Nicolas Mathieu nous parle de la vie qui va ou qui ne va pas, c'est un doux mélange de cynisme et d'humour féroce et c'est surtout plein de justesse.
Hélène a 40 ans, elle a grimpé les échelons de l'échelle sociale, venant d'une famille modeste du Grand Est de la France, elle se retrouve consultante à Paris, gagnant plutôt bien sa vie. Christophe, un de ses amis d'adolescence, n'a quant à lui pas quitté sa région et il vend de la nourriture pour animaux. Il sillonne la région à bord de sa camionnette. Les hasards de la vie les amènent à se revoir, et on plonge, via une série de flash-backs, dans l'époque de leur adolescence où les soirées se terminaient au son des Lacs du Connemara de Michel Sardou.
L'auteur décrit admirablement la vie dans une région qui se sent délaissée, où le désenchantement gagne une grande partie de la population, mais où la passion peut toutefois encore faire des merveilles.
Roman social, roman politique, roman d'amour, roman de la mélancolie... Nicolas Mathieu aborde toute une série de thèmes qui font partie de notre quotidien et cela donne un texte terriblement attachant. On n'en sort pas tout à fait indemne.
Catherine
Paru en février 2022. Existe aussi en format numérique.
Le texte se situe à la frontière entre le reportage et le roman. A travers un enchaînement de courts chapitres, l'auteur nous emmène en Syrie, dans l'horreur et l'absurdité de la guerre. Le livre raconte avec beaucoup de justesse les débuts du soulèvement en 2011 et comment une guerre s'est installée dans ce pays, une guerre notamment civile qui voit différents groupes de Syriens s'entretuer mais aussi un conflit international avec notamment le rôle de la Russie comme soutien au dictateur en place.
Il est difficile de raconter la guerre mais Maxime Actis le fait avec beaucoup de délicatesse.
Catherine
Paru en mars 2022. Existe aussi en format numérique.
Dans le petit village occupé de Vasenka, lors d’un spectacle de marionnettes, un jeune homme est abattu d’un coup de feu par un militaire de l’armée. Tous les habitants deviennent sourds. S’organise alors la révolte. À travers une langue des signes qu’eux seuls comprennent.
Amour, rébellion, silence. Les mots d’Ilya Kaminsky touchent en plein cœur ! Tout en poésie, il questionne notre silence face à la violence et charge d’images inoubliables les valeurs que sont l’amour, la famille, la vie et la mort. Sans se départir d’une narration efficace.
Immense coup de cœur ! MAGNIFIQUE !
Paru en février 2022, traduit de l’anglais (États-Unis) par Sabine Huynh. Existe aussi au format numérique.
Olivier EK
Aujourd’hui, c’est le grand jour, Alain épouse Virginie. Mais ce qui devrait être un jour heureux va devenir, pour Alain, le déclencheur d’une remise en question existentielle. Surtout qu’Edouard, son cousin foireux, meilleur ami et garçon d’honneur, est en retard pour l’emmener à l’office. Et il a perdu les alliances des futurs mariés ! Comme si l’anxiété chronique d’Alain et ses longues nuits d’insomnie ne suffisaient pas… Il replonge alors dans les épisodes de sa vie, le mariage raté de ses parents libanais immigrés au Québec, des amitiés aux épisodes marquants et des histoires d’amour au gout d’inachevé. Des secrets qui semblent dangereusement vouloir refaire surface en ce jour de fête, parmi tous les fantômes de son passé.
Avec drôlerie et beaucoup d’affection, l’auteur se raconte au travers d’amitiés tantôt lumineuses, tantôt noires et d’une histoire familiale compliquée mais teintée de résilience. Alain Farah écrit la langue française « à l’américaine », sans emphase mais avec un sens de l’action parfaitement maitrisé et qui fait avancer l’intrigue. Très belle lecture.
Paru en janvier 2022. Existe aussi au format numérique.
