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Petit bijou d'humour décalé, Mamika the best compile les meilleures photos de Sacha Goldberger consacrées à son exceptionnelle grand-mère, Frederika, 96 ans. Le travail de Goldberger, ce photographe français dont la famille est originaire d'Europe centrale, est déjà reconnu dans le monde entier. Fleuve noir en a tiré une édition best of au format beau-livre qui vous époustouflera par la beauté de ses photos et le côté ultra délirant de ses mises en scène. On y sent aussi toute la tendresse entre un petit-fils photographe et une grande mère au caractère bien trempé... Car il ne faut pas avoir froid aux yeux pour se déguiser à plus de 90 ans en lapin blanc, en sapin de Noël ou en super héroïne en bas collants, et ce, avec sens de l'autodérision qui en est presque touchant. Images étonnantes, servies par les dialogues burlesques entre le petit-fils et sa grand-mère. C'est loufoque et poétique à la fois, vraiment unique. Et c'est le meilleur moyen qu'a trouvé Goldberger pour rendre sa mamie éternelle et lui rendre hommage. Mamika est un remède au vieillissement, une force de la nature qui rend cet âge joyeux et fait un pied de nez à la mort à travers des prises de vue plus délirantes les unes que les autres. Coup de coeur !
Delphine
Novembre 2015
Nelly Bly était journaliste à la fin du XIXème siècle. Les éditions du Sous-Sol publient un recueil qui reprend trois de ses passionnantes enquêtes et sera suivi de deux autres livres.
Dans ce titre où les trois sujets résonnent de façon très actuelle, l'enquête principale a conduit la journaliste à se faire passer pour folle pour être internée dans un asile de femmes passablement lugubre et isolé sur une île. Elle s'aperçoit vite qu'avec elle, d'autres femmes tout aussi saines d'esprit ont été embarquées là pour des raisons plus sociales que réellement médicales. Mais une fois étiquetée "cas psychiatrique", difficile de convaincre les médecins de l'erreur. La brutalité du personnel et l'indifférence des médecins le disputent à la dureté des repas et des conditions de vie.
Le processus journalistique (il rappelle Florence Aubenas, en particulier dans la deuxième enquête) et le ton du récit font de ce document une perle agréable à lire et prêtant à réflexion.
Natacha
Octobre 2015
" Le temps est un cheval de course qui avale les kilomètres en galopant vers la ligne d'arrivée " : telle est la vie d'Amory Clay. Femme amoureuse, aventurière, passionnée, qui capte le 20ème siècle à travers son viseur.
"J'aime photographier les gens en pleine action...cette capacité de l'appareil à saisir à l'improviste de l'animé en suspens...seule la photographie peut réussir ce tour de magie". Tout au long de sa carrière, elle reste la plus fidèle possible à "un art de la photographie sans tabou".
Son parcours professionnel est atypique et l'amène à faire de nombreux aller-retour entre Londres et New York, en passant par Berlin, Paris, et enfin le Vietnam. Initiée très jeune par son oncle Greville, elle débute comme photographe, en 1927, pour "Beau monde", un magazine mondain pour lequel elle tire les portraits de la bourgeoisie londonienne. Très vite lassée de cet univers étriqué et capricieux, elle part à Berlin et revient à la capitale avec suffisamment de photos pour mettre sur pied sa première exposition "Berlin bei Nacht", qui scandalise Londres mais lui donne un nom. Sur les conseils de son ami et protecteur, Cleve Finzi, elle travaille de nombreuses années d'abord à New York, puis à Londres pour le magazine américain "Global-Photo-Watch" ou "le monde dans notre viseur".
Elle devient correspondante de guerre, photojournaliste, pendant la deuxième guerre mondiale et plus tard, au Vietnam, en 1967. Elle ressent le besoin d'être confrontée à la guerre, qui l'a déjà meurtrie à sa façon, à travers son frère Xan, son père et son mari Sholto. Le premier décédé, les deux autres, revenus du front, marqués à tout jamais.
