Animations
Nos lectures
Rechercher parmi nos chroniques
Le livre s'ouvre sur le récit d'un transfert, celui d'une maison d'arrêt à une prison pour femmes en Californie. Romy Hall vient d'être condamnée pour le meurtre d'un client qui la harcelait, pour lequel elle a écopé de deux peines à perpétuité, plus six ans. On suit dès lors son quotidien derrière les murs de cet établissement pénitencier, où la brutalité est loi, tout en remontant le fil de sa vie. De la banlieue pauvre de San Francisco où elle a grandi, au Mars Club où elle a dansé pendant plusieurs années avant d'être contrainte de fuir la ville avec son fils, son récit nous hypnotise. Il révèle une jeune femme intelligente et débrouillarde, tout à la fois maîtresse de sa vie et victime d'un système défaillant.
Hélène
Traduit de l'américain par Sylvie Schneiter, paru en août 2018. Existe aussi au format numérique.
Quelques années après son roman Guerre et térébenthine, nous retrouvons avec un grand plaisir la plume de l'écrivain flamand Stefan Hertmans, dans le très beau roman Le cœur converti, traduit du néerlandais par Isabelle Rosselin.
Le livre s'ouvre à Monieux, dans le Vaucluse, où l'auteur séjourne une partie de l'année. Ce petit village paisible et tranquille du sud de la France a été pendant le Moyen-Age le lieu d'un terrible pogrom. Intrigué par l'étrange histoire de l'endroit, Hertmans enquête et découvre l'histoire de la belle Vigdis, une jeune femme issue de la bourgeoisie catholique, qui, par amour, renonce à la vie confortable que sa famille pouvait lui offrir. Elle devient une fugitive, parcourt toute la France, se cache, se convertit, aime, enfante, reconstruit de nouvelles relations, et fuit encore et encore.
L'auteur dresse aussi le portrait d'une époque assez méconnue, époque violente et sombre en Europe. Un temps où l'intolérance religieuse est de mise. Tout en étant très documenté, ce livre est pourtant un vrai roman, on vibre avec Vigdis et David, on fuit avec eux, on tremble que leurs poursuivants approchent d'un village où ils se sont réfugiés.
C'est à nouveau un grand roman que Stefan Hertmans nous propose ici. Il nous plonge dans une époque avec originalité car il nous raconte en parallèle l'histoire de ces deux amoureux en plein Moyen Age et l'histoire de sa propre enquête sur leurs traces à travers l'Europe (et jusqu'aux portes du Maghreb).
Par en août 2018. Traduit du néerlandais par Isabelle Rosselin.
Nous recevons l'auteur le mardi 27 novembre à 19h30.
Lorsque Maddy et Dalton se rencontrent, c'est une évidence, comme le nez au milieu de la figure : ils s'aimeront d'un amour pur, pimenté d'un humour sauvage, au gré des descentes de rivières sinueuses et de poissons pêchés comme des trophées. Et puis, la vie s'ébroue, se carapate, c'est la sortie de route pour Mad qui, alors qu'elle est enfin enceinte de ce premier enfant qu'ils attendent depuis plusieurs années, se découvre atteinte de la sclérose en plaques... C'est toute la force et le talent de Pete Fromm de nous plonger dans un mélodrame qui se joue des codes, sans être larmoyant ni englué dans le pathos. Mad et Dalt vont affronter la maladie en continuant de rire à leurs blagues pas si subtiles que ça mais si importantes pour faire face à la déchéance du corps et de la mémoire de Mad, ils auront deux enfants, déménageront, changeront de métier, mais en s'aimant toujours plus fort au gré des nombreuses remises en question que traversera leur couple profondément uni.
D'une écriture limpide comme l'eau qui scellera leur amour éternel, ce roman nous emporte avec lui et on se prend à glisser avec eux dans les rapides du Wyoming, à subir le sort qui s'acharne et à mettre de l'amour dans les gestes quotidiens. Un roman intense, qui perdure dans nos mémoires longtemps après l'avoir refermé...
Catherine D.
Paru en avril 2018, traduit de l'anglais (Etats-Uniq) par Juliane Nivelt. Existe aussi au format numérique.