Olivier
Stefan Hertmans est vraiment un grand romancier. Dans ce nouveau livre, il nous raconte l'histoire de Willem Verhulst, un SS flamand, collaborateur, qui a vécu dans la maison dans laquelle Stefan Hertmans a lui aussi vécu à Gand. Comme dans ces précédents romans, l'auteur fait parler les pierres, les documents, les photos (il y a en d'ailleurs quelques-unes insérées dans l'ouvrage), les souvenirs, et tire les fils d'une histoire indivuelle pour nous entraîner dans la grande Histoire, et surtout pour tenter de mieux comprendre les autres et le monde dans lequel nous vivons.
Le livre est magnifiquement écrit (et brillamment traduit par Isabelle Rosselin). D'une part, l'auteur nous raconte ses recherches documentaires, son enquête rigoureuse autour du personnage de Willem Verhulst, et d'autre part, il nous transporte dans l'enfance, la jeunesse et la vie de Willem qui se déroule comme une fiction passionnante et étonnante. On est dans un vrai roman. Willem s'est marié deux fois, a eu plusieurs enfants, a été un collaborateur actif pendant la seconde guerre. Il a ensuite été condamné, a fait de la prison. Mais qui est donc cet homme ? Pourquoi est-il devenu si haineux envers une partie de l'humanité ? A travers cette histoire, c'est l'âme humaine que Hertmans explore. Quelles sont les origines de la haine et de la violence ? Comment un homme devient-il un bourreau ? Un traître à ses voisins ? Hertmans nous parle également de la famille de cet homme, et c'est très touchant. Comment peut-on être la femme ou les enfants d'un homme pareil ?
Ce roman, c'est aussi une géniale porte d'entrée sur l'histoire de la Belgique et sur l'histoire des relations entre les différentes communautés linguistiques du pays. Bref, c'est un roman total, complet, passionnant, trés bien écrit et bien traduit. On vous le recommande sans hésiter !
Catherine
Paru en janvier 2022, traduit du néerlandais par Isabelle Rosselin. Existe aussi en format numérique.
Jeanne Benameur nous transporte, avec son personnage, dans un lieu d'une beauté et d'un enchantement rares, en compagnie de personnages généreux, qui accueillent le narrateur comme le font dans ce livre les éléments, eau, plantes, couleurs, l'invitant au souvenir, à l'acceptation et à la réparation. L'art japonais du kintsugi, qui répare et magnifie les cassures, traverse le livre du début à la fin.
Nous retrouvons Jeanne Benameur et son talent pour associer poétiquement sensorialité, symboles et chemins intérieurs.
Natacha
Lire c’est l’excellence des autres. Écrire c’est l’insuffisance de soi.
Dans son dernier roman, qui se présente comme une autobiographie, Tonino Bencquista revient sur son enfance, sa famille et le chemin parcouru pour devenir l'écrivain reconnu d'aujourd'hui. Cette lecture tient autant du romanesque que du vécu, ce qui en fait une lecture jubilatoire, curieusement joyeuse, et paradoxalement intimiste. Tout était plutôt mal parti mais l'obstination de l'adolescent, aux affres avec la complexité de la langue française, va le forger et le mener au succès. Sans pathos mais avec générosité et chaleur, l'auteur revient sur ses relations familiales, ses phobies et ce besoin d'écrire pour appréhender le monde, en français, lui ce fils d'immigrés italiens. Une autobiographie qui se lit comme un roman, un vrai régal de lecture !
Catherine D.
Paru en janvier 2022. Existe aussi au format numérique.
Meuffe nomade qui soulève, enlève, relève des strates aux cases de l'identité normative : les meilleurs mots pour présenter Joëlle Sambi sont les siens. Poétesse, slameuse, nouvelliste, romancière, Joëlle Sambi publie avec Caillasses un recueil écorché vif, combattant, fier, sonore, qui nous chante et nous crie des questions brûlantes. Le rythme de ses textes résonne à la perfection avec le propos : tantôt obsédant comme le train à vapeur en écho à des normes sociales qui étouffent, tantôt lyrique pour chanter le souffrance mais aussi le filet d'air libre qui s'échappe grâce à la langue, au chant.
