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Andreas Malm est un militant pour le climat qui, comme d'autres auteurs, établit un lien fort entre capitalisme et crise climatique. Dans ce livre, il se fait l'observateur et l'analyste de la première phase de la pandémie de Covid-19 et, dans une première partie, il compare les réactions des gouvernements face à deux urgences, l'urgence sanitaire et l'urgence climatique et environnementale, qui diffèrent par bien des aspects. L'essai explore ensuite les liens de cause à effet entre les déforestations massives et les épidémies ou pandémies ayant démarré d'une transmission de virus d'un animal vers l'espèce humaine. Comme l'indique le titre, Malm propose enfin une stratégie qui s'appuie sur les États pour diminuer drastiquement les émissions liés aux énergies fossiles.
Cet essaie se lit rapidement, est très accessible, cite de nombreuses sources et est porté par l'énergie électrique de son auteur.
Natacha
Paru en septembre 2020. Traduit de l'anglais par Étienne Dobenesque.
En 1666, un vieil astronome prédit une éclipse totale du soleil à venir, qui plongerait le continent dans l’obscurité la plus complète l’espace de quatre secondes. Une prédiction qui surprend, non seulement parce qu’il est le seul de ses collègues à l’annoncer mais surtout parce que ce scientifique est aveugle. Intrigué, le jeune Leibniz va partir à sa rencontre. Ce livre raconte leur entrevue inédite, le dialogue des deux hommes durant les trois heures qui précèdent ladite éclipse, retraçant l’histoire du savant et de sa prédiction, à coup d’anecdotes fantasques et de digressions tantôt loufoques, tantôt interminables, souvent les deux à la fois.
Un roman subtilement drôle, tout à fait étonnant, dans un style flamboyant et (très) digressif. On se demande en permanence ce qui tient de la réalité ou de l’invention pure et dure. Une lecture exigeante, qui pose aussi de vraies questions philosophiques, sur le mode de l’absurde ou de l’anecdote, mais qui en vaut le détour !
Olivier
Paru en août 2020, traduit de l'américain par Claro. Existe aussi en version numérique.
Quelle claque que ce premier roman de Stephan Markley, le genre qui vous laisse un peu assommé une fois la dernière page achevée. Originaire de l’Ohio, Markley appartient à cette génération – il a 35 ans, qui a vu son pays basculer après le 11 septembre, une génération qui a connu la guerre, la crise des subprime, le déclin économique, la montée du populisme, l’explosion de l’usage des opioïdes,… Ohio, c’est justement l’histoire de quatre trentenaires, anciens élèves du lycée de New Canaan, qui se retrouvent par hasard réunis dans cette petite ville où ils ont grandi. Par hasard, oui mais pas tout à fait, car de bonnes raisons de revenir à la « maison », ils en ont tous les quatre : tout ce qui s’y est vécu -les amours, les addictions, les traumatismes et les mauvais choix, marque encore aujourd’hui leur vie et éclaire leur présence ce soir-là.
Ohio réussit la prouesse d’être à la fois un roman à suspens, mais également un grand roman politique. En explorant successivement le passé de chacun des protagonistes, Stephan Markley nous fait découvrir une jeunesse paumée, une Amérique déboussolée, meurtrie, prête à se laisser gouverner par des leaders qui encouragent la violence et prônent des solutions simplistes. Une claque par le contenu donc, mais aussi une claque par la qualité littéraire. Par la construction de l’intrigue et par cette écriture qu’on pourrait qualifier de magnifiquement noire, agressive et crue, mais jamais loin de la poésie non plus, qui porte au mieux le lecteur dans ce climat réaliste et sombre qu’est celui de New Canaan, Ohio.
Un premier roman (up)percutant qui demande à être apprivoisé à la lecture des première pages mais qui ne peut plus être lâché lorsque les pièces de l’intrigue se mettent progressivement et terriblement en place!
Gregory R.
Publié en août 2020, traduit de l'anglais (américain) par Charles Recoursé. Existe aussi au format numérique.