Le livre commence pendant les vacances d'été. Julia et Cassie ont douze ans, elles sont amies depuis toujours, aiment faire croire qu'elles sont sœurs grâce à leurs yeux bleus. Durant cet été, elles imaginent des jeux sophistiqués dans les lieux qu'elles explorent: une carrière à l'eau limpide, un asile psychiatrique abandonné, leur petite ville de l'Est américain... Mais à leur entrée au collège, les choses changent, les deux filles s'éloignent. Julia, la narratrice, poursuit une scolarité exemplaire et se débat dans un début d'adolescence. Cassie se fait quant à elle de nouveaux amis plus âgés, va à des fêtes pour fuir le climat orageux qui règne chez elle, où son nouveau beau-père tente d'exercer une autorité pour elle illégitime.
Trois années passent et Julia décortique avec nous cette séparation graduelle avec Cassie, l'éloignement subtil mais inéluctable, les liens qui se desserrent jusqu'à ce que, stupéfaite, elle ne soit plus capable de connaître avec certitude les pensées qui traversent son amie, tandis que celle-ci prend des risques de plus en plus grands dans une quête paradoxale de sécurité.
Claire Messud signe un roman réussi sur l'amitié, l'adolescence, sur la compréhension que l'on peut avoir (ou que l'on pense avoir) des autres et sur la séparation... un livre qui pousse à la réflexion ainsi qu'au souvenir de sa propre adolescence avec un arrière-goût de sombre nostalgie.
Hélène
Paru en avril 2018. Traduit de l'anglais (américain) par France Camus-Pinchon. Aussi disponible en livre numérique.
Lors d’une journée pluvieuse qu’il passe à farfouiller dans une bouquinerie, le célèbre écrivain Gil Coleman aperçoit par la fenêtre la silhouette de son épouse Ingrid, disparue depuis douze ans sans laisser de traces. En se lançant à sa poursuite, il fait une chute assez grave qui ramène auprès de lui leurs deux filles, Nan et Flora, dans la maison au bord de la mer où elles ont grandi.
Tout au long du livre, des lettres écrites par Ingrid au cours des dernières semaines avant sa disparition vont faire découvrir au lecteur entre chaque chapitre « l’histoire vraie » de sa relation avec Gil: leur mariage précipité qui avait fait suite à leur liaison d’été, et la vie de famille pas toujours confortable qui en a découlé par la suite, alors qu'Ingrid avait sacrifié ses projets de voyage et de carrière pour vivre le grand amour avec son ancien professeur...
Un mariage anglais est un roman au parfum de mer et de sable, de mystère et de secrets, d’amour et de trahison… bref, une lecture idéale pour les vacances.
Hélène
Traduit de l’anglais par Mathilde Bach. Paru en mai 2018.
Gallmeister nous offre à nouveau une très belle publication avec ce premier roman de l’américaine Emily Ruskovitch. Au cœur des montagnes de l’Idaho vivent Ann et son mari Wade. Ce dernier a vu sa famille brisée quelques années auparavant par un événement dramatique survenu au cours d’une journée ordinaire. Sa mémoire le quitte peu à peu, tout comme celle de son père et de son grand-père les avaient quittés au même âge. Avant l’inéluctable disparition de ses souvenirs liés à ce jour décisif, Ann tente de relier les indices qu’elle a trouvés au fil des années pour se faire une image cohérente de ce qui s’est passé, et que son mari a enfoui le plus profondément possible. Durant toute leur vie commune, elle sera hantée par cette après-midi qui a tout changé, obsédée par l'idée qu'elle en est d'une certaine façon responsable.
Le récit est guidé par une plume à la fois détachée et empathique, presque hypnotique, et on ne peut s’empêcher d’engloutir les pages pour tenter, comme Ann, de comprendre les événements passés et les conséquences qu’ils ont provoquées dans l’existence des personnages qui témoignent. Idaho est un roman qui reste en tête longtemps après qu'on l'ait refermé.
Hélène
Roman traduit de l'anglais (américain) par Simon Baril. Paru en mai 2018, existe aussi en version numérique.
Un régal ! un livre-reportage teinté d'humour et d'empathie pour l'Afrique et pour les Africains, sur les traces de Savorgnan de Brazza, explorateur au Congo.
Engagé par une certaine Idanna, descendante de Brazza, Clemente Bicocchi, se rend au Congo, en 2008, pour filmer l'imposant mausolée, très controversé, dans lequel repose la dépouille de l'explorateur. Il en tirera un film "Africa nera, marmo bianca" (Afrique noire, marbre blanc) et un livre "Il bianco del re" (Le blanc du roi).
Emporté par des rencontres inattendues et des situations insolites, C. Binocchi raconte, d'une plume réjouissante, son approche du Congo et sa perception du "Grand chef blanc" qu'était Brazza, qui a donné son nom à Brazzaville. Ce dernier ayant privilégié l'approche pacifique entre civilisations et cultivé un projet de développement pour l'Afrique.