Comme celle de Lisette Lombé, la poésie de Joëlle Sambi est scénique, scandée, vibrante.
Joëlle Sambi et Lisette Lombé seront à la librairie le jeudi 24 mars à 19h30.
Natacha
Transformer la société patriarcale à l'aide de la loi : c’est la proposition de Céline Piques, présidente de l’association Osez le féminisme ! Lutte contre les violences, réappropriation de leur corps et de leur vie par les femmes, réappropriation du travail… L'autrice signe un ouvrage bien documenté, qui propose des solutions concrètes à mettre en place par les pouvoirs publics pour combattre le sexisme à sa source institutionnelle. Elle intègre également des extraits de textes et discours de militantes féministes telles que Gisèle Halimi et Émilie Hache.
Hélène
Paru en février 2022, aussi disponible au format numérique.
Ce roman court se lit d'une traite, c'est le récit condensé et trash d'une enfance, d'une adolescence, d'une vie de femme. Lisette Lombe écrit à l'os. Chaque mot compte, chaque mot est porteur de sens, raconte une histoire, suscite une émotion.
La narratrice raconte une série d''évènements plus ou moins heureux qui vont lui signifier de manière parfois violente qu'être une femme et qu'être racisée va avoir une incidence sur sa vie et sur ses relations humaines. C'est un roman plein de sensualité, de chair. Il a été édité aux éditions de L'arbre à paroles dans la très belle collection If, dirigée par Antoine Wauters.
Lisette Lombé est une autrice belge aux multiples casquettes, professeur de français, slameuse et animatrice d'ateliers slam, militante, poète. Elle a publié en 2020 un magnifique recueil de poèmes et collages sous le titre Brûler, brûler, brûler, paru aux éditions de l'Iconoclaste.
Catherine
Paru en février 2020.
Poétesse, slameuse, artiste multiple, Lisette Lombé offre ici un recueil de textes vibrants, engagés comme l'est toute son oeuvre. Poésie orale, poésie de lutte, gorgée de vie, de colère, d'empathie, elle nous entraîne dans un tourbillon aux côtés des minorités, elle nous fait chanter au creux de son livre comme dans une manif. Un livre qui résonne avec notre monde tel qu'il se vit, se touche et se ressent.
Natacha
Paru en octobre 2020.
Venez rencontrer Lisette Lombé et Joëlle Sambi le jeudi 24 mars à 19h30 à la librairie !
Dans cette œuvre autobiographique, David Sala s’appuie sur les figures tutélaires (et non moins écrasantes) de ses grands-parents, héros de la guerre d’Espagne et de la résistance française. C’est un roman graphique dense et foisonnant sur l’enfance et la famille. On y retrouve des thématiques comme la migration, le poids de la guerre, du devoir, l’insouciance de l’enfance.
Le traitement graphique de David Sala est juste sublime. Chaque case peut être vue comme un tableau miniature. On est plongé dans les teintes criardes des années 70 avec justesse. On y retrouve aussi, comme dans ses œuvres précédentes, tant en bande dessinée qu’en albums illustrés, les hommages à Klimt, Chagall, O’Keeffe ou Egon Schiele.
Olivier C.
Paru en janvier 2022. Existe aussi en format numérique.
Ce n'est pas la fin du monde, juste la planète qui la ramène, histoire de nous montrer ce dont elle est capable, au lieu de se contenter d'exister, ainsi qu'elle le fait d'habitude, une petite rodomontade au crépuscule pour nous rappeler que nous ne sommes pas le centre de la Terre, mais un détail mineur condamné à errer à sa surface.
