête bien avant les neurologues, raison pour laquelle on trouve parfois des pistes dans leurs histoires.", Escobedo est devenu un inconditionnel des romans de Philip Roth, la littérature prendra de l'importance dans sa vie et l'aidera dans les moments les plus difficiles.
Ce roman repose sur des faits réels, avec en toile de fond le débat sur l'autonomie de la Catalogne.
Véronique
Paru en mars 2019, traduit de l'espagnol par André Gabastou. Aussi disponible au format numérique.
Anvers 1940, les Allemands prennent leurs quartiers dans la ville. Chacun continue pourtant à vivre… le jeune Wilfried Wils aussi. Tous les jours il arpente les rues d’Anvers pour y exercer son nouveau métier de policier et visite les cafés pour y nourrir son âme de poète. En ces temps troubles, survivre sera sa seule ligne de conduite, quitte à fréquenter des collaborateurs notoires.
Le roman est construit comme un récit que Wilfried Wils fait à son arrière-petit-fils, récit de ce qu’a été sa vie pendant la seconde guerre mondiale. Parce qu’il paie aujourd’hui le prix de ce qu’il a commis à cette époque, le narrateur entreprend de raconter à une autre génération la façon dont il a traversé cette guerre. On y trouve un homme ambigu, qui laisse cette impression de n'avoir jamais pris en main sa vie, mais aussi un homme un peu perdu face à des actes qu'il ne semble jamais avoir endossés … « Mais ça tout le monde le fait tous les jours (…), tout le monde le fait, en général sans conséquences ». Pas pour lui cependant... ses actes auront des conséquences, sans lesquelles il n'aurait sans doute pas jugé bon de revisiter son passé. Toutefois, souligne t-il fermement -et inévitablement, auriez-vous fait mieux à ma place?
Avec une plume pleine de verve, lyrique et truculente à la fois, dans ce style typique du Nord du pays (qui nous plait beaucoup !), Jeroen Olyslaegers livre un roman très fort, qui tombe à propos en ces jours où nos sociétés sont à nouveau flattées par de dangereux extrémismes (et ne paraissent pas totalement affranchies de leur passé... l'auteur ne se prive par ailleurs pas de relater le rôle peu reluisant de la ville d'Anvers, de son administration et de sa police ces années-là).
Gregory R.
Paru en janvier 2019, traduit du néerlandais par Françoise Antoine.
Le texte sera lu en grande lecture à l'Intime festival le samedi 24 août 2019 à 12h45, par Johan Leysen. Lecture suivie d'un entretien avec l'auteur.
On remercie les éditions Tusitala pour la réédition de ces deux textes d'un auteur serbe encore méconnu chez nous, Branimir Šćepanović. Fables philosophiques où l'absurde côtoie la mort, où la haine déploie ses mécanismes, où la violence se fait poésie, ces deux nouvelles nous emportent dans une apparente légèreté et nous laissent pantois, une fois ce recueil refermé. Fort!
Catherine D.
Paru en janvier 2019, traduit du serbe par Jean Descat (traduction révisée).
Olga naît à la fin du dix-neuvième siècle, dans une petite ville de l'Est de l'Empire allemand. Rapidement orpheline, elle est élevée par sa grand-mère qui semble ne pas trop l'aimer. Elle va donc devoir compter surtout sur elle-même pour avancer dans la vie, à une époque où la place des femmes est encore bien malmenée, surtout lorsqu'on doit trouver du travail et vivre seule.
Très jeune, elle se lie d'amitié avec Herbert. Lui vient d'une famille plutôt fortunée qui ne voit pas d'un bon oeil la relation d'Olga et Herbert, surtout lorsqu'en grandissant, ils deviennent amants.
Herbert, c'est un personnage haut en couleur, qui part d'abord dans les colonies allemandes en Afrique avant de se lancer ensuite dans des expéditions en Arctique. A travers l'histoire d'Olga et d'Herbert, c'est aussi l'histoire de l'Allemagne qui nous est racontée. L'auteur met en scène le rôle particulièrement écœurant que les Allemands ont joué en Afrique. Un élément qui a d'ailleurs contribué à la forte médiatisation que le livre a suscité lors de sa sortie en allemand.
Le personnage d'Olga est à la fois discret et incroyablement fort. C'est aussi le portrait d'une femme amoureuse, une femme qui a traversé l'histoire en rencontrant de nombreuses embûches et qui malgré tout ne s'est pas laissé abattre. Un très beau livre donc.
Catherine M
Paru en janvier 2019, traduit de l'allemand par Bernard Lortholary. Existe aussi en format numérique.
Ce roman se déguste comme un gin bien épicé.