"Je suis resté vingt-cinq jours sous le toit de Makoko (roi des Téké), j'ai séjourné deux mois dans ses Etats. Il n'aurait pas mieux traité ses enfants que nous l'avons été par lui... Je n'ai jamais eu l'habitude de voyager dans les pays africains en guerrier, comme M Stanley, toujours accompagné d'une légion d'homme armés, et je n'ai pas eu besoin de faire des échanges, parce que, voyageant en ami et non en conquérant, j'ai trouvé partout des gens hospitaliers." (Extrait de son journal, 1880)
Ainsi, comme le souligne l'éditeur, dans sa présentation du livre "Il a existé, à la fin du 19ème siècle, une autre voie que la colonisation brutale mise en œuvre par les grandes puissances européennes "
Véronique
Paru en mai 2018, traduit de l'italien par Samuel Sfez
Il y a le titre et puis, la couverture. Nos souvenirs sont des fragments de rêve, c'est une plongée dans la vie intime du narrateur , jamais nommé, qui va, enfant, rencontrer celui qui va devenir son meilleur ami envers et contre tout (et tous), Alex, et la soeur de celui-ci, Stella, dont il va tomber éperdument amoureux. Pendant un demi-siècle, nous allons suivre ces trois personnages, sur fond de clivage social puisque Alex et Stella sont les enfants d'une famille de riches entrepreneurs, tandis que le narrateur est issu de la classe moyenne inférieure dont le père a été rétrogradé et dont la mère est secrète et engoncée dans des traditions familiales. Mais c'est aussi et surtout l'histoire d'amour entre Stella et le narrateur, professeur et écrivain, qui n'auront de cesse de se chercher pendant toutes ces années, après avoir vécu quelques années d'amour absolu à l'adolescence... Amour absolu que le narrateur ne parviendra jamais à oublier totalement. C'est enfin un roman qui s'inscrit dans l'histoire contemporaine de la Finlande, dans ses rapports avec ses voisins russes et allemands, à l'heure où les attentats ont touché Madrid et Paris et où l'économie chancelle à la fin des années 2000.
Voici une sombre et belle histoire d'amour qui a comme écrin les majestueux paysages finlandais et qui est baignée de la musique de Georges Harrison!
Catherine D.
Paru en janvier 2018, traduit du suédois (Finlande) par Jean-Baptiste Coursaud - Existe aussi en format numérique.
Grande fresque historique (de 1873 à 1896) narrant la colonisation de l'Afrique, notamment celle du Congo de Léopold II, et parallèlement, la difficile émancipation des Noirs Américains. Roman choral qui alterne les lieux et les combats de figures emblématiques telles que David Livingstone, Henry Morton Stanley, Pierre Savorgnan de Brazza, Georges Washington Williams, Booker Taliaferro Washington, Roger Casement et Joseph Conrad... Livingstone, Stanley et Savorgnan de Brazza, ces trois explorateurs, désireux d'abolir l'esclavage pratiqué par les Arabes, ouvrent la voie de l'Afrique aux Européens. Léopold II n'hésitera pas à se servir d'eux et à abuser de leur confiance. Car derrière ce simulacre de désir de justice, abolition de l'esclavage et apport de civilisation, c'est d'argent et de pouvoir dont il est question.
Rencontre entre Roger Casement et Joseph Conrad, le 6 septembre 1890
Vous semblez un homme intelligent, avait dit Casement en haussant le ton pour se faire entendre de son camarade. Alors prenez garde à vous, puisque vous allez remonter le fleuve. Soyez préparé à découvrir une part de vous-même que vous ne soupçonniez pas. Nous sommes nés blancs, c'est ainsi et on ne peut rien y faire. Nous ne saurons jamais ce que signifie être nègre, alors autant ne pas essayer. Mais en tant qu'être humain, je vous le dis, nous aurons à répondre de ce qu'il se passe ici. Vous vouliez de l'aventure, vous en aurez. Mais vous ne vous en apercevrez pas, trop occupé à surmonter les chocs que vous subirez. Vous allez voir des morts... Mais ça n'est rien comparé aux conséquences du pillage de l'ivoire et du caoutchouc. La civilisation ? La lutte contre l'esclavage ? Un tissu de mensonges. A l'intérieur, ce sont des centaines, des milliers de morts que vous allez voir. C'est ça le Congo... Quand vous rentrerez en Europe, souvenez-vous des morts. Quand vous jouerez au billard, ou aux échecs, quand vous utiliserez une canne pour vous déplacer. Souvenez-vous des morts que cet ivoire a coûtés, pour le seul plaisir des Européens.