Ce roman est une toile, en cours de tissage, belle et subversive.
Nous sommes dans un grand-duché où le luxe, les cadres sous pression et les auteurs à succès cohabitent avec les migrants malmenés en attente de droit d'asile, les associations qui les soutiennent, et toute une classe moyenne sur le fil, qui réfléchit et agit.
On suit et on s'attache à plusieurs personnages, dont la trajectoire est éclairée par un texte en cours de construction, un pamphlet politique construit par un groupe de personnages qui se répartit le travail, fait oeuvre critique et reformule ce qui deviendra un manifeste anticapitaliste. C'est parce que ce texte, dont la beauté tient aussi à ce qu'on le voit se construire sous nos yeux, porte une lumière crue sur les destins des personnages du roman, qu'il a tout son intérêt et qu'il prend une dimension palpable, concrète. Les idées ne survolent pas le paysage de loin, elles se vivent et s'illustrent dans les vies qui s'entrecroisent, nous touchant au coeur.
C'est aussi grâce à cet entrecroisement de personnages que Diane Meur, bien loin d'enfoncer des portes ouvertes, s'attèle à crocheter avec soin des serrures diablement bien sécurisées.
Un roman soigné, qui fait bouger les lignes.
Natacha
Paru en août 2020.
Alice Zeniter prend ici une photo instantanée d'une grande netteté de la France de 2019, à travers le prisme de l'engagement politique, interpété de deux manières : la manière "classique" pour le personnage d'Antoine, assistant parlementaire, la manière "underground" pour le personnage de L., hackeuse militante et peut-être pourchassée dans la vraie vie.
La romancière du magnifique Art de perdre change de décor et fait oeuvre utile en documentant l'univers du web souterrain de façon passionnante et hyper accessible à ceux qui en ignorent tout, et en montrant au passage qu'une partie du monde politique le méconnaît, voire le sous-estime. Elle nous présente aussi deux personnages de sa génération, attachants, d'une belle épaisseur psychologique et formidablement "de leur temps".
Très bon roman, sur fond de gilets jaunes, de changement de société, de juste-avant-covid.
Natacha
Paru en août 2020, existe aussi au format numérique.
Aux quatre coins du globe, des jeunes aventureux aux profils variés sont sollicités et réunis autour d'un projet de grande envergure, destiné à repenser la crise climatique. Cette initiative ambitieuse sera détournée dans le but d'initier une véritable révolution climatique, quitte à parfois user de la violence.
Un roman total qui aborde des thématiques contemporaines de manière innovante, en variant les registres de langue avec brio et en parvenant à nous tenir en haleine jusqu'au bout.
Olivier
Paru en août 2020. Existe aussi en version numérique.
Emmanuel Carrère n'est pas un écrivain comme les autres, c'est sûr, entre autres choses parce qu'il n'hésite pas à se livrer tout nu même, et surtout, lorsqu’il se sent perdu et écrasé par le poids d’un moi trop envahissant, trop changeant. Alors oui, depuis longtemps, pour calmer ses démons, il pratique le yoga, la méditation. Avec succès semblait-il. Devenus à la mode aujourd’hui mais souvent pratiqués sans en connaître plus loin, Emmanuel Carrère s’était résolu il y a quelques années de là à écrire un livre « subtil et joyeux » sur le sujet. Si ce n’est qu’entretemps beaucoup de choses se sont passées dans le monde et dans la vie de l’auteur -notamment un internement en hôpital psychiatrique où une bipolarité de type 2 lui a été diagnostiquée, et que le livre a dévié de sa tonalité et, partiellement, de son intention initiale.