Les vies multiples d'Amory Clay sont aussi le récit de sa vie intime : un mariage, deux filles, des amants car "les désirs du cœur sont aussi tordus qu'un tire-bouchon".
Grâce aux clichés photographiques qui enrichissent le récit, William Boyd rend ce beau portrait de femme encore plus tangible.
Et nous de rêver devant les "pouvoirs" d'un "Ensignette, d'un Zeiss Contax, Rolleiflex, Leica, ou d'un Voigtlander".
Véronique B
Octobre 2015 - existe aussi en format numérique.
Par petites touches impressionnistes, Christopher Nicholson fait revivre l'écrivain et poète britannique Thomas Hardy, décédé en 1928, auteur de célèbres romans de la fin du 19ème siècle tels "Tess d'Uberville" ou "Jude l'obscur".
Thomas Hardy a 84 ans "d'assez petite taille, le visage couvert de rides, les yeux bleu clair et larmoyants, en amande... un nez proéminent et une fine moustache blanche...", il vit relativement reclus dans sa maison du Dorset. Entouré de sa secrétaire et épouse en seconde noce, Florence, 45 ans, "visage arrondi, une chevelure châtain foncé relevée en chignon, et des yeux aux lourdes paupières qui donnent une forte impression de mélancolie", et de son vieux chien, Wessex.
Le roman donne successivement la voix à Thomas, écrivain en fin de vie, méditant sur le temps qui passe, à Florence, épouse dévouée, de santé fragile et à Gertrude, jeune comédienne dont l'écrivain tombe secrètement amoureux, "entre eux s'étend l'espace de soixante longues années : est-il né trop tôt ou elle trop tard ?"
Le couple Hardy s'étiole lentement par la différence d'âge, par l'absence d'un enfant et par le manque d'affinités qui s'affirme avec le temps. Pourtant il subsiste entre eux un ultime sursaut d'amour ou le souvenir d'un amour partagé, "depuis le début de leur mariage, elle lui fait la lecture le soir...cette habitude fait partie de la routine de leur vie conjugale...". Ils rivalisent d'attention envers leur vieux terrier, Wessex, substitut de l'enfant non avenu.
Quand la jolie comédienne, Gertrude, dont s'entiche Thomas, monte sur les planches pour interpréter "Tess", Florence, hypocondriaque et acariâtre, est terriblement blessée, "la longueur des silences, le passage inexorable des années, le sentiment d'être sèche comme une vieille calebasse, aussi sombre qu'une ombre...la sensation de n'être pas vivante du tout...".Gertrude, belle et jeune maman, devient, pour elle, l'objet d'une obsession angoissée.
Un roman au charme anglais, un rien désuet avec de magnifiques descriptions d'une nature qui est intrinsèque à l'oeuvre de Thomas Hardy.
C'est l'hiver en Angleterre et c'est aussi l'hiver dans les cœurs.
Véronique B
Octobre 2015 - existe également en format numérique.
Andreas Egger, né à l'aube du 20ème siècle, en Autriche, a survécu à son enfance, à une avalanche et à la guerre. Doté d'un pouvoir de résilience peu commun car "un homme, selon lui, doit élever son regard pour voir plus loin que son petit bout de terre, le plus loin possible", il est le témoin dubitatif d'une époque en pleine mutation.
Après le décès de sa mère, il est envoyé dans un village où il est le bâtard qu'un fermier rudoie, ce qui lui vaut une jambe boiteuse. Il travaille dur, s'offre un petit lopin de terre et épouse Marie, "cheveux courts, d'un blond de lin", serveuse à l'auberge. Il intègre l'équipe du chantier de la construction du téléphérique, "avec lequel les montagnes semblent avoir perdu un peu de leur toute-puissance éternelle". Et le village assoupi est dès lors illuminé grâce à l'électricité. Le téléphérique développe un tourisme pour lequel, plus tard, il se fait le guide, "Les gens viennent chercher dans les montagnes quelque chose qu'ils croient avoir perdu...quelque insatiable nostalgie".