Dans le même temps, en Amérique, malgré certaines lois passées, les Noirs sont toujours lynchés, tués, dans les Etats du Sud. Au fil des pages, Georges Washington Williams et Booker Taliaferro Washington, militants pour la cause des Noirs, livrent leur combat. Par ailleurs, George.W.Williams se rendra au Congo et critiquera ouvertement l'attitude des colonies belges.
A lire d'urgence, tant ces lignes résonnent encore furieusement aujourd'hui. Assurément, Jennifer Richard signe un grand roman.
Véronique
Paru en mars 2018.
Voilà un livre rondement mené! On prend les mêmes protagonistes, au Vietnam à la toute fin des années 60 et puis aujourd'hui dans le cadre d'une élection sénatoriale aux Etats-Unis. Les deux histoires vont s'imbriquer à cause d'un petit mensonge, juste une formalité pour le commissaire Fremantle: venir sur un plateau télé et confirmer les faits d'armes du sénateur Drake (du moins sa version des faits), sénateur qui fut son soldat au Vietnam et dont la campagne de réélection s'embourbe. Mais un second petit mensonge en vue de confirmer le premier pourrait s'avérer nécessaire. La course au pouvoir peut-elle tout justifier? Plus rien n'est certain... si ce n'est qu'il y a eu une sale guerre et qu'un sénateur va devoir être élu dans l'Etat du Nouveau-Mexique.
Gregory R.
Paru en avril 2018, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Fanchita Gonzales Bantlle.
Ruth est infirmière en maternité depuis plus de vingt ans. Elle est une employée exemplaire, appréciée de tous, qui élève seule son fils adolescent, Edison, depuis le décès de son mari en Afghanistan. Elle est également la seule infirmière afro-américaine de son service. Turk et Brittany sont les jeunes parents d'un bébé qui vient de naître dans le service de Ruth. Ils sont tous deux convaincus de la supériorité de la "race blanche", et refusent catégoriquement qu'une personne de couleur s'occupe de leur fils. Cette directive s'avère cruciale lorsque, à la suite d'une opération bénigne, le nouveau-né se retrouve en détresse respiratoire, sans personne d'autre que Ruth pour lui porter secours.
À travers la tragique histoire d'un enfant décédé, et du procès qui s'ensuit, Jodi Picoult nous raconte une "banale" histoire de racisme aux États-Unis. Le lecteur est immergé dans les histoires individuelles des trois personnages principaux: Ruth, Turk, et enfin Kennedy, l'avocate de Ruth. Trois parcours de vie, trois visions du monde et a fortiori de la même affaire... Une lecture haletante qui remue un sujet malheureusement toujours d'actualité, et pas uniquement outre-Atlantique.
Hélène
Paru en mars 2018, existe aussi au format numérique.
Le roman tourne autour de deux femmes, Adèle, 17 ans et Dora, de 13 ans son aînée. Adèle vit avec sa mère, Rosaria et sa soeur Jessica "quinze ans, tartinée de fond de teint, avec une minijupe qui laissait voir sa culotte, dès qu'elle se penchait, un papillon tatoué dans le cou". Elles habitent aux "Lombriconi", près de Bologne, un ensemble de tours, "Huit cents mètres de longs, énorme : six cent soixante-douze appartements, cinq étages, vingt-huit escaliers". Avant le départ de leur père, elles habitaient dans un joli quartier. Et Adèle est enceinte d'un bébé qu'elle ne désire pas vraiment. Dora est professeur de lettres, dans un lycée renommé du centre de Bologne. Elle a épousé le beau gosse du collège, mais ce qui lui manque par dessus tout, c'est d'être mère. Tout son être aspire à la maternité qui semble lui être refusée, ce qui mine son couple à petit feu. Autour d'elles gravitent le beau Manu, petit ami d'Adèle et père de l'enfant à venir, et Zeno, le voisin, élève studieux des "Lombriconi", amoureux secret d'Adèle...
Silvia Avallone nous avait déjà séduit par son roman D'acier, récit planté dans la cité industrielle de Piombino en Toscane. La vie parfaite s'inscrit de nouveau dans l'Italie contemporaine, dans une société en crise, décrit des êtres fragilisés par des enfances fracassées, aux avenirs plus qu'incertains, des vies brisées, chacun aspirant à vivre un petit bout de ce que serait "une vie parfaite". D'une écriture parfaitement maîtrisée, ce roman social est aussi empreint d'une grande tendresse et offre de très belles pages sur la maternité.