L'histoire débute aux États-Unis, en Californie, dans une fête de baptême qui dégénère un rien... Et pendant une cinquantaine d'années nous allons suivre les péripéties de deux familles qui se recomposent. Entre chacun des 9 neufs chapitres, plusieurs années s'écoulent, ce qui nous permet de suivre la vie de plusieurs personnages depuis leur enfance jusqu'à leur vie adulte, voir leur fin de vie. Cela donne aussi beaucoup de rythme à ce roman.
Mensonges, séparations, culpabilité, retrouvailles, réconciliations, relation parents-enfants orageuses, relations fraternelles touchantes: le livre contient tous les éléments d'un bon cocktail de lecture. On passe un très bon moment.
Catherine M
Paru en janvier 2019. Existe aussi en format numérique.
Voici le formidable récit d'une révolution ! Un roman interdit de publication en Égypte, qu'un éditeur libanais a édité en arabe et que les éditions Actes Sud ont traduit en français. Tout un périple donc pour que nous puissions tenir en main ce roman qui raconte la chute de Moubarak en Égypte. Alaa El Aswany a vraiment du talent pour nous faire vibrer aux côtés de ces personnes : grâce à ce livre, nous sommes littéralement transportés sur la place Tahrir.
Les personnages sont attachants, et décrits avec finesse. On sent leurs contradictions et les tiraillements qui les habitent. Par leurs yeux, on découvre différentes facettes de la société égyptienne. Ce roman d'un lecture vraiment fluide est un vrai voyage au cœur d'une révolte. A lire sans hésiter.
Catherine M
Paru en octobre 2018. Existe aussi en format numérique.
Voici un très beau roman, un des premiers romans écrit par une afro-américaine, en 1937, et aujourd’hui traduit en français, grâce aux éditions Zulma, qui régulièrement nous invitent sur les chemins de la découverte. Janie, petite fille d’esclaves, est élevée par sa Nanny (grand-mère), dans une petite ville des Etats-Unis. A l’âge où Janie n’est plus une enfant, à l’âge où elle rêve d’un avenir plein de promesses et de surprises. Sa Nanny, pour préserver celle qu’elle a toujours aimée, du monde et de ses dangers, la marie à un vieux monsieur... Il faudra trois mariages et autant de vies pour que Janie atteigne son rêve d’indépendance.
C’est un roman d’amour (surtout pas niais), c’est surtout l’histoire d’une émancipation, écrit dans une langue savoureuse et chatoyante.
Véronique
Paru en septembre 2018. Existe aussi au format numérique.
La traductrice du livre, Sika Fakambi, sera l'invitée de l'Intime festival le dimanche 25 août à 14h45.
A l’approche de la quarantaine, Josie, une mère dépassée par son quotidien décide de tout laisser derrière elle. Son ex-mari lâche, son métier pénible et ingrat, ses mauvais choix passés. Elle loue un camping car et prend la route vers l’Alaska, avec ses deux jeunes enfants. Dans l’espoir d’un nouveau départ. Entre les incendies, les péripéties, les rencontres en tous genres, la boisson et les frasques des deux adorables gamins, Dave Eggers écrit un récit initiatique et une ode au changement et à l’aventure.
À la fois légère et tranchante, drôle et amère, la plume de l’auteur nous offre un regard limpide sur les doutes intimes de notre société.
Olivier
Paru en novembre 2018. Existe aussi au format numérique.
"Tu ouvres la porte et il est là."
"Je le reconnais tout de suite, alors qu'il devrait être méconnaissable. Il n'a pas bien vieilli. Ces gamins qui ont une belle peau, des taches de rousseur et qui ne vieillissent pas ? A la quarantaine, j'imagine, ils commencent à avoir les joues flasques, les traits bouffis, la peau comme de la chair de poule. On dirait qu'il n'a pas beaucoup dormi.
Salut, dis-je, et je lâche un rire gêné, un mauvais choix, semble t-il, car son regard se durcit encore davantage. Il frissonne.
"Aaron est là ?" demande t-il d'une voix rauque."
Qui est vraiment Dustin, psychologue, la quarantaine, marié, père de deux adolescents, un homme d'apparence faible, qui a du mal à terminer ses phrases, qui cherche ses mots, subjugué par ses propres contradictions et les failles de sa mémoire.
"La vérité - mes vrais souvenirs - a toujours été contaminée par mes fantasmes ou mes rêveries; ils n'ont jamais cessé d'échanger leurs places, de bouger, si bien que je n'ai jamais vraiment su distinguer ce qui était du domaine du souvenir de ce qui était celui de l'imagination."