En 1942, Egger est envoyé en renfort sur le front russe, endure le froid de l'hiver caucasien, est fait prisonnier dans un camp, "où la mort fait partie de la vie comme les moisissures font partie du pain". De retour au village, "à la place des croix gammées, les géraniums ornent de nouveau les fenêtres des maisons". L'avènement de la télévision, "un appareil grand comme un buffet", d'où sortent, "des voix un peu nasillardes", remplace l'habituelle rumeur de la taverne.
C'est toute une vie qui défile sous nos yeux, celle d'un homme humble et intègre, avec ses joies et ses épreuves, un homme amoureux d'une nature qui est le deuxième personnage du récit.
Après le très remarqué album Portugal, Cyril Pedrosa nous revient avec un magnifique roman graphique, à l'émotion palpable : Les équinoxes.
S'y croisent des personnages de différents horizons, Louis, Vincent, Camille, autant de destins solitaires en quête d'un sens à donner à leur vie. Louis s'est toujours battu pour des causes qu'il estimait justes, mais décide que le temps est venu de se poser. Vincent, orthondiste, cherche un second souffle après son divorce et renoue contact avec son frère. Camille, jeune femme employée comme ouvrière dans une usine, rompt avec sa vie terne et plaque tout pour photographier le monde qui l'entoure. Un roman graphique polyphonique empreint de nostalgie sur le thème de la solitude, du temps qui passe, du retour à l'essentiel.
Cyril Pedrosa parvient dans ce récit en quatre temps, en quatre saisons aux ambiances bien marquées, à tisser des liens entre ces solitudes égarées avec un talent indéniable et des dessins d'une rare beauté. Lumineux !
Delphine
Octobre 2015
On ne sort pas indemne de ce roman, bouleversant, cruel et tendre à la fois.
Sorj Chalandon y raconte son enfance auprès d’un père violent et mythomane, et d’une mère effacée. Mais l’intention de Chalandon n’est pas d’apitoyer le lecteur sur son sort d’enfant battu, et le ton n’est pas larmoyant. Loin de là. Suite au décès récent de son papa, il a en effet décidé de raconter ses blessures d’enfance, afin de mieux les cicatriser.
Il raconte les délires et la violence de son père, dont il ne connaîtra jamais la profession, mais qui était à ses yeux un incroyable agent secret, ce père qui l’entraînera toute sa jeunesse à devenir soldat d’une association secrète, en vue de l’assassinat du Général De Gaulle. Il raconte sa mère, maltraitée, passive face à ces violences, l’ombre d’elle-même, dans un réel déni de la maladie mentale de son époux. Il racontera aussi comment tous ces mensonges le faisaient aussi rêver au destin fabuleux de son père… A 12 ans, on ne remet pas en question les paroles de son papa.
Sorj Chalandon nous touche aussi particulièrement dans la seconde partie de son roman quand on découvre son double autobiographique, Emile, essayant de renouer contact avec ses parents après des dizaines d’années de salvatrice et nécessaire prise de distance. On y sent toute la tendresse d’un homme qui essaye d’oublier, de tourner la page, de tendre la main malgré tout.
Profession du père est un récit conté d'un rythme soutenu, intime, mordant, un vrai coup de poing. Un livre qui ne laissera personne indifférent.
Delphine
Septembre 2015
Lire Joyce Carol Oates n'est jamais de tout repos, tant les faits racontés émeuvent, dérangent, perturbent. Mais sa plume limpide, le rythme soutenu du récit qui tient du polar, forcent le lecteur à foncer tête baissée, même s'il en sort toujours un peu abasourdi.
L'histoire commence par la découverte du lit vide de Cressida, au petit matin d'un jour de juillet 2005, par sa mère Arlette. Cressida est la fille cadette de la famille Mayfield, famille respectée de la bourgeoisie de Carthage, dans l'Etat de New York.