Véronique
Paru en avril 2018, traduit de l'italien par Françoise Brun, existe aussi sous format numérique.
De l'enfance de Maroussia à l'âge mûr de Nora, il y a un siècle. Grand-mère et petite-fille vivent l'une et l'autre comme elles l'entendent à chaque extrémité de ce siècle au cours duquel l'Histoire russe rudoie les familles, sépare les amoureux, entrave parfois les artistes.
A la mort de sa grand-mère Maroussia, Nora hérite d'une malle d'osier pleine d'archives et de lettres. A travers elles, nous découvrons la jeunesse de Maroussia et de Jacob, amoureux de culture et épris l'un de l'autre. Une Maroussia qui affirme d'emblée son indépendance et son souhait de ne pas s'enfermer dans la seule vie de famille. Qui découvre une créatrice de renom dans le monde du spectacle et suit sa voie avec détermination.
En alternance avec la vie de Nora, nous suivons cette Maroussia passionnante et passionnée, et Jacob aussi, au fil des multiples éloignements infligés à leur couple, du service militaire à l'exil en Sibérie.
A l'autre bout du siècle, Nora conduit aussi sa vie hors des sentiers battus. En bons termes avec un mari de façade qui ne partage pas sa vie, elle éduque seule leur fils Yourik. Scénographe, elle réinvente avec son amant metteur en scène les grandes oeuvres du répertoire russe et international.
Dans ce roman inspiré de l'histoire de sa propre grand-mère et à travers ces deux destins de femme, Ludmila Oulitskaïa nous livre aussi son regard placide et ironique sur le XXème siècle russe et c'est ample, ambitieux, captivant.
Natacha
Paru en mars 2018. Traduit du russe par Sophie Benech. Existe aussi en format numérique.
Quelle claque littéraire! Voici un roman qui ne laisse pas indifférent.
Cette auteure flamande a signé ce premier roman à 27 ans à peine et a vendu plus de 170.000 exemplaires de son livre en langue néerlandaise. Grâce aux éditions Actes Sud, et à la traduction d'Emmanuelle Tardif, nous pouvons enfin la lire en français. Lize Spit nous plonge dans le quotidien d'un petit village flamand où les habitants coulent des jours heureux. Nous suivons plus particulièrement trois jeunes nés la même année (et qui sont les uniques enfants de cette année), ils se retrouvent donc dans la même année scolaire à l'école où une classe unique réunit les enfants du village. En grandissant, les jeux des jeunes évoluent et perdent doucement de leur innocence.
Un malaise assez vertigineux s'installe dès les premières pages du livre, une noirceur entoure le récit mais l'on perçoit pourtant également des instants de légèreté, d'insouciance, de bonheur simple. Le tout offre donc un savant mélange assez intimiste qui met mal à l'aise, tout en installant une grande proximité avec les personnages grâce à une écriture très réaliste.
On s'attache à Eva, la narratrice qu'on sent au bord de la rupture, on explore la construction identitaire de ces jeunes adolescents pas mal laissés à eux-mêmes. C'est une lecture parfois dérangeante, accrocheuse, mais qui prend toutefois le temps de planter le décor. Le roman débute doucement mais au fur et à mesure qu'on avance dans la lecture, on a de plus en plus de mal à lâcher le bouquin.
A lire absolument.
Catherine M
Paru en février 2018, traduit du néerlandais par Emmanuelle Tardif, également disponible en format numérique.
Kate Tempest, poétesse, chanteuse, slameuse, nous entraîne avec ce premier roman tantôt dans l'underground londonien, tantôt dans les clubs huppés et select de cette ville. Deux milieux qui ne sont, somme toute, pas très éloignés l'un de l'autre et où l'alcool et la drogue régissent une grande partie des relations sociales. Nos héros sont des jeunes adultes qui se cherchent, qui veulent leur indépendance mais sans toujours savoir par quel chemin la prendre. Ils sont attachants, audacieux, intrépides.
