Librairie Papyrus

"A travers les feuilles d'un bon livre, on pourra entendre un écho qui ressemble au bruit des forêts." Henry David Thoreau

revenu de baseEn sept questions et tout autant de chapitres, voici d'intéressantes pistes de réflexion autour de cette idée originale, mais pas si récente, qu'est le revenu de base ou allocation universelle. Autant défendu par les libéraux que par les socialistes ou autres écologistes et altermondialistes, ce concept difficile à appréhender (utopie? pistes de financement?...) n'est pas dénué d'ambiguïté et les auteurs permettent justement d'affiner notre propre réflexion sur le sujet à travers leur état des lieux. Une nouvelle civilisation serait-elle en marche, qui ne serait plus basée sur la valeur travail et la rémunération? Une lecture pertinente et chaudement recommandée!

Catherine D.

Paru en janvier 2017. Existe aussi en format numérique.

euroLe ton est donné dès le titre : l'Euro est une catastrophe. Joseph Stiglitz est titulaire du « Prix Nobel » d'économie, il a été conseiller économique du président Clinton, puis économiste en chef et vice-président de la Banque mondiale. Pas précisément le profil d'un europhobe . Son diagnostic impitoyable n'en est que plus intéressant. Parmi ses nombreux constats : les performances économiques de la plupart des pays de la zone euro sont moins bonnes qu'avant l'adoption de la monnaie unique. D'autre part, l'Union européenne a perdu tous ses référendums. Deux phénomènes qui fragilisent le projet européen.

Création de l'Euro : la malfaçon

Si l'Euro ne fonctionne pas, c'est dû, dit-il, à la décision fatale de créer une monnaie unique sans les institutions pour la faire fonctionner. Elle s'est construite dans un mélange de mauvaise science économique et d'idéologie perverse, ce qui a abouti à un échec économique et politique. Il est absurde d'avoir imposé la même politique économique à des pays très différents. Des économies faibles seraient forcément plus sensibles aux chocs , mais cela ne semble pas avoir été anticipé...

Si un tel système peut fonctionner aux Etats-Unis, c'est qu'on y trouve trois mécanismes d'ajustement : la facilité de migration entre états (langue commune, sentiment d'appartenance national), le soutien financier automatique de l'état fédéral, le système bancaire largement fédéral. Si le Dakota traverse une période difficile, ces trois mécanismes viendront l'aider. Rien de comparable en Europe : un émigrant le reste très longtemps ; le budget européen est minuscule ; et chaque pays est responsable de ses banques. L'Euro portait donc en germe son autodestruction. Et en effet, loin de créer la convergence, il a renforcé la divergence. Il a creusé le fossé des inégalités entre les pays qui y participent, mais aussi à l'intérieur de chacun de ces pays .

Des politiques inappropriées

En effet, à ces vices structurels se sont surajoutées des politiques qui ont aggravé le désastre. Une économie confrontée à une récession dispose de trois mécanismes principaux (...) : baisser les taux d'intérêt pour stimuler la consommation et l'investissement ; baisser les taux de change pour stimuler les exportations ; ou utiliser la politique budgétaire – augmenter les dépenses ou réduire les impôts. La monnaie unique a éliminé les deux premiers mécanismes, mais ensuite les critères de convergence ont éliminé le troisième. Dans de nombreux pays, ils ont même obligé les états à agir dans le sens diamétralement opposé.

Les politiques d'austérité ont provoqué la fuite des capitaux et de la main d'oeuvre des pays pauvres, deux phénomènes qui accentuent la divergence entre pays et qui augmentent le poids de la dette. Une politique industrielle aurait dû viser à combler l'écart technologique entre états européens, mais l'idéologie néolibérale s'y opposait. C'est également l'idéologie du laisser-faire qui a favorisé le laxisme bancaire, avec ses conséquences pour les dettes publiques. Pour les banques, on a préféré croire au conte de fée de l'autorégulation : autrement dit, on a fait semblant de croire que les banques se surveilleraient elles-mêmes. Finalement, les politiques de la zone Euro n'auront été un succès que pour les banques allemandes et françaises.