Zeno Mayfield, le père de la jeune disparue, est l'ancien maire de la ville. Zeno et Arlette ont deux filles adolescentes, l'aînée, Juliet, est "la jolie, "la douce" et "la bénie". Elle vient de rompre de manière inattendue ses fiançailles avec le caporal Brett Kincaid, un rescapé de la guerre d'Irak, revenu défiguré, brisé. Quant à Cressida, la cadette, elle est "l'intelligente" mais "la laide", "la damnée". Un petit corps mal fichu, un visage sans charme où seules deux pupilles brunes pétillent. Petite fille blessée, hypersensible, n'ayant que du dégoût pour elle-même.
Brett Kincaid est le dernier à avoir vu Cressida vivante.Mais que s'est-il réellement passé lors de cette terrible soirée, au Roebuck, un café mal fréquenté, où on ne l'avait jamais vue ? Dans le cerveau dérangé et la mémoire fracassée de Brett, tout se confond : souvenirs de la guerre où des atrocités ont été faites sur des civils irakiens, sa conscience ne le laissant pas en paix, et tentatives de formuler les événements de sa dernière rencontre avec Cressida. Cressida dont le corps ne sera jamais retrouvé, seul son petit pull rayé noir et blanc, le sera, mais plus tard, sur la berge du fleuve. Après des aveux de meurtre, tourmentés et incertains, Brett est incarcéré dans une prison de haute sécurité.
La disparition de leur fille et l'incarcération de Brett fera "exploser" l'harmonie familiale des Mayfield. Zeno "avait entendu dire que la mort d'un membre de la famille provoque une réaction sismique parmi les survivants", "l'absent reste absent et douloureusement présent".
Mais le lecteur n'est pas au bout de ses surprises. D'intéressants et d'étranges personnages traversent le roman comme "l'Enquêteur", un chercheur qui tient à "exposer le ventre malade de l'âme américaine" et qui enquête sur les couloirs de la mort dans les Etats qui pratiquent encore la peine capitale.
Tout se tient, tout nous donne à réfléchir, par une des auteurs qui est "toujours aux prises avec les pires aspects du comportement humain".
Véronique B., une admiratrice incurable de Joyce Carol Oates
Octobre 2015 - également disponible en format numérique.
Michaël, un après-midi de canicule, voit la porte de ses chers voisins anormalement ouverte, ils ne sont normalement pas là. Il entre et vérifie les lieux, avec une angoisse croissante. Que va-t-il découvrir sur lui, sur ses amis dans cette maison silencieuse, apparemment figée sous le soleil implacable du dehors ?
Et qui se sentira responsable du drame qui va se jouer ?
Tant de questions surgissent après la lecture de ce magnifique roman, et tellement intéressantes... Quand sommes nous bons ou mauvais? Comment réagir quand dans le quotidien survient un élément qui nous bouleverse?
Et pour ne rien gâcher, l'ambiance de Londres est terriblement bien rendue, on s'y croirait.
Véronique G.
Octobre 2015 - également disponible en anglais en format numérique.
Un roman étourdissant qui suit au plus près les pensées de Fiona Maye, juge respectée aux affaires familiales. L'intérêt de l'enfant est une notion qu'elle maîtrise parfaitement, délicatement, sereinement,
Face au cas d'Adam, dont la leucémie nécessite une transfusion interdite par la religion de ses parents, témoins de Jéhovah, elle va, bien sûr, faire son métier au mieux mais est-ce que ce sera suffisant, dans l'intérêt de l'enfant ?
Véronique G.
Octobre 2015 - également disponible en format numérique.
Nous sommes en république Tchèque, en 1941, où on assiste à la déportation de nombreuses familles vers le ghetto de Terezin. A travers une langue d'une grande richesse, l'auteur nous offre une ambiance, une atmosphère, des visages, des gestes et nous entraîne au cœur du ghetto. On partage la vie d'une homme pendant environ deux ans, une vie de pauvreté, de misère, de tristesse mais où des rayons de soleil, des gestes de solidarité, de complicité parviennent à percer la noirceur quotidienne. Un texte court, vif et poétique qui happe le lecteur.
Catherine
Septembre 2015 - disponible également en format numérique.