Cette auteure a une très belle écriture, moins "trash" que la plume de Virginie Despentes à qui on la compare volontiers. Elle explore la période de construction identitaire que traversent les adolescents et nous dépeint un Londres méconnu. C'est un véritable univers que Tempest arrive à construire, en nous emportant au côté de ces personnages qui ne veulent pas laisser tomber leurs rêves. Elle pose à travers ce roman un série de questions interpellantes sur la jeunesse contemporaine et surtout comment survivre, se construire lorsque l'avenir semble gris et morose. Qu'on soit riche ou qu'on soit pauvre, ces mêmes questions se posent...
Voici donc un premier roman très réussi, très contemporain, sociétal et intimiste aussi.
Catherine M
Paru en janvier 2018, ce livre est aussi disponible en format numérique.
Ce court roman nous fait découvrir le Brooklyn des années 70 à travers les yeux d'une toute jeune fille, August, fraîchement arrivée du Tennessee avec son père et son frère. Au lendemain de la guerre du Vietnam, le quartier est loin du nid branché qu'il est aujourd'hui... Héroïnomanes, prostituées, soldats mutilés et traumatisés en arpentent les rues, et le danger guette ses habitants. August y découvre l'amitié passionnelle, les débuts amoureux, la perte et le deuil, mais aussi une furieuse envie de découvrir le monde.
Auteure prolifique pour les adultes et les ados, Jacqueline Woodson s'inspire ici de sa propre expérience pour raconter la fin de l'enfance dans l'atmosphère si particulière de New York dans les seventies. Un très bon moment de lecture et des images qui résonnent encore longtemps dans la mémoire.
Hélène
Publié en janvier 2018, traduit de l'anglais (américain) par Sylvie Schneiter. Disponible aussi au format numérique.
David Huddle explore dans ce roman choral la part de secret qui se cache dans toute relation. Il fait parler des voisins, amants, amis - le lecteur apprend ce que les autres personnages ne sauront jamais, et on se régale d'être mis dans la confidence. L'atmosphère rappelle un peu celle des Furies de Lauren Groff (qu'on avait adoré à sa sortie en janvier 2017): américaine, suburbaine, middle class... On plonge avec délice dans les petits secrets de ces gens "comme tout le monde"...
Hélène
Paru en octobre 2017 (réédition de la version française parue en 2003), traduit par Dorothée Zumstein, aussi disponible en numérique.
Gros coup de cœur pour ce roman qui se déroule en Angleterre à l'époque victorienne. Il met en scène Cora Seaborne, une jeune femme tout juste veuve, qui décide de profiter de sa liberté retrouvée après la mort de son mari pour échapper au Londres bourgeois et guindé qui était son milieu. Avec son fils, Francis, et son amie Martha (activiste politique passionnée par le combat social), elle déménage au bord de la mer, dans l'Essex, où elle espère bien découvrir quelques fossiles. Portée par les récentes découvertes scientifiques, elle est intriguée par une légende locale: celle d'un immense serpent hantant les fonds marins et menaçant la population d'Aldwinter. Par des amis londoniens, Cora fait la connaissance du pasteur Ransome et de sa (nombreuse) famille, avec qui elle se lie rapidement d'une amitié profonde et sincère.
Le Serpent de l'Essex brasse des thèmes variés tels que le progrès scientifique et médical, le droit au logement, la religion,le féminisme et, bien sûr, les universels amour et amitié. Ses personnages sont superbement écrits, loin des stéréotypes de l'époque, tout en nuances et en humanité.
On ne peut qu'espérer que ce livre captivant recevra le même succès chez nous qu'en Angleterre - en tout cas, nous le recommandons chaleureusement!
Hélène
Traduit par Christine Laferrière. Paru en janvier 2018. Aussi disponible en livre numérique.
On retrouve avec grand plaisir toute la délicatesse de cette autrice islandaise dans ce cinquième roman traduit en français. Olafsdottir n’a pas son pareil pour illuminer la noirceur de son propos, puisqu’il s’agit ici du dernier voyage d’un homme de 49 ans qui a décidé d’en finir avec la vie, n'ayant plus aucune femme dans sa vie (son ex-femme l'a quitté 8 ans auparavant, sa fille vole de ses propres ailes et sa mère est à l'hospice; toutes trois prénommées Gudrun). On suivra donc, d’abord avec inquiétude, puis très vite avec empathie, le voyage entrepris par Jonas Ebeneser dans un pays ravagé et traumatisé, emportant avec lui quelques outils dont sa fidèle perceuse et devenant le locataire inhabituel de l’Hôtel Silence, dirigé par un couple frère/soeur, rescapé d’une guerre jamais nommée.