Dustin, dont les parents, de même que l'oncle et la tante sont morts brusquement, alors qu'il était un garçonnet.
"Je me rappelle avoir marché, avoir marché sur la scène de crime...Ma mère sur le perron. Mon père dans le salon, avec de la musique en bruit de fond. Ma tante sous la table de la cuisine. Mon oncle adossé au comptoir."
Dustin, dont le frère adoptif, accusé du meurtre, puis innocenté, vient, 30 ans plus tard, de sortir de prison.
Dustin, entraîné dans une enquête périlleuse par l'un de ses patients, ancien policier, obsédé par d'étranges disparitions de jeunes étudiants.
Un roman noir de noir, à la construction ingénieuse !!!
Véronique
Paru en août 2018. Existe aussi au format numérique.
Un intello mexicain décroche une bourse pour écrire une thèse à l’université de Barcelone. Mais quelques jours avant de s’envoler avec sa fiancée, un cousin foireux profite de son séjour dans la capitale espagnole pour l’enrôler dans une magouille douteuse. Voici donc un rat de bibliothèque confronté à la brutalité du monde de la mafia catalane. Des personnages drôles déployés par une écriture intelligente et pleine de dérision. C’est un récit à plusieurs voix qui teinte ce livre des codes du roman noir, tout en s’en amusant.
Olivier
Paru en septembre 2018. Existe aussi au format numérique.
On avait adoré Comment j’ai rencontré les poissons, on poursuit la découverte de l’oeuvre du journaliste, écrivain et multi-tâches Ota Pavel dans ce nouveau recueil d’articles intitulé A chacun sa part de gâteau. Composé de quinze récits contant les exploits et déconvenues d’athlètes de haut niveau, ce recueil nous touche par l’empathie qui se dégage de l’écriture sensible et émouvante de son auteur, lui-même sportif, qui a côtoyé chacun de ces sportifs de différentes disciplines (vol à voile, cyclisme, ping-pong, gymnastique, football, canoé, hockey) jusqu’à, pour certains, devenir leur ami proche. Il rend justice, sans larmes ni fanfare mais tout en finesse, à leur souffrance et à leur capacité d’abnégation. Un très bel hommage à de grands champions !
Ils ne seront plus jamais champions du monde.
Mais est-ce que tout le monde peut et doit devenir champion du monde?
Catherine D.
Paru en octobre 2018, traduit du tchèque par Barbora Faure.
Alors qu’il vit sous protection policière, Roberto Saviano voit l’âge des caïds de son quartier baisser drastiquement. Il se lance alors dans la rédaction de ce roman choquant, de par son sujet qui colle trop à la réalité napolitaine et symptomatique d’autres grandes villes gangrénées par la mafia. En utilisant la comparaison avec les bancs de piranhas, Roberto Saviano nous plonge dans l’univers de ces baby-gangs, composés de jeunes adolescents armés (de 10 à 18 ans) qui ne rêvent que d’une vie criminelle, même si parfois écourtée, pleine de pouvoir, de fric et de gloire à diffuser à coups de publications chocs sur les réseaux sociaux, tellement préférable à une vie rangée et studieuse. Violent et glaçant.
Catherine D.
Paru en octobre 2018, traduit de l’italien par Vincent Raynaud. Existe aussi au format numérique.
Fable écologique, roman choral et initiatique, réflexion humaniste et plaidoyer environnemental en faveur du monde végétal, c’est tout ce qui nourrit, et bien plus encore, cet Arbre Monde du génial Richard Powers. On y découvre et on s’attache inexorablement aux destins des 9 personnages principaux, chacun relié à une essence végétale particulière, et qui vont se rencontrer, s’aimer parfois, s’entraider surtout, à l’image de ces arbres dont la botaniste fictive Patricia Westerford va s’attacher à comprendre le système de communication et d’interdépendance. Ici, ce sont les arbres les héros, l’humain doit se réinventer et reprendre sa place dans une vision holistique du monde... Coup de coeur absolu !
Catherine D.
Paru en septembre 2018, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Serge Chauvin. Existe aussi au format numérique.
De l'histoire d'amour et du mariage de Sylvia Plath et Ted Hughes, on ne connaît généralement que la version de la première, abondamment détaillée dans ses lettres et ses journaux. Son époux, quant à lui, refusait de s'exprimer à son sujet après son tragique suicide, souhaitant avant tout protéger leurs deux enfants. Ce n'est qu'en 1998, quelques mois avant son propre décès, qu'il publiera Birthday Letters, un recueil de poèmes dédié à Plath. Souvent accusé d'avoir causé la mort de celle-ci, dépeint comme un époux cruel et coureur de jupons, il a stoïquement encaissé les attaques et les ragots durant trente-cinq ans.