Plusieurs voix se succèdent dans ce roman. La première est féminine, c'est la voix de Nizam, jeune fille pachtoune, lourdement blessée, qui vient enterrer son frère mort au combat. Mais le corps du jeune homme semble intéresser les Américains et le gouvernement de Kaboul qui espère l'utiliser pour prouver qu'un haut dignitaire taliban a été éliminé. Nizam tente d'expliquer qu'il n'était en rien taliban mais ses propos semblent se perdre dans le vent de la plaine afghane. Viennent ensuite les voix des soldats américains présents dans la base et qui ont subi de lourdes pertes suite à l'attaque menée par le frère de Nizam et ses compagnons. Dans cette base enfin, la voix de l’interprète afghan, rempli d'admiration et d'espoir face à ces Américains qui viennent "sauver" son pays.
A travers ces différents personnages, on palpe la tension des combats, la fatigue extrême des uns et des autres, on tente de comprendre mais on est surtout confronté à l'horreur et à l'absurdité de la guerre. A travers des références historiques connues (l'histoire d'Antigone et la mythologie grecque), l'auteur interroge le présent, les sensibilités humaines, les valeurs et les conflits intérieurs des soldats plongés dans des situations vides de sens. Un roman qui fait froid dans le dos car il nous plonge dans une situation ô combien actuelle.
Catherine
Septembre 2015 - existe aussi en format numérique.
L'imposteur, c'est un formidable roman sans fiction, une enquête à la fois personnelle, politique et littéraire menée de main de maître par Javier Cercas.
En 2005, Enric Marco devient pour bon nombre d'Espagnols un personnage infréquentable. Celui-ci s'est en effet fait passer pendant des dizaines d'années pour un ancien déporté des camps nazis. Il a donné des centaines de conférences sur le sujet, notamment dans les écoles. Il a présidé une amicale d'anciens déportés. Il s'est battu pour la mémoire mais en 2005, un historien dévoile le pot aux roses et révèle que Marco n'a jamais été déporté. Ce dernier avouera d'ailleurs sa faute. Depuis ce moment, Javier Cercas est obnubilé par la figure de Marco qui a également prétendu s'être engagé dans diverses luttes politiques de gauche. Quel est le vrai du faux dans le vie de cet homme ? Pourquoi a-t-il menti tel Don Quichotte qui s'inventait des aventures incroyables ? Et l'écrivain, jusqu'à quel point est-il lui aussi un imposteur quand il raconte des histoires ? Et si finalement nous n'avions pas tous besoin pour survivre de nous inventer un destin, d'écrire le récit de sa vie ?
Avec L'imposteur, Cercas nous entraîne dans une passionnante réflexion sur la littérature et l'homme mais il nous amène aussi à (re)découvrir l'histoire politique de l'Espagne. Voici un livre plein d'interrogations terriblement stimulant.
Catherine
Paru en août 2015, traduit de l'espagnol par Elisabeth Beyer et Aleksandar Grujicic - existe aussi en format numérique.
Août 1973, la famille Faldérault s'apprête à partir en vacances dans sa 4L rouge. Mais s'est sans compter le retard de Pierre, paternel de la famille, et dessinateur de bandes dessinées qui doit terminer d'arrache-pied le dessin des planches qu'il a promises à son éditeur. Quand la famille embarque enfin, on relâche enfin la pression et on démarre en trombe dans la joie et la bonne humeur... Cap au Sud, comme chaque année, pour un "bel été" !
Dans ce Road moovie touchant, où défilent les paysages depuis la grise Belgique jusqu'à l'ensoleillée Ardèche, Zidrou et Lafebre nous livrent un portrait sensible de cette famille qui sous le vernis joyeux, cache quelques blessures, quelques égratignures. La tante Lili est très malade, les enfants se disputent, mais surtout, le couple bat de l'aile et sait que ce seront les dernières vacances en famille, sans avoir osé l'avouer aux enfants... Mais sous le soleil du Sud, bien des choses peuvent changer, et la vie semble plus belle, surtout quand on décide de se recentrer sur l'essentiel.