Parsemé de citations, d’anecdotes et d’expériences pleines d’à-propos, d'humour aussi, ce roman nous révèle alors le chemin thérapeuthique d’un homme qui essaye d'écrire sur lui-même en trichant le moins possible et qui, à travers ces écrits, cherche ce qui peut être dit de la condition humaine. Terrassés que nous sommes par celle-ci -à des degrés divers tout de même, l’auteur nous laisse finalement entrevoir l’espoir d’une vie plus apaisée par la pratique, si ce n’est comme lui de l’écriture, de toute autre discipline pouvant mener à une meilleure connaissance de soi et à la réalisation de notre désir de salut… et par l’amour aussi. Un introspection bouleversante, avec cette qualité d’écriture incroyable qui caractérise les œuvres d’Emmanuel Carrère… on ne referme le livre qu’une fois achevé !
Gregory R.
Paru en août 2020. Existe aussi au format numérique.
Sa famille ayant toujours vécu à la campagne -mais lui-même ayant grandi à Paris, Serge Joncour a voulu replonger dans ses souvenirs familiaux, ceux d’un monde rural proche de la nature mais radicalement transformé par l’évolution rapide du monde et de la société durant la seconde moitié du 20ème siècle. Il s’en inspire pour son nouveau roman au long duquel il nous invite à partager l’histoire des Fabrier, agriculteurs dans le Lot depuis plusieurs générations. Et plus particulièrement celle d’Alexandre, seul garçon de la fratrie, qui va vite comprendre que ses trois sœurs ne portent aucun intérêt à la ferme et que c’est à lui que va incomber la lourde charge de reprendre l’exploitation.
Nous sommes au milieu des années 70, les idées politiques, les progrès techniques, les habitudes de consommation, le travail et les loisirs, tout change à une vitesse considérable, sans compter les catastrophes industrielles. Et ce n’est pas à ceux qui partent vers la ville pour être acteurs d’un monde nouveau que Serge Joncour s’intéresse mais plutôt à ceux qui restent et vont se faire rattraper par ce monde nouveau, « mondialisé ». Que va devenir le métier d’agriculteur?.... nouvelles machines, nouvelles étables, nouvelles nourritures pour le bétail, obligation de voir « grand », faut-il tout changer et s’endetter à vie pour livrer le nouvel hypermarché (les expéditions la famille Fabrier au Mammouth valent presque à elles seules la lecture)? Ou doit-il rester là à préserver et entretenir ce bout de nature qu’aime tant Constanze, cette jeune est-allemande -qui fréquente des groupes d’activistes !- dont il est tombé follement amoureux mais que les aspirations professionnelles portent loin de la France?
Quel rapport veut-il finalement avoir avec cette Nature dont il n’est, comme tout un chacun, qu’une seule pièce de l’ensemble ? Le livre se dévore ! On s’attache rapidement aux Fabrier, à leur façon d’analyser et de traverser ce bout de 20ème siècle (de 1976 à la fin des années 2000), et à leur histoire qui se révèle être une captivante chronique de la société française de cette époque.
Gregory
Paru en août 2020. Existe aussi au format numérique.
Dans les années 1980, à l'âge de trente ans, Eddy L. Harris ressent le besoin de vivre une expérience hors norme. Il est depuis son enfance fasciné par le Mississippi, ce fleuve mythique qui traverse les Etats-Unis du Nord au Sud. Il décide de le descendre en canoë depuis sa source dans le Minnesota jusqu'à son embouchure dans le Golfe du Mexique et se lance dans l'aventure, sans doute innocent des dangers qui l'attendent : le trentenaire n'a jamais canoté plus de quelques heures dans sa vie, est équipé assez sommairement d'une tente et de quelques sacs étanches pour protéger son matériel de survie assez rudimentaire. Il n'a jamais non plus expérimenté la solitude. Mais il est bien décidé à parcourir les 6500 km de l'Old Man River, à la force de ses bras. Et à découvrir les différentes visages de l'Amérique, les ambiances contrastrées entre les états du Nord et les états du Sud, à rencontrer ses habitants tout en prenant la mesure du racisme : Eddy L. Harris a la peau noire, et ne s'est jamais vraiment vécu comme Noir jusqu'à ce jour. Ce voyage sera l'occasion de sonder le coeur des Américains et de plonger au plus profond de lui-même.