De même que dans Rosa Candida, Audur Ava Olafsdottir parvient à aborder ici des sujets difficiles - le suicide, la solitude, les cicatrices accumulées au fil du temps - avec légèreté et poésie et c’est bien là que réside toute la force et l’humanité de son écriture. Une histoire lumineuse, simple et tendre, qui (re)donne foi en l’humanité !!
Catherine D.
Paru en octobre 2017. Existe aussi en format numérique.
Bernadette Murphy, historienne irlandaise expatriée dans le sud de la France, a mis 7 ans pour élucider le mystère de l’oreille coupée de Van Gogh et de l’identité de la jeune femme à laquelle il a offert sa propre chair... Elle nous emporte dans une enquête minutieuse et passionnante qui va nous plonger dans le quotidien des habitants de la ville d’Arles à la fin du 19ème siècle, ainsi que dans les archives détenues et parfois oubliées des bibliothèques américaines et européennes. Que s’est-t-il passé cette fameuse nuit du 23 décembre 1888 ? Gauguin est-il responsable de cet acte ou est-ce la seule folie du peintre néerlandais qui est en cause ? La mutilation que l’artiste s’est infligée concerne-t-elle l’oreille entière ou seulement une partie ? Qui est cette jeune femme qui s’est évanouie à la vue de ce présent pour le moins étonnant ?
Toutes ces questions ont trouvé réponse grâce à l’acharnement sans faille de Bernadette Murphy, qui nous comble de précieux détails et de nombreux documents d'archive permettant de comprendre petit à petit, comme si nous y étions, la chronologie de cette funeste nuit... Remarquable et captivant !
Catherine D.
Paru en octobre 2017.
Quel bonheur de retrouver le style et l’écriture de cet auteur que nous admirons, au service de l’Art ! Consacrées à des artistes plasticiens, dont une majorité français, les chroniques de Barnes nous emmènent dans un voyage ludique et érudit à la découverte des histoires entourant une toile spécifique d’un peintre (“Le radeau de la méduse” de Géricault ou “L’Exécution de Maximilien” de Manet) ou l’ensemble de son oeuvre. Il nous propose surtout de revisiter nos connaissances de ces artistes célèbres, à force d’anecdotes plus ou moins connues, et de recontextualiser le travail et les relations existantes entre ces différents artistes (Delacroix ayant par exemple posé pour Géricault ou encore le “Daed Dad” de Ron Mueck comparé à la “Vénus ataxique” du médecin Paul Richer).
On traverse l’histoire de l’art l’air de rien, comme une longue promenade qui éveille les sens, suivie d’un repos bien mérité au coin du feu avec une délicieuse tasse de thé... Raffiné!
Catherine D.
Paru en octobre 2017. Existe aussi en format numérique.
Jérusalem, c’est non seulement l’histoire, sur plusieurs générations d’hommes et de femmes, de la famille Vernall-Warren, dont on découvre Michaël et sa soeur Alma à notre époque, c’est également l’histoire du quartier populaire des Boroughs, Southampton, petite ville située à une centaine de kilomètres au nord de Londres, du Moyen Age jusqu’aux années 2000.
Rédigé en dix ans par Alan Moore, le scénariste de BD “The Watchmen” ou encore “V pour Vendetta” pour n'en citer que quelques-unes, Jérusalem est bien plus qu’une histoire impossible à résumer. C’est un chef d’oeuvre littéraire qui brasse tous les genres et toutes les époques en un récit foisonnant, profond, métaphysique où le fantastique saupoudre le tout, tandis que la dimension temporelle devient elle-même extensible et physique. On y rencontre des toxicomanes, des artistes et des Maîtres Bâtisseurs; on y côtoie Cromwell, Lucia Joyce ou encore Becket; on y perçoit la folie comme une malédiction héréditaire; on y déambule aussi bien dans la “réalité” entendue communément avec son lot de faits sordides, que dans l’En-Haut, le royaume des morts et des enfantômes; et on y lit une langue virtuose, magnifiquement traduite par Claro, qui donne une tonalité différente à chacun des chapitres, l’un sera entièrement écrit en vers, un autre sans ponctuation ou presque, ou encore un chapitre entier écrit dans une langue totalement inventée et malgré tout compréhensible... Alan Moore offre une magnifique déclaration d'amour à sa ville de Northampton dont il se sent le gardien et qu'il considère comme étant le centre du monde.
Il serait vain de vouloir résumer ce pavé de près de 1300 pages à des généralités, mais voici un roman gigantesque, où l’on ne s’ennuie pas une seule seconde et qui remet en perspective notre propre appréhension du monde. Brillant !!