Un cas emblématique : la Grèce

Si Joseph Stiglitz n'y consacre pas un chapitre spécifique, c'est parce que la crise grecque traverse tout le livre. On a accusé le peuple grec de tous les défauts du monde, et la réfutation est ici rigoureuse. Par exemple : Il est utile de noter qu'en 2014, les Grecs, qu'on dit paresseux, ont effectué un nombre d'heures de travail supérieur de près de 50 % à celui des Allemands. En fait, la crise grecque a démontré que l'Union économique et monétaire n'est pas une association d'égaux, mais une agence de recouvrement de créances au bénéfice, notamment, de l'Allemagne. L'épisode a accentué la scission entre pays créanciers et pays débiteurs, le pouvoir politique étant aux mains des créanciers. Et la Grèce paie cher le sauvetage des banques prédatrices, par la spoliation des pauvres, qui n'y sont pour rien.

L'auteur ajoute que, normalement, les conditions dictées par les créanciers à des débiteurs en difficulté sont conçues pour accroître leurs chances d'être remboursés. La Troïka a fait le contraire, en conduisant le pays à la ruine. Cette aberration a de multiples explications : l'idéologie, l'incapacité à se dédire et à reconnaître qu'on s'est trompé, le refus de la réalité, mais aussi l'occasion saisie d'imposer à la Grèce un cadre économique impossible à obtenir par les urnes. On a réécrit les règles de l'économie de marché au bénéfice de quelques-uns. La Banque centrale européenne, par exemple, a obligé les états à assumer les dettes de leurs banques, ce qui est contraire aux lois ordinaires du capitalisme : l’État n'intervient pas tant que les actionnaires n'ont pas donné tout ce qu'ils pouvaient.

Le diable gît dans les détails. Et quels détails ! Les Grecs adorent leur lait frais, produit localement et livré aussitôt. Mais en 2014, la Troïka a imposé la suppression du mot frais sur les étiquettes, avec pour effet d'ouvrir le marché grec au lait hollandais. L'augmentation de la tva sur l'activité touristique visait à alimenter les caisses de l’État grec ; en dissuadant les touristes, il aura l'effet inverse. Mais la palme de l'aberration revient sans doute à la mesure imposée aux PME, qui constituent plus de 80 % de l'économie grecque, de payer leurs impôts un an à l'avance, ce qui est une puissante barrière à l'entrée en activité.

Résumons : si la Grèce est en dépression, ce n'est pas parce qu'elle n'a pas fait ce que l'Eurogroupe lui demandait de faire, mais parce qu'elle l'a fait. Toujours et partout, l'austérité a échoué. On se demande bien pourquoi la Troïka a pensé que, cette fois, ce serait différent...

Y a-t-il des solutions ?

Quatre chapitres du livre sont consacrés aux issues possibles à cette crise de l'Euro. L'Euro peut très bien fonctionner, nous dit Stiglitz, et il énumère les réformes nécessaires. Mais il ajoute que la position de l'Allemagne est un obstacle majeur : pour elle, la zone Euro n'est pas une union de transferts.Si cela ne change pas, un divorce (monétaire) à l'amiable ne serait pas la fin du monde. Car le projet européen est trop important pour qu'on laisse l'Euro le détruire. Une seule chose est néanmoins certaine : le statu quo n'est plus possible. 

Même s'il est d'une lecture aisée, il est difficile de rendre, en quelques lignes, la richesse de ce livre de 400 pages. Un conseil : lisez-le.