Ce livre est à la fois un récit de voyage, une étude sociologique sur l'Amérique, une description fascinante de la beauté et de la force de la Nature, un récit intimiste et philosophique sur la solitude et la quête du bonheur. C'est un texte passionnant, palpitant et émouvant.
Trente ans plus tard, Eddy L. Harris revient sur ce livre qui a été décisif dans sa carrière d'écrivain et sur cette expérience qui l'a marqué. Pour le bien d'un documentaire, il a décidé de refaire le même voyage.
Publié aux Etats-Unis en 1988, Mississippi Solo est publié pour la première fois en français. Ce texte important, plébiscité Outre-Atlantique, méritait une traduction en français, c'est désormais chose faite, grâce au travail éditorial des éditions Liana Levi. Merci à eux !
Delphine
Paru en septembre 2020. Traduit de l'américain par Pascale-Marie Deschamps.
Après Au bord de la Sanda, ce roman constitue le deuxième ouvrage consacré à la solitude par Gyrdir Eliasson. A la manière d’un peintre, cet auteur islandais écrit par petites touches qui composent elles-mêmes un tableau plus général ; celui d’un romancier peu inspiré venu se réfugier dans une minuscule cabane, dans un village isolé, au bord de la mer, pour achever un roman qui décidément n’avance pas. Ces multiples petites touches sont autant d’états d’âme d’un artiste qui se frotte aux vertiges de la solitude et des questionnements relatifs à la création littéraire. A quoi donc se rattacher dans ce monde qui ploie sous les mauvaises nouvelles ? Aux rêveries que suscitent les moindres manifestations de la nature? A l’amour ? A soi-même ? Aux feuilles de papiers qui sortent de sa vieille machine à écrire ? Ou alors à rien, s’effacer jusqu’au néant ? La force de ce beau roman est de nous confronter à des banalités qui d’apparentes peuvent aussi se révéler fulgurantes et poétiques et dans lesquelles se dévoilent les difficultés du processus créatif d’un écrivain qui ne manque pas d’un certain et désabusé humour.
Gregory R.
Paru en septembre 2020, traduit de l'islandais par Catherine Eyjolfsson.
Enquête passionnante sur la famille Rimbaud - celle d’Arthur bien sûr, mais aussi celle de Frédéric, son frère; une famille qui n’a cessé d’effacer toute trace de ce dernier de la mythologie du génial poète afin de ne pas en altérer son éclat. David Le Bailly nous emmène dans son voyage au coeur des Ardennes, à la recherche de documents, de personnes même encore, qui pourraient l’éclairer sur la vie de ce frère maudit. Et c’est justement parce que celui-ci a « raté » sa vie que l’auteur-journaliste s’intéresse à lui, parce qu’il ne veut pas se contenter de l’Histoire véhiculée par les canaux officiels mais plutôt essayer de retracer une autre Histoire, celle vue et vécue par des personnages mineurs. Le Livre alterne des chapitres où l’auteur nous explique son enquête et d’autres où il laisse libre cours à sa plume et à son interprétation de ce que fut, au sein de cette famille obsédée par la position sociale et la réussite matérielle, la vie de Frédéric -qui n’a sans doute pas tout raté!
Un vrai plaisir de lecture !
Gregory R.
Paru en août 2020. Existe au format numérique.
Très, très beau livre… dans cette situation politique inextricable que semble être le conflit israélo-palestinien, il se trouve encore et toujours des hommes pour qui la vengeance et le cloisonnement sécuritaire ne sont que des illusions destructrices. Deux pères, l’un israélien, l’autre palestinien. Tous deux détruits par la disparition de leur fille dans cet engrenage de violence. Une vie à reconstruire et un sens à retrouver. En mille petits chapitres qui sont le reflet des nombreuses facettes de ce conflit, Colum McCann nous raconte l’histoire de ces porteurs de paix et comment la volonté de sauver des vies a pu naitre de leur douleurs et de leur chagrin.