Connie Palmen lui donne une voix dans ce roman qui se lit comme un récit, basé sur les œuvres des deux poètes et sur les nombreuses biographies qui leur ont été consacrées, et apporte une nuance bienvenue au mythe de ce couple iconique. Sous sa plume, on découvre un Ted fou amoureux de "[sa] jeune épouse", plein de compassion pour elle, sa maladie mentale et ses démons intérieurs, l'encourageant à trouver sa voix poétique. Le texte évoque leur rencontre, leur vie commune, leur complicité et leur complémentarité, sans pour autant romantiser les drames vécus par l'un et l'autre.
Une très bonne lecture à propos de deux poètes ayant marqué le XXème siècle par leur œuvre et leur vie.
Hélène
Paru en octobre 2018, traduit du néerlandais par Arlette Ounanian. Disponible aussi en version numérique.
Pourquoi écrivons-nous ? Irruption du cœur.
Parce que nous ne pouvons pas simplement vivre.
La création, et le geste créatif, sont au coeur de ce texte qui nous livre les impressions de Patti Smith lors d’un voyage à Paris et alentours; impressions qu’elle intériorisera et transformera pour en écrire la nouvelle qui donne son titre à ce livre, Dévotion. Magnifique, tout simplement !
Catherine D.
Paru en novembre 2018. Existe aussi au format numérique.
Peter Stamm a la plume fine et concise. Ce livre, dans lequel se mélangent les temps et dans lequel la mémoire crée des correspondances inédites, se lit avec beaucoup de plaisir et une certaine délectation vertigineuse, tant la fluidité de l'écriture nous conduit dans les curieux échos entre présent et passé.
Le narrateur raconte à une certaine Lena son histoire d'amour ancienne avec Magdalena. Les deux femmes se ressemblent comme deux gouttes d'eau.
Un livre court et très bon.
Natacha
Paru en août 2018. Traduit de l'allemand par Pierre Deshusses
Laura Kasischke s'inspire ici d'une communauté religieuse ayant réellement existé au début du XXème siècle, en plein cœur du Michigan. Ses adeptes, vêtus de blanc, aux longs cheveux et aux longues barbes, se rassemblaient autour du charismatique Benjamin Purnell, qui leur promettait la jeunesse éternelle de leur corps après la mort. Véritable destination touristique quelques années seulement après sa création, "Eden Springs" comprenait un petit zoo, un parc d'attraction, un verger luxuriant; et se présentait presque comme un paradis sur terre... jusqu'à ce que le corps d'une jeune fille de 17 ans soit enterré en secret.
Par la voix de plusieurs personnages clés, en un court roman, l'auteure imagine les dessous de cette affaire et décrit une communauté aux allures de secte moins paradisiaque qu'il n'y paraît. Un livre troublant qu'on lit d'une traite.
Hélène
Roman inédit, paru en août 2018 et traduit de l'américain par Céline Leroy. Existe aussi au format numérique.
Avec son nouveau roman, Jon Kalman Stefansson nous emporte dans son univers à la fois âpre et poétique, sauvage et beau, à l’image de son pays, l’Islande. Comme dans ses précédents romans, l’histoire d’une famille nous est racontée dans un récit construit comme un puzzle, voyageant entre plusieurs lieux et époques, depuis les années 1950 jusqu’au début du XXIe siècle.
Sigvaldi et Helga se rencontrent dans les années 1950 à Reykjavik, vivent une passion brûlante et de leur union, naîtront deux filles, dont Asta, la cadette. Mais Helga est instable, attirée par la nuit et l’alcool, et abandonne sa famille. Sigvaldi ne peut assumer seul la charge des jeunes enfants et les confie : Asta sera recueillie par Steïnvor, une nourrice, qui lui donnera tout son amour. Malgré la tendresse de sa vieille nourrice, Asta se perd à l’adolescence et sera envoyée le temps d’un été, dans une ferme isolée dans les landes islandaises, en compagnie d’un autre adolescent, Josef. Une rencontre qui marquera la suite de son existence.
Voici les grandes lignes de ce récit qui parle d’amour, de la recherche du bonheur, de la mort, de la vie. (Rien que ça...) Stefansson nous livre aussi une description de son pays, son évolution sociale et économique sur plus d’un demi-siècle, la rudesse de son climat, la beauté de ses paysages. Asta est une saga à l’islandaise narrée par la voix si singulière de Stefansson, dans une prose poétique à la grande puissance évocatrice. Un texte magnifique à découvrir.
Delphine
Paru en août 2018, traduit de l'islandais par Eric Boury.