Tous les thèmes chers à l'auteur se retrouvent dans son dernier roman : la nature, la famille, les secrets, l'adversité, la survie... Cette fois, nous partons à l'aventure sur l'eau des lacs canadiens, en compagnie des jumeaux Al (pour Algèbre) et Trig (pour Trigonométrie) et de leur père mathématicien qu'ils n'ont plus vu depuis deux ans. Partir à l'aventure, c'est ce qu'ils faisaient tous les quatre des années auparavant, quand frère et soeur étaient enfants et qu'ils formaient encore une vraie famille. Cette fois, les jumeaux répondent à l'appel de leur père et vont, malgré l'inquiétude et la tension latentes, partir pour un mois avec le strict nécessaire. L'aventure pourrait, en ce mois de novembre venteux, humide et froid, devenir bien vite un piège qui va les pousser au-delà du simple voyage en canoë... Les secrets bien gardés, la neige et la glace qui recouvrent les lacs vont peu à peu libérer les souvenirs et forcer les enfants à rompre les amarres. Ode à la nature et aux paysages grandioses, cet excellent roman de Pete Fromm nous emporte dans une virée familiale infernale et palpitante !
Venez rencontrer Pete Fromm le vendredi 25 mars 2022 à 18h30 à la librairie !
Catherine D.
Paru en janvier 2022, traduit de l'américain par Juliette Nivelt. existe aussi au format numérique.
Philippe Besson vous invite à embarquer dans le train-couchette reliant Paris à Briançon, en compagnie de ses personnages en quête d'identité... en une nuit où des vérités seront dites, où des secrets seront révélés, où des liens se créeront entre les passagers, parfois intimes, parfois suprenants. Mais d'emblée, l'auteur avertir le lecteur : certains ne survivront pas à ce voyage...
Le roman, construit comme une mosaïque et écrit en chapitres courts où la tension est palpable, égrène le temps de cette nuit pas comme les autres. Philippe Besson livre un huis-clos ferroviaire d'une intensité redoutable. Mais au-delà du suspense, c'est la finesse psychologique qui frappe dans ce livre : beaucoup de personnages, un texte plutôt court, et pourtant, quand on referme le livre, le lecteur a l'impression de connaître chacun des passagers et s'y est attaché.
Un texte fort et juste, émouvant.
Delphine
Paru en janvier 2022. Existe aussi au format numérique.
Un souffle romanesque puissant traverse le nouveau roman de Jon Kalman Stefansson. Construit comme un puzzle, le roman dépeint l'histoire d'une famille islandaise sur plusieurs générations, depuis la fin du XIXe siècle jusqu'à nos jours. D'une langue envoûtante, presque lancinante, à force de circonvolutions, de traversées du temps intempestives, le narrateur, lui-même amnésique et en quête de son identité, nous conte l'histoire au gré des sursauts de sa mémoire et de son subconscient. La narration est dès lors hachée, répétitive, tourbillonnante, comme une bourrasque qui emporte le lecteur et le fait tournoyer sur lui-même.
L'Islande est évidemment au coeur du récit : la rudesse de son climat, la pauvreté et l'isolement de ses habitants, la beauté fulgurante de ses paysages aussi, ce qui confère au roman une ambiance unique et ouvre nos horizons de lecteurs. La musique y joue aussi un rôle central, Stefansson puisant dans un large répertoire musical des références à des morceaux cultes et à des paroles de chansons qui vont donner une certaine tonalité aux événements (une playlist est même proposée en fin d'ouvrage).
En une mosaïque romanesque extraordinaire où les destins de ses nombreux personnages vont s'entremêler, se perdre et se retrouver, Stefansson questionne des sujets existentiels comme la recherche du bonheur, l'amour, l'absence, la vie et la mort... Et relève le défi avec brio et finesse tant la lecture de ce livre bouleverse et laisse des traces. Certes, la lecture n'est pas aisée et souvent exigente, mais la prose poétique et philosophique de Stefansson, d'une beauté hypnotique, vaut vraiment cet effort !
Delphine
Paru en janvier 2022. Traduit de l'islandais par Eric Boury. Existe aussi au format numérique.