Un livre exigeant mais qui nous touche et interpelle.
Gregory
Paru en août 2020. Traduit de l'anglais (Irlande) par Clément Baude. Existe aussi au format numérique.
« Il ne reste presque plus rien à La Bassée : un bourg et quelques hameaux, dont celui qu’occupent Bergogne, sa femme Marion et leur fille Ida, ainsi qu’une voisine, Christine, une artiste installée ici depuis des années. On s’active, on se prépare pour l’anniversaire de Marion, dont on va fêter les quarante ans. Mais alors que la fête se profile, des inconnus rôdent autour du hameau. »
Roman noir, polar psychologique… aucun de ces deux adjectifs n’est galvaudé ! Plus de 600 pages pour nous relater une nuit fatale dans le hameau des Trois Femmes Seules, îlot de vie abîmé et planté au milieu de nulle part. Disons-le tout de suite, ce livre est une sorte de goutte-à-goutte, vicieux et cruel. Un drame va se jouer, on le sent assez vite, mais Laurent Mauvignier prend son temps. Car c’est dans la tête de chacun des protagonistes qu’il veut nous faire plonger, c’est là qu’il donne au récit toute son ampleur, le fait se dilater dans le temps et éclaire à l'aide d'une lampe torche les recoins que certains ont voulu les plus cachés. Le texte est certes long mais aucun mot ne semble pouvoir être retiré au risque de ne plus être capable de cerner au mieux les résolutions, les doutes et les peurs des personnages, de ne plus saisir pleinement comment leurs blessures et leurs secrets, mais aussi leur amour, ont pu engendrer un tel enchainement. Un excellent roman que vous ne lacherez pas malgré son poids!
Gregory
Paru en septembre 2020. Existe aussi au format numérique.
Never(s) ets un très beau roman sur la présence et l'absence, doublé d'une subtile réflexion sur le pouvoir de l'écriture.
Etiennette et Georges se rencontrent à Casablanca en 1942, elle est enceinte d'un soldat qui l'a abandonnée et est rentré au pays, il est amoureux d'elle et sera le père de son fils Jean, sourd de naissance. Engagé volontaire, Georges part aider à la libération de la France en 1943 juste après leur mariage et sera ensuite affecté en Indochine jusqu'en 1948. Etiennette quant à elle, doit quitter le Maroc pour une petite bourgade française près de Nevers où elle sera accueillie comme une étrangère avec ses deux enfants par la famille de son mari. Ce sera donc six longues années remplies de centaines de lettres, une relation épistolaire avec ses hauts et ses bas, pour apprendre à mieux se connaître, pour se dire des choses indicibles en vrai, pour écrire le roman de leur rencontre, de leurs premières années de mariage.
Etiennette est la grand-mère de Frédérique Berthet, elle lui a légué une petite valise remplie de ces lettres dont elle n'avait jamais (never) parlé à personne. Et l'une comme l'autre, ont fait "des écritures" pour raconter cette histoire d'amour.
Magnifique de délicatesse et de profondeur des sentiments !
Catherine D.
Paru en mai 2020. Existe aussi au format numérique.
Du jour au lendemain, le patron de cette petite imprimerie à l’ancienne disparaît, entraînant dans sa foulée la mise sur la touche de ses quatre employés. Désœuvrés par l’arrêt subit de leur activité, ils se retrouvent dans un bar pour noyer leur désarroi dans des litres de schnaps. Nous sommes dans les années 1970 en RDA et ces quatre destins marginaux vont raconter des révoltes sourdes, quasi invisibles, contre leur quotidien. Les révoltes des laissés-pour-compte de l’époque du Mur. Un petit concentré de puissance. Étrange, troublant, tendre et drôle.
Olivier
Paru en octobre 2019. Traduit de l'allemand par Barbara Fontaine. Existe aussi en version numérique.