Un album servi par le dessin tout en finesse de Jordi Lafebre et les chatoyantes couleurs qui sentent bon l'été. Une histoire qui a beaucoup de charme et qui vous fera furieusement penser à ces beaux étés de votre enfance.
Delphine
Septembre 2015 - existe aussi en format numérique.
Zeina Abirached est incontestablement douée pour faire vibrer le noir et blanc, le faire vivre sous nos yeux. Elle nous le prouve dans ce roman graphique très réussi et virtuose, où elle nous livre un portrait tout en nuances de son histoire familiale. Un album passionnant qui nous balade entre le Paris contemporain où le lecteur la découvre en jeune artiste Libanaise exilée et le Beyrouth des années 60 de son arrière-grand-père, Abdallah Kamanja, musicien ingénieux et inventeur d'un étonnant piano oriental qui a la particularité de jouer les quarts de tons propres à la musique d'Orient.
Comme l'avait fait l'Iranienne Marjane Satrapi avant elle, dans un Persepolis qui semble avoir inspiré la jeune Libanaise, Zeina Abirached porte un regard tendre et détaché sur l'histoire de sa famille, et sur le Liban d'avant la guerre. On plonge dans l'ambiance de la ville, dans son charme désuet, rétro, on s'amuse de la manière dont l'auteure dessine Beyrouth et se joue des sons et des onomatopées, comme une musicienne.
Son dessin est très graphique, presque géométrique, vraiment ingénieux, absolument unique. Et si ses noirs sont profonds et ses blancs éclatants, c'est pourtant un album tout en nuances et en quarts de tons qu'elle nous laisse découvrir. Car Zeina Abirached est bien une femme à moitié Libanaise, à moitié Française, à moitié francophone, à moitié arabophone, se sentant toujours à la frontière entre la culture d'Occident et d'Orient. Et ce sont ces interrogations sur son identité mixte qu'elle nous livre aussi dans ce roman graphique.
Un album vraiment étonnant à découvrir.
Delphine
Septembre 2015 - existe aussi en format numérique.
Virgil, Chancal, Assan, Iman fuient la guerre, la violence, la misère... Tantôt brutalement, parfois délicatement, on découvre leurs histoires sous la plume de Pascal Manoukian, ça retourne les tripes, ça secoue, ça perturbe nos univers douillets.
Au fil du livre, le quotidien dur et cruel des réfugiés et migrants en Europe est décrit. Une terrible scène nous amène sur un parking, à la fine pointe de l'aube, dans la banlieue parisienne. Les camionnettes passent chercher la main d’œuvre nécessaire pour la journée, on négocie (ou pas) les prix, les tâches, les conditions de travail. Si on est seul, non intégré dans une communauté, un réseau, c'est l'exploitation assurée...
Ce premier roman nous a particulièrement touchées. Le texte bien construit nous entraîne au cœur des vies de chacun de personnages. L'auteur dépeint une réalité amère et âpre mais il nous montre aussi que des petits gestes, des rencontres, peuvent changer la destinée. Une texte à découvrir sans hésiter, tant pour son contenu (malheureusement terriblement actuel) que pour la plume de l'auteur qui tient son lecteur en haleine tout au long du roman.
Catherine
Août 2015 - existe aussi en format numérique.
Intriguée depuis longtemps par la famille Mendelssohn, par Moses Mendelssohn, le penseur humaniste du XVIIIe siècle épris de libertés et par Félix Mendelssohn, le grand compositeur romantique, Diane Meur s'est finalement lancée dans l'aventure et attaquée à un travail de longue haleine, celui de dresser le portrait de cette immense famille, et d'en dessiner avec précision la "carte généalogique". L'ouvrage tient ses promesses en nous livrant une peinture historique foisonnante et pointilleuse de la grande communauté des Mendelssohn, depuis l'époque de Moses jusqu'à nos jours. Mais c'est finalement davantage le témoignage de l'auteure, Diane Meur elle-même, qui s'y met en scène et qui s'y livre, qui touchera le lecteur. L'écrivain s'y raconte comme souvent dépassée par l'ampleur de son sujet, parfois perdue dans cet arbre généalogique tentaculaire, mais toujours passionnée par ses recherches... et le roman devient celui de son enquête, entre Paris et Berlin.