L'émotion vous attrape aux premières lignes de ce récit d'une sincérité à couper le souffle. Tombeau, portrait, hommage mais aussi récit familial d'une honnêteté et d'une beauté qui vont droit au coeur, avec la force poétique que peut avoir Véronika Mabardi, mêlée à une prose âpre et douce, factuelle et lumineuse, vidée de tous effets. Vidée aussi au sens où l'émotion vide, authentique dépôt des armes et néanmoins balises flottantes offertes pour tout qui sait ou ignore ce que sont les liens familiaux... et tant d'autres choses dans ce livre !
Natacha
Paru en janvier 2022, avec des dessins de Shin do Mabardi.
Fascination, attachement, révolte se succèdent à la lecture de cet entrelacs d'histoires, qui convergent vers la maison écossaisse en face de l'îlot de Bass Rock... Une atmosphère d'étrangeté mais aussi des comportements humains portraiturés avec finesse et qui nouent le ventre.
Ruth, dans la grande maison côtière, est touchée par le sort par ses deux beaux-enfants orphelins de mère et envoyés au pensionnat, mais est délaissée par leur père et sent sa vie vaciller, entre les traditions étranges de ce coin de terre et la brusquerie perverse de son mari. Viviane, une génération plus tard, apprivoise la même demeure tout en démêlant quelques fils de l'histoire familiale. Et quelques siècles plus tôt, c'est Sarah, accusée de sorcellerie, qui doit fuir sous la protection d'une famille de pasteur... Cette histoire est littéralement envoûtante, habilement construite et émaillée de personnages qui nous prennent aux tripes. Sans déroger à un certain héritage littéraire anglais peuplé de maisons où résonnent des sons mystérieux...
Excellent roman !
Natacha
Traduit de l'anglais par Mireille Vignol. Paru en janvier 2022.
Intriguée par une carte postale anonyme reprenant le nom de quatre personnes de sa famille disparues dans les camps de concentration, Anne Berest se lance dans une enquête passionnante sur le passé de sa famille. En toute sincérité, elle nous la partage au fil de ces pages bouleversantes.
C’est une destinée très romanesque qui nous est racontée, celle d’une famille juive qui voyage à travers l’Europe, à la recherche d’une place où s’enraciner… Et qui sera détruite en partie par la Shoah. Anne Berest creuse le passé avec patience et acharnement, mettant à jour des zones d’ombres, révélant des secrets enfouis. L’histoire restituée se mêle aux réflexions de l’écrivaine, qui questionne son rapport au passé, à la religion juive, et à la famille.
Un récit intime et profond, que le lecteur ne lâche pas.
Delphine
Paru août 2021. Existe aussi au format numérique.
Finaliste du prestigieux Booker Prize en 2020, ce roman est une claque qui coupera le souffle à son lecteur.
Fresque sociale poignante dans le Glasgow des années Tatcher, celui des quartiers ouvriers précarisés où se débattent les laissés-pour-compte de la société, ce texte est aussi une histoire d’amour déchirante et passionnée d’un fils pour sa mère, alcoolique. La noirceur est omniprésente, mais éclairée par la lumière de cet amour sans limite.
Un texte puissant, au scalpel, qui donne la nausée autant qu’il bouleverse. Un premier roman dont on salue la force.
Delphine
Paru août 2021. Traduit de l’anglais (Ecosse) par Charles Bonnot. Existe aussi au format numérique.
Vous l'avez peut-être feuilleté à la librairie ? Retrouvez ici la version numérique de notre carnet de coups de coeur de fin d'année en 2021.
Catherine Meurisse nous convie, avec l’humour fin dont elle a le secret, à un voyage au pays du soleil levant et à une savoureuse introspection sur les mystères de la création quand on est artiste. Elle s’y met en scène, dessinatrice française en résidence au Japon, désireuse de s’inspirer des paysages japonais, et en proie aux pires difficultés pour restituer la nature, changeante, vivante. Elle y rencontrera un peintre et poète nippon désespéré de son côté de ne parvenir à saisir l’essence même de la femme sur sa toile... Un dialogue entre les deux artistes, drôle et incisif, naîtra de cette rencontre.