Michel Brouyaux (ancien libraire et lecteur passionné et passionnant)

Paru en septembre 2016 - existe aussi en format numérique

sortir de l impasseLes essais sur la vie politique et économique de nos sociétés sont nombreux pour l'instant et ça tire dans tous les sens, difficile de faire un tri. Le livre "Sortir de l'impasse" m'a fait de l’œil et bien m'en a pris car voici une lecture instructive et vivifiante. 

Ces dernières semaines, je me suis plongée dans plusieurs essais et j'ai été parfois frappée du caractère fort "français" du contenu, la lecture reste intéressante mais de nombreuses références m'échappent lorsque des abréviations que je ne connais pas son utilisées à tout va. Ici, ce sont à nouveau des économistes principalement français qui s'expriment mais le propos est universel, les réflexions sont facilement transposables au contexte belge notamment.

Dans ce livre il est question d'allocation universelle, de libéralisation du marché de l'énergie, de réduction du temps de travail, de l'industrie, de dette publique, d'évasion fiscale, de l'Europe, de salaires des grands patrons... bref, c'est large et extrêmement intéressant, tout en étant très abordable en terme de lecture. Il y a clairement un parti pris qui remet en question le libéralisme mais sur un même sujet, plusieurs personnes s'expriment, ce qui permet une diversité de points de vue. 

Au-delà des constats posés, ce sont toute une série d'alternatives qui sont proposées pour "sortir de l'impasse" et réenchanter l'avenir économique. Des changements sont possibles, à nous de les mettre en place. 

Catherine M

Paru en octobre 2016 - existe aussi en format numérique

librepourapprendreEn ce moment, dans les livres sur l'école, l'éducation et la pédagogie, cela bouillonne. A tout moment, nous nous attendons à voir les volumes du rayon "école" sortir de leur armoire et brandir des calicots pour réclamer d'autres pratiques en matière de politiques scolaires.

Au-delà de la boutade et du phénomène de société, voici un livre qui nourrit assurément la réflexion sur l'école en proposant un radical changement de regard. Pour peu que l'on passe au-dessus de la tonalité "américaine" et parfois sans nuances, on se nourrira richement du propos.

L'auteur commence par témoigner de sa propre expérience de parent, le parent d'un adolescent qui rejette et que rejette l'école. Il se penche sur les ressources éducatives du jeu et en particulier du jeu en autonomie, hors du contrôle des adultes. Il appuie ses dires sur des recherches scientifiques et les illustre en nous parlant de l'école de Sudbury Valley. Il remonte aussi dans l'histoire de l'humanité et de son rapport à l'apprentissage, avec un point de vue qui peut sembler partial mais dont qui a l'avantage de nous inviter à décaler notre regard.

Aucun livre n'est neutre et tous s'appuient sur un système de valeurs : à nous de resituer le nôtre en les lisant. Pour ma part, j'ai trouvé ce livre nourrissant, inspirant et vraiment différent de ce que j'ai pu lire ailleurs à ce sujet. L'écriture est par ailleurs fluide et agréable à lire.

Natacha

Parution octobre 2016.

zincBrillant, intelligent, passionnant, le génialissime historien David Van Reybrouck nous revient avec un texte très court mais bouillonnant de réflexions.

Dans Zinc, Van Reybrouck nous raconte l'histoire d'Emil Rixen, né au début du XXe siècle à Moresnet, petit village actuellement situé dans la Province de Liège. Rixen va changer cinq fois de nationalité, sans pour autant déménager. Il combattra sous l'armée allemande mais également sous l'armée belge et aura une kyrielle d'enfants. A travers le récit de la vie de cet homme que les frontières traversent, ce livre propose notamment de réfléchir à la notion de frontière (bien à propos ces jours-ci). C'est aussi un petit bout de l'histoire de Belgique qu'on découvre et ça se lit comme un roman. Merci David Van Reybrouck de rendre l'histoire si attrayante ! A lire, à conseiller sans hésiter pour un large public. 

Catherine

Paru en novembre 2016, traduit du néerlandais (Flandre) par Philippe Noble - existe aussi en format numérique.