Le narrateur traverse l’Allemagne de fête en fête, bravant les gueules de bois et les rencontres sauvages dans une épopée drôle et pleine de sentiments malgré la froideur des personnages qu’il rencontre. Il dépeint la jeunesse allemande des années 1990 et sa consommation de toutes sortes de drogues, avec cynisme et drôlerie. Au travers d’un ton brut et d’une voix d’une honnêteté troublante, il dresse un constat glaçant d’une jeunesse privilégiée, envahie par le vide. La ressemblance avec Bret Easton Ellis est frappante, si ce n’est qu’on trouve chez Kracht une dose d’humour qu’il décline avec adresse, dans une langue directe. Admirable.
Olivier
Paru en septembre 2019. Traduit de l'allemand (Suisse) par Corinna Gepner. Existe aussi en version numérique.
Ce livre court et intense nous parle de famille, de transmission, de fratrie, de folie, de deuil... Parfois, c’est après leur mort qu’on comprend mieux la vie de nos proches. Ce premier roman très intimiste nous emmène aussi dans les grands espaces de la Gaspésie. Un livre tout en finesse qui se lit d’une traite et qui marque les esprits.
Catherine M.
Paru en février 2020.
Vittorio, romancier autrefois célèbre, disparaît le soir de Noël, absent du repas concocté par son épouse. Autour de la table se retrouvent sept femmes aux relations le plus souvent teintées d’hostilité. Sept femmes qui gravitent autour de sa personne : sa mère de 89 ans, sa femme, son ex, sa sœur, ses deux filles et sa jeune maîtresse. Au fil des semaines, les masques tombent. "Car si Vittorio était leur dénominateur commun, il était aussi la raison de leur rivalité."
Roman choral psychologique, chronique drôle et féroce du milieu bourgeois milanais et du carcan familial.
Véronique
Paru en mai 2020. Traduit de l'italien par Lise Caillat. Existe aussi en version numérique.
Une vieille maison inconfortable, battue par les vents, sur le rivage atlantique. Cette demeure autant honnie qu’aimée, Hélène l’a acquise dix ans plus tôt. Qu’y trouve-t-elle sinon les traces d’une personne autrefois aimée et celles d’une légende qui résonne en elle, réveillant une blessure d’enfance jamais cicatrisée. Cet automne, Hélène s’y rend avec la ferme intention de vendre la vieille baraque. Mais c’est sans compter sur la présence de Joe qui y a élu domicile, photographe des traces d’histoire en voie de disparition qui fait le tour des blockhaus de la région, ni sur l’arrivée intempestive de Bambi, sa chère filleule. Tout ce petit monde va bousculer ses plans, de même que la rencontre avec un certain Mr Flint et une terrible tempête.
D’envolées poétiques en répliques humoristiques, la langue d’Anne-Marie Garat est superbe.
Véronique
Paru en février 2020. Existe aussi au format numérique.
Voilà un sacré grand roman d’anticipation qui se situe dans un monde hyper connecté où tous nos déplacements sont tracés, analysés afin de nous “protéger“ et de nous proposer des expériences toujours plus proches de nos “envies“. Bref, un monde idéal... Pas si sûr ! L’État a de moins en moins de pouvoir ; les entreprises privées se chargent de toute une série de services, à commencer par l’enseignement qui est complètement privatisé. Mais dans cette société où tout est contrôlé, il se raconte que des êtres vivants échappent aux radars. S’agit-il d’une légende urbaine ? S’ils existent, ces furtifs, sont-ils extra-terrestres ? Sont-ils des formes animales ? Végétales ? Humaines ?
Une lecture exigeante, interpellante et qui amplifie la compréhension de notre monde.
Catherine M.
Paru en avril 2019. Existe aussi en version numérique.
Rob Hopkins, c'est cet activiste anglais souriant souvent associé au mouvement des Villes en transition. Transition écologique, résilience face au pic de pétrole, aux changements climatiques et aux inégalités sociales : autant de concepts qu'on peut associer à ce mouvement.