Dans les planches de ce roman graphique, des personnages croqués au trait épais avec expressivité et malice évoluent dans des décors dessinés à la plume à la manière d’estampes : le résultat est unique ! Une évasion philosophique pleine d’esprit et rafraîchissante.
Delphine
Paru en octobre 2021. Existe aussi au format numérique.
En 2008, Riad Sattouf réalise son premier long métrage, Les beaux gosses, inspiré de sa propre adolescence, celle-là même qu’il décrit dans ses jubilatoires Arabes du futur. Pour incarner son double adolescent à l’écran, il opte à l’époque pour un “casting sauvage” : il rêve de découvrir un talent à l’état brut, un adolescent qui n’a aucun bagage en tant qu’acteur et qui saurait représenter la candeur (et le côté passe-partout) de son personnage. Vincent Lacoste, âgé alors de 14 ans, décroche le rôle un peu par hasard… et cela va changer sa vie !
Sur base des souvenirs du jeune acteur, Riad Sattouf nous raconte cette expérience inédite et nous dévoile les coulisses du tournage de ce long métrage. C’est évidemment drôle, criant de spontanéité, mais c’est surtout touchant et juste. Un premier tome d’un dyptique, à suivre donc...
Delphine
Paru en octobre 2021.
Au rang des oubliées de l’Histoire, s’inscrit sans conteste Alice Guy, la première réalisatrice de l’histoire du cinéma. Contemporaine des frères Lumière, elle dirigera en France plus de 300 films entre 1896 et 1907 avant de s’exiler en Amérique où elle créera sa propre maison de production et son propre studio. Elle se retire du paysage cinématographique au début des années 20 et restera longtemps méconnue voire spoliée de ce titre de première réalisatrice. Ce n’est qu’après sa mort qu’elle se verra attribuer son apport exceptionnel au cinéma.
Ce nouveau biopic de Catel et Bocquet s’inscrit dans la lignée de leur travail sur les clandestines de l’Histoire, ces héroïnes qui ont marqué l’histoire politique, artistique,… et qui n’ont pas été retenues ou mal retenues, du moins pas de leur vivant. Le dessin faussement naïf de Catel est cette fois rehaussé de pointes de lavis qui donne une touche plus douce à son dessin habituel à l’encre de Chine.
Olivier C.
Paru septembre 2021. Existe aussi au format numérique.
Madeleine est adolescente lorsque la seconde guerre mondiale éclate. Et pourtant, elle n’aura de cesse de vouloir rejoindre Paris pour intégrer la résistance et se rendre utile à la lutte malgré son jeune âge. Ce premier tome met en place les personnages et nous décrit comment Madeleine devient résistante. Car c’est bien là tout l’intérêt de cet énième récit sur la seconde guerre mondiale et la résistance : les auteurs, dont Madeleine Riffaud, l’héroïne toujours bien en vie aujourd’hui et scénariste de cet album, nous décrivent comment la conviction de Madeleine nait petit à petit.
Il y a d’abord son père, combattant de 14-18, qui a compris très tôt qu’un second conflit est inévitable et prépare donc sa fille dans cette perspective en lui apprenant très jeune à conduire, à chasser. C’est la première étape dans le processus. Il y aura ensuite l’humiliation lorsque voulant traverser un groupe de soldats allemands pour prêter secours à son grand-père, elle sera envoyée au sol par l’officier allemand d’un grand coup de pied au derrière. Et c’est à ce moment précis que se crée sa vocation de résistante. Enfin, le personnage est incroyable : une grande gueule, quelqu’un qui a des idées, du charisme…
Ce récit confié aux pinceaux de Dominique Bertail, qui a osé le parti-pris du traitement monochrome bleu qui donne cette tonalité originale et froide, est certes un récit de plus sur cette sombre période mais il est sans doute appelé à intégrer la liste des ouvrages qui resteront des indispensables sur le sujet.
Olivier C.
Paru en août 2021.