La carte des Mendelssohn est un ouvrage érudit pour les amateurs d'histoire qui y verront comment de multiples influences peuvent métisser l'histoire d'une famille à travers les siècles. C'est surtout un récit touchant sur le travail de création où l'auteure se livre avec beaucoup de sincérité et une salutaire dose d'humour.
Delphine
Août 2015
Delphine de Vigan qu'on ne présente plus, (chacun se souvient des Heures souterraines et Rien ne s'oppose à la nuit), nous livre un roman d'une habileté diabolique, qui nous tient en haleine de la première à la dernière ligne.
Elle soumet en même temps à la réflexion du lecteur des questions majeures : le rapport entre le réel et la littérature, de même que celui qui unit (voire oppose) la réalité et la vérité.
"Ce pourrait être un projet littéraire, écrire un livre entier qui se donnerait à lire comme une histoire vraie, un livre soi-disant inspiré de faits réels mais dont tout, ou presque, serait inventé".
Véronique B.
Août 2015
Le retour d'une famille, père, mère, fils, de l'exil américain, sur la terre natale d'Irlande. Leurs espoirs, vivre de leur ferme, s'intégrer à la communauté de ce coin du Donegal, vont se heurter aux coups du sort et les angoisses de chacun vont se réveiller. Des personnages très attachants. Une très belle écriture.
Véronique G.
Août 2015
L'empereur Charles Quint renonce à tous ses titres: il abdique. Le roman nous dépeint les mois durant lesquels il se défait du pouvoir et transmet à d'autres, non sans un certain soulagement, les responsabilités qui ont fait de lui l'homme le plus puissant du monde. Il va ensuite se retirer dans le monastère de Yuste, isolé dans la montagne.
Dans ce climat de dépouillement progressif où il assiste aux échecs de son fils et où le pouvoir semble peiner à se détacher de lui, il garde cependant l'esprit en éveil dans un domaine qui l'a toujours passionné: les horloges et leurs mécanismes. Une horloge astronomique en particulier va maintenir sa curiosité en alerte car il ne comprend pas son fonctionnement, différent des autres. Et notre curiosité à nous restera en alerte aussi jusqu'au terme du roman, où le mystère de l'horloge se dévoile.
Amélie de Bourbon Parme imagine mois après mois l'état d'esprit de l'empereur, puis de l'ex-empereur qui, souffrant et las mais aussi parfois impatient et tortueux, porte un regard désabusé sur son entourage et aspire à la retraite, au calme et à préparer sa mort, le tout portant un éclairage particulier sur son règne.
Outre son intérêt historique, Le secret de l'empereur est un superbe portrait d'homme, portrait politique, humain et philosophique, qui capte et retient notre attention tout le long du récit par ailleurs très bien construit.
Natacha
Août 2015
Un livre âpre et fort où l'on rencontre un homme, Daniel Avner, hanté par la disparition de sa famille dans un camp. Dès la fin de la guerre, son grand-père, lui aussi rendu fou par la perte des siens, lui imprime sa propre souffrance.
C'est l'histoire d'une impossibilité à habiter son corps, d'une culpabilité qui vide le corps de son existence, et de la rencontre qui redonnera à Daniel un peu de sa chair, non sans remous. C'est l'histoire de l'Histoire qui plie et tord les individus, les marque à vie et les rend fous. L'écriture de ce premier roman mérite d'être saluée pour sa justesse et sa qualité. C'est un roman dont on sort marqué, changé, éclairé sur l'humain, après être passé par toutes les couleurs de l'arc-en-ciel, car Elena Costa excelle à nous faire vivre presque physiquement les états de son personnage, et c'est assez terrible.