Face aux questions du "que faire?" et "comment faire?", qui nous laissent souvent un amer goût d'impuissance ou de découragement, Hopkins raconte dans ce livre une kyrielle d'histoires vraies, des initiatives locales qui ont montré un potentiel de transformation étonnants: le petit groupe qui a transformé un sinistre terminal de bus en place du village verdoyante pour un jour, éveillant ainsi la conscience que c'était possible; les éducateurs qui ont réaménagé une carrière en site de formation pour d'anciens détenus; et tant d'autres.
Vivifiant, libérateur, lucide aussi, ce texte porte en son coeur un outil puissant: l'imagination. Habituellement associée au manque de réalisme, au rêve sans suite, elle est au contraire, on en sort convaincu après la lecture de ce livre, un levier incroyable de changement et d'action.
Un livre à lire, à prêter, à relire et à faire circuler !
Natacha
C'est l'histoire d'un silence, du silence lié à l'indicible et à la honte. Santiago H. Amigorena, dans une écriture douce et subtile, nous livre les pensées et la vie "rêvée" de son grand-père, juif polonais émigré en Argentine dans les années 1920, laissant derrière lui sa famille, sa mère et son frère... Comment continuer à vivre une vie insouciante et pleine de vie (il aura 3 enfants avec son épouse argentine Rosita) quand l'horreur menace sa famille à l'autre bout du monde ? Comment appréhender les nouvelles qui arrivent avec des mois de décalage et qui sont quelque peu édulcorées par la censure ? Comment arriver à comprendre et à accepter l'enfermement physique dans lequel se retrouve progressivement sa mère et qui la conduira à la mort dans les camps ? Vicente, ce grand-père qu'Amigorena n'a presque pas connu, s'est dès lors lui-même enfermé dans un silence dévastateur dont son petit-fils en porte encore le poids et les traces aujourd'hui... Magnifique texte rempli de pudeur et d'émotions.
Catherine D.
Paru en août 2019. existe aussi au format numérique.
Nous sommes dans les années 1960. Par une habile mosaïque de sources, Béatrice Kahn nous fait remonter le fil de l'histoire dans ce village, par les yeux et les oreilles d'Élisabeth, quatorze ans, dont l'amie de vingt ans vient d'être retrouvée morte près du barrage et qui se cache aujourd'hui sous la table du café de la place, à l'écoute des conversations des adultes.
Roman à la construction sans faille sans que cela le prive de poésie, Les dessous montre aussi comme la guerre et les destinées individuelles peuvent tragiquement s'entrecroiser, s'enmmêler dans la confusion.
Un coup de coeur à la fois doux et empoisonné.
Natacha
« Elles ont encore la majeure partie de leur vie devant elles. Elles font des erreurs, mais rien de fatal. Elles ne sont plus jeunes, mais ne sentent pas vieilles. La vie est encore malléable et pleine de potentiel. L’entrée des chemins qu’elles n’ont pas empruntés ne s’est pas encore refermée. Il leur reste du temps pour devenir celles qu’elles seront. »
Une belle histoire de femmes, d’amitié, où il est question de choix, d’art, de carrière, de maternité, de doutes et d’amour, le tout servi par l’écriture empathique de son autrice. Un très bon moment de lecture en ces temps troublés !
Catherine D.
Paru en février 2020, traduit de l’anglais par Elodie Leplat. Existe aussi au format numérique.
Voici une très belle biographie de Magellan qui nous replonge dans l’époque des épopées marines européennes du 16e siècle et qui nous apprend que les populations vivant à l’époque dans les îles du Pacifique étaient déjà bien plus développées que ce que l’histoire nous raconte habituellement.
On croit connaitre l'histoire mais en réalité, le prisme du lieu où ce récit a été construit, raconté, transmis aux générations doit être appliqué pour démêler ce qui relève de la vérité ou de la construction sociale, de la production d'un mythe qui arrange ceux qui racontent les faits.
Une lecture qui nous voyager et réfléchir, le tout servi par une plume belle et fluide.
Catherine M
Paru en février 2020.