Alors nous irons trouver la beauté ailleurs - Gymnastique des confins

Nuance, empathie, honnêteté et lucidité restent à mon sens les seules conditions. Avec ces munitions en bandoulière, on doit pouvoir écrire dignement sur tous les sujets et dans toutes les situations.

Lire les textes de Corinne Morel Darleux, c'est voyager à travers le monde, aller à la rencontre d'autres peuples, c'est s'arrêter pour prendre du recul ou de la hauteur, c'est passer du rire au désespoir, de la gravité à la légèreté, de la solitude à l'action sociale (cette fameuse gymnastique des confins), c'est débattre et argumenter avec une amie qui ne vous laissera pas tomber quoique ses mots et les constats qui en découlent peuvent parfois nous laisser abattus ou sans espoir. Mais non, Il faut regarder le monde, aller à sa rencontre, au fond de son jardin, dans celui du voisin ou à l'autre bout de la terre, comme pour ce livre : se rendre dans un pays aussi éloigné de la France que peut l'être l'Inde et laisser ses pensées infuser, avec l'aide d'autrices et d'auteurs comme Rosa Luxembourg (toujours !), Arundhati Roy, Barbara Kingsolver, Amitav Ghosh, pour n'en citer que quelques-un.e.s. Entre récit de voyage, essai politique et déambulation littéraire, Corinne Morel Darleux délivre un texte puissant, brillant, tellement essentiel dans l'actuel paysage culturel, économique et politique européen, à glisser entre toutes les mains, car "Il y a des points de bascule, pas seulement pour le climat mais aussi pour l'histoire. Nous y sommes, je crois, ou nous n'en sommes pas loin. Alors oui, allons trouver la beauté ailleurs, performatifs en diable et debout sur les freins."

Nous sommes de plus en plus nombreuses et nombreux à ne vouloir renoncer ni au pessimisme de la lucidité, ni à la puissance de la volonté, ni au secours de la beauté. A vouloir vivre comme si nous étions déjà libres, à préférer la sobriété à la pénurie, l'autonomie et la subsistance au règne de l'argent et à la publicité. Nos élans et nos inquiétudes sont de plus en plus partagés. Les faits hélas nous donnent raison. Et ils nous donneront raison, de plus ne plus, au fil des années. Mais même quand le monde semble ruiné, il reste de la beauté à préserver, des combats à mener et des horizons à construire.

 Catherine D.