Natacha
Rentrée littéraire - août 2015
Comment raconter la vie, le sens de la vie, le sens d'une vie ? Par les histoires, par tout ce que nous aimons, l'intime du récit, l'équilibre inespéré entre celui qui dit et celui qui écoute, tous ces liens... Rien ne semble grave et pourtant, le destin peut basculer sur quelques mots. Lisez « La Source », une très belle histoire. Lisez la source une très belle histoire de secrets partagés entre Lottie, 90 ans, et la narratrice, jeune sociologue qui n'est certainement pas venue par hasard dans ce hameau proche de Langres...
Véronique
Août 2015
Nous sommes en 2037, Antoine sort de prison après 20 ans de détention et foule à nouveau les trottoirs de Paris. Ancien révolutionnaire criminel, il va redécouvrir le monde tel qu’il est devenu : pas si différent de celui que nous connaissons aujourd’hui, un peu plus technologique, un peu plus violent surtout. Après 20 ans d’isolement, il va aussi apprendre à renouer des relations humaines : avec des voisins de la cité Molière, avec ses nouveaux collègues, avec sa fille, qui semble elle aussi portée par sa volonté de changer le monde, radicalement. Mais de manière plus pacifiste que son père à l’époque…
Dans ce récit d’anticipation habilement mené, Denis Lachaud nous interpelle sur notre société, et ses possibles dérives futures. Inspiré de l’actualité brûlante du moment, l’affaiblissement de l’Europe, l’endettement de la Grèce ou de l’Espagne, l’augmentation de l’immigration et le manque criant de place pour les migrants, les mouvements révolutionnaires populaires qui se soulèvent un peu partout, ce futur qu’il nous décrit nous paraît crédible, et nous fait sans doute un peu peur par sa radicalisation. Mais Denis Lachaud trouve un ton juste et sincère qui n’est ni moralisateur, ni culpabilisant, mais plutôt volontairement utopiste, fantaisiste, parfois drôle, un ton percutant qui fait mouche.
Un roman qui donne à penser, sans se prendre trop la tête. Qui donne à rêver surtout à un autre monde. Et rien que pour ça, sa lecture en vaut le détour.
Delphine
Août 2015
Dans un Congo chahuté où la rivalité entre les ethnies et les jeux de pouvoir font la loi, Moïse, dit Petit Piment, appelé ainsi suite à un acte de bravoure, est un gamin qui, à 13 ans, n'a jamais connu que l'orphelinat de Pointe-Noire. Bien décidé à vivre sa vie, laissant derrière lui son meilleur ami, il décide de fuir et côtoie une jeunesse borderline. Jusqu'au jour de sa rencontre avec Mama Fiat 500 qui tient une maison de passe et le prend sous son aile. Ce seront des années heureuses pour Petit Piment... mais une décision municipale mettra à néant tous ses rêves de futur.
Emouvant, parfois drôle, Petit Piment symbolise la jeunesse africaine orpheline prête à tout (et à tous les sacrifices) pour exister.
Véronique B.
Août 2015
Dans son onzième roman, Toni Morrison nous fait entendre les voix d'hommes et de femmes aux relations dictées par leurs traumatismes, mensonges ou vérités cachées, mais aussi par une forme de racisme qui dénature les rapports familiaux.
Lu Ann, dite Bride, naît tellement noire que sa mère répugne à la toucher. Pour s'attirer l'amour de sa mère, la petite va jusqu'à faire un faux témoignage qui mettra une institutrice en prison. Une fois adulte, sa volonté de se racheter ne la quittera plus. L'ancien compagnon de Lu Ann, Booker, ancien étudiant solitaire et trompettiste à ses heures, conserve en lui le spectre d'Adam, le frère aîné, tué par un pédophile pervers.
Ce n'est que libérés des mensonges, du poids du souvenir et de l'humiliation, qu'ils pourront envisager un nouvel avenir commun.
Toni Morrison, grande dame de la littérature américaine, décrit le monde d'aujourd'hui sans aucune concession, dans un style limpide, avec une touche d'humour.
Véronique B.
Août 2015