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Quand le narrateur s’installe dans cette petite ville de France, il retombe sur son ami l’auto-stoppeur. Il est désormais en ménage, un enfant, une femme, Marie. Mais son amour pour la route n’a pas changé. Régulièrement, il quitte le cocon familial et s’en va lever le pouce sans destination ni explications précises. Sans date de retour. Une amitié renaît entre les deux hommes. Sincère, véritable, pleine de bienveillance. Lors des absences de l’auto-stoppeur, une place se libère dans le cocon familial et son ami y pose d’abord un orteil. Puis les absences se font de plus en plus longues.
Une superbe histoire d’amitié, d’amour et une ode à l’exil. Prudhomme dépeint magnifiquement et avec beaucoup de délicatesse tous les possibles amours et la mélancolie de nos vies potentielles.
Prix Femina 2019.
Olivier
Paru en août 2019. Existe aussi au format numérique.
Dali Misha Touré, jeune autrice française de 25 ans, signe un roman aux allures autobiographiques : la narratrice s’exprime à la première personne dans un style fluide qui apparait spontané et sincère. C’est avec inventivité, en s’inspirant de ses expériences personnelles mais également du vécu de certains membres de son entourage que l’autrice a composé l’histoire d’une adolescente au parcours tortueux et, si elle partage avec cette dernière certains aspects de sa personnalité, comme son goût pour l’écriture, elle s’en distingue toutefois sur de nombreux points (leur schéma familial n’est, par exemple, pas le même).
La narratrice de Cicatrices vit en banlieue parisienne. Son père, un homme particulièrement sévère, est polygame. Lui, ses quatre femmes, leurs nombreux enfants, tous vivent agglutinés dans la même maison, manquant d’intimité, de calme, d’amour, de communication… Alors que les disputes se multiplient, la jeune fille devient acariâtre et violente. Comment évoluer dans un tel climat ? Sur quoi s’appuyer ? L’écriture peut-elle l’aider ?
Cicatrices est constitué d’une vingtaine de chapitres brefs, qui n'excèdent parfois pas les deux-trois faces. Dès le début, on se sent embarqués aux côtés de la narratrice et on tourne et tourne les pages. L’adolescente trace son chemin, elle prend du recul sans s’apitoyer sur son sort, sans condamner qui que ce soit ni prendre parti de façon catégorique lorsqu’il est question de sujets controversés. Ainsi, elle expose ses réalités, tout en nuances, évoquant par exemple les aspects positifs comme négatifs que revêt, depuis sa place d’enfant, la polygamie. Cicatrices est un roman quipeut être lu en une matinée tant il est prenant !
Alice
Paru en août 2019. Existe au format numérique.
Quel petit joyau d'écriture et de construction que ce roman de Frédérique Dolphijn.
Au gîte Mon rêve se succèdent les familles et les couples et, pour chacun.e, quelque chose se passera, un infime tremblement qui mènera certain.e.s au séisme. La forêt omniprésente, un enfant furtif à l'existence incertaine, le pouvoir d'un mot...tout cela fait aussi partie de l'histoire.
Autrice, éditrice, animatrice d'atelier d'écriture (entre autres chez Papyrus), artiste multidisciplinaire, Frédérique Dolphijn choisit ses mots avec soin, cultive les trouées de mystère tout en nous offrant des personnages palpables et concrets, interroge nos prisons et nos libertés, nos trajectoires de vie.
Objet littéraire atypique et prenant !
Papyrus reçoit Frédérique Dolphijn le jeudi 5 décembre à 19h30, soyez les bienvenu.e.s.
Databiographie, c'est une invitation sensible et décalée à parcourir la vie de l'écrivain belge Charly Delwart, le tout sous forme de statistiques mises en graphiques !