Catherine D.
Paru en août 2017. Traduit de l'anglais par Claro. Existe aussi en format numérique.
A la suite d'une rupture affective qui le plonge lentement dans la dépression, l'auteur se voit conseiller une psychanalyse. Rapidement, le psychanalyste l'interroge sur ses parents et révèle des failles, des manques dans la structure familiale. Investi d'une nouvelle mission qui l'éloigne du souvenir douloureux de sa fiancée, Renato Cisneros va alors fouiller dans son passé familial et surtout celui de son père, Luis Cisneros Vizquerra, général militaire surnommé El Gaucho, mort d'un cancer une vingtaine d'années auparavant.
"Tout comme un père n'est jamais préparé à enterrer un fils, un fils n'est jamais préparé à déterrer son père", c'est avec ces mots que l'auteur clôt son roman, consacré à cette figure paternelle aimante, mais stricte et secrète. Le récit de son histoire familiale se transforme peu à peu, au fil des découvertes et des rencontres avec des personnes ayant connu El Gaucho, en une histoire nationale où la personnalité du père se révèle bien plus contrastée et fortement liée aux événements historiques qui ont jalonné l'histoire du Pérou et des pays voisins... Ce père dictateur fut en même temps amoureux des femmes, militaire exemplaire, opposant au régime, ministre de l'intérieur, ministre de guerre, poète à ses heures, ami et fervent admirateur de Pinochet et Videla, féru de littérature, mais insensible aux tortures infligées à son peuple...
Il aura fallu beaucoup de courage et de ténacité à Renato Cisneros pour écrire ce roman particulier, qui navigue entre sphère privée et sphère publique et qui livre le portrait troublant d'un homme que l'on voudrait détester, mais auquel on s'attache paradoxalement. "La distance qui nous sépare" est un roman passionnant et émouvant, tant on en apprend sur l'histoire récente du Pérou tout autant que sur la relation difficile entre un père et son fils.
Catherine D.
Paru en août 2017, disponible aussi en format numérique.
Gros coup de cœur pour ce roman, dur mais magnifique.
Nous sommes quelques mois avant la fin de la seconde guerre mondiale. Pearl et Stasha sont des jumelles âgées de onze ans, qui au début du livre arrivent à Auschwitz avec leur mère et leur grand-père. Leur gémellité attire l'attention de Josef Mengele, officier SS et médecin du camp. Il a rassemblé les jumeaux et les triplés déportés dans son zoo et leur fait subir de terribles expérimentations médicales.
Pearl et Stasha racontent, en alternance, le quotidien au zoo, les personnes qu'elles y rencontrent et les séances avec celui qui se fait appeler Oncle et ses assistants. À la libération, les prisonniers survivants, en grande majorité des enfants, se mettront en route pour essayer de retrouver leurs familles ou un semblant d'espoir de recommencer une vie normale.
Mischling ("bâtard", en allemand) est un livre violent par moments, poignant, écrit dans une très belle langue, avec un beau travail de documentation en arrière-plan. Il ne laissera personne indifférent.
Hélène
Paru en septembre 2017, existe aussi en version numérique.
Cora, née esclave dans une plantation de coton, réservée mais déterminée, porte en elle un instinct de vie et d'insoumission qui font vibrer ce roman de la première à la dernière page.
Marquée par l'évasion de sa mère, sans elle, quand elle était enfant, Cora s'enfuit avec Caesar de la plantation des Randall en Géorgie quelques années plus tard, toute jeune adulte. Aidée par le chemin de fer clandestin, elle connaîtra la Caroline du Sud condescendante, la Caroline du Nord exterminatrice, elle traversera le Tennessee dévasté, entreverra dans l'Indiana la liberté et la solidarité.
Ce roman terrible rejoint la liste des magistrales dénonciations de l'esclavage, porté dans certains états au rang de meurtre de masse, sans compter les tortures inhumaines pratiquées ailleurs.
Le lumineux personnage de Cora nous permet de garder les yeux ouverts tout au long de ce périple qu'on lit avidement et qui nous rappelle jusqu'où l'être humain peut aller quand il a décidé de dominer ses semblables en les classant dans la catégorie "les autres".
Ce roman, le sixième de Colson Whitehead, a tout simplement reçu le prix Pulitzer en 2016...et le National Book Award, et un immense succès aux États-Unis.
Natacha
Paru en août 2017. Traduit de l'américain par Serge Chauvin. Existe aussi en format numérique.