L'air de rien, on ressort troublé de la lecture de cette autobiographie d'un autre genre, tant les statistiques éclairées des anecdotes de l'écrivain nous parlent et viennent nous titiller sur le terrain du faussement semblable, de l'impression d'avoir aussi vécu ça, d'avoir aussi joué à ça. Arriver à transcrire des moments de sa vie en données, tel est l'objectif que s'était fixé Charly Delwart avec ce livre. A la manière des statistiques scientifiques, l'homme de 44 ans se propose de "répondre aux questions cette fois par les faits : qui j'étais objectivement, qui j'avais été jusqu'ici". Et voilà que l'intimité de l'auteur nous est révélée par les chiffres, de la superficie de pizzas ingérées (97 m² dont 82.4m² de pizzas napolitaines) au type de chaussures possédées (0 paire de sandales mais 8 paires de baskets), en passant par le nombre de photographies prises en 2018 (4661) dont 5 seront accrochées au mur, ou encore le total des jours vécus sous le soleil (4176) vs le total des jours vécus sous la pluie (5460) et le total des jours vécus dans un entre-deux (6425), jusqu'au partage d'une carte reçue de son père "pour ses dix-sept ans, qui se terminait par : La vie est à toi et je te la souhaite belle. Essaye de respecter les règles : c'est plus facile ainsi." Charly Delwart nous parle de lui, de sa famille, sans tabou mais avec tendresse et c'est avec un brin de mélancolie que l'on referme ce livre drôle et touchant, mis en lumière par le travail graphique remarquable d'Alice Clair qui le rend inclassable.
Catherine D.
Venez rencontrer l'auteur le mardi 12 novembre à 18h30 à la librairie !
Paru en août 2019. Existe aussi au format numérique.
Aucun pathos dans l’histoire de cette jeune fille désorientée qui raconte le suicide de sa mère et la folie de sa sœur, sans avoir l’air d’y toucher, par des traits délicats et lumineux. Au travers de chapitres courts et incisifs, on pose la question du deuil, de l’hérédité, des peurs, de la tristesse, sans que la lecture ne pèse un gramme. Un roman touchant, qui fait souvent sourire, presque innocent, au style unique et dans une langue qui respire et n’en fait jamais trop.
Olivier
Paru en août 2019. Disponible aussi en version numérique.
1947, à Madagascar, la colère gronde au sein d’un peuple opprimé par le pouvoir colonial. Anciens soldats ayant servi pour la France, tirailleurs méprisés par une nation qui les a utilisés puis abandonnés, c’est tout un peuple qui menace de se révolter par les armes. Parmi eux, Zébu Boy, combattant fort et sans pitié, cherche à se reconstruire après une guerre qui a laissé trop de marques et à effacer les injustices du passé. Il finira, avec ses camarades du front, par incarner la révolte rageuse de ses compatriotes, un peu malgré lui, hanté par les images de la guerre.
Un roman fort qui traite d’un pan oublié de l’histoire à travers un personnage ambivalent ; attachant et dur, rempli de tendresse et de cicatrices, fier et altruiste. Parfaitement documenté, on nous plonge dans la fureur de l’injustice et de la violence, dans la dureté de la guerre et du deuil, grâce à des mots incisifs et percutant.
Olivier
Paru en août 2019. Disponible aussi en version numérique.
À 26 ans et après avoir accompli des études de philo sans jamais vraiment se frotter à la vie, Theodore-James Libski tourne en rond, entre ennui et oisiveté. Pour remédier à cela, son père l’envoie prendre part à une expédition ayant pour but d’observer la migration d’animaux en voie d’extinction. Theodore-James s’engage alors à bord de l’Izoard où il rencontre un équipage hétéroclite, formé de personnages rocambolesques. Leur navire traverse ainsi le globe à la rencontre d’espèces animales rares. Notre héros goûte lui à la vie et ce que le monde a à lui offrir.
Une premier roman drôle, parfois loufoque, au style singulier et à la langue riche et foisonnante.
Olivier
Paru en août 2019. Aussi disponible en version numérique.
Karine Tuil nous offre un excellent roman ancré dans le réel d'une société dirigée par les médias, le pouvoir et l'argent et à la lecture de celui-ci, on ne peut s'empêcher de rapprocher son travail de celui de l'écrivain journaliste Tom Wolfe.
Jean Farel, star du journalisme politique français au bras long, se pavane sur les réseaux sociaux tout en entretenant des liaisons avec de jeunes et jolies femmes; son épouse, Claire, est une essayiste féministe reconnue pour ses engagements et depuis peu, en couple avec un professeur de confession juive; et enfin, Alexandre, leur fils chéri, est étudiant aux Etats-Unis et de passage à Paris pour assister à la cérémonie de décoration de son père à l'Elysée... Et c'est par ce fils introverti, peu sûr de lui mais ne doutant pas de sa qualité de mâle dominant, meurtri par un chagrin d'amour, que le scandale va arriver, lorsqu'il se retrouve accusé d'un viol qu'il doute avoir commis...
Il y avait toujours un moment dans la vie où l'on piétinait ses idéaux avec une velléité suspecte.
Karine Tuil porte un regard incisif et tranchant sur les rapports humains qui se délitent lorsque surgit un "incident" qui ne permet plus le retour en arrière. Elle dissèque avec brio les pensées, sentiments et actions de ses personnages qui, tout en dénonçant leur perversité, nous ébranlent dans nos certitudes. On sombre avec eux dans les tentatives de corruption, on baigne dans la manipulation médiatique, parentale, amoureuse, filiale, on frissonne à l'évocation des détails scabreux et surtout à la lecture des mots de ceux qui veulent protéger à tout prix ce fils immature élevé comme un roi; et puis, on referme ce livre en conservant un arrière-goût de questions restées sans réponse... Intelligent, acéré, Les choses humaines est le roman du pouvoir des médias, du pouvoir tout court, et d'une époque par laquelle #metoo est passé. Brillant !
Catherine D.
Paru en août 2019. Existe aussi au format numérique.
Voici un livre drôle et pertinent, cocasse et plein d'ironie salutaire sur les folies des humains.
Wendy est manouche et, malgré le scepticisme de son entourage, elle a décidé de sauver les gadjé de leur malheur. L'occasion pour l'autrice de chambrer allègrement, en inversant les rôles d'une façon assez jubilatoire, la condescendance exercée souvent à l'encontre des gens du voyage qu'on veut "aider".
Mais il y a bien plus dans ce livre fou et artistique : des manipulations génétiques, des panels de citoyens, du farniente, un hôtel bruxellois, des enfants et des films d'horreur.
Lecture piquante, vive et parfois à mourir de rire !
Natacha
Paru en août 2019.
Nous recevons Emmanuelle Pireyre le mercredi 22 janvier 2020 à 19h30. Soyez les bienvenues et bienvenus.
Les personnages de Jean-Paul Dubois sont tout un monde à eux seuls, chacun. À la fois construits avec inventivité et criants de vérité, pour ce qu'ils révèlent d'une époque, d'un monde. Les injustices affleurent, évoquées avec une évidence à peine teintée d'amertume.
Incarcéré pour deux ans, Paul Hansen partage sa cellule avec un Hells Angels gigantesque et nous relate l'intimité impitoyable qui est la leur, tout en nous racontant ce qui l'a conduit, lui, dans cette prison de Montréal où viennent chaque soir le retrouver ses trois fantômes et leur douce présence.
Dans un récit prenant et fluide à la manière du delta d'un fleuve, Hansen évoque son père, pasteur norvégien en France, et sa mère, beauté directrice d'un cinéma de création, notamment dans les années 60-70 où la libération de toutes les entraves concerne aussi le 7ème art.
Il évoque aussi son amour Winona, aviatrice aux origines mi-irlandaise mi-inuit. Mais encore son chien fidèle, son voisin solidaire et tous ceux qu'il a croisés sur sa route jusqu'au moment de son arrestation.
Le monde du travail et ses terribles détricotages sont un des fils conducteurs du roman : Paul Hansen a été de longues années homme à tout faire dans un immeuble où il recousait aussi parfois les chagrins, puis a vu son métier se réduire à sa part la plus glaciale et strictement productive. Son père s'était retrouvé parachuté dans une région truffée de mines d'asbeste. Son ancien voisin doit fouiller l'intimité des endeuillés pour une compagnie d'assurances. Etc...
Un excellent Jean-Paul Dubois, empreint d'empathie, de révolte et d'humanité.
Natacha
Paru en août 2019
De nombreux auteurs et autrices ont invité dans leurs livres les situations vécues par des migrant.e.s ces dernières années (amorce de liste éclectique : Pascal Manoukian, Emmanuelle Bayamack-Tam, Hugo Boris, Eva Melandri, Hakan Günday et tant d'autres).
Marie Darrieussecq le fait ici avec une honnêteté qui lui permet de venir nous chercher, nous lecteurs, au coeur de nos contradictions d'Européens et d'Européennes touché.e.s par les situations des exilé.e.s mais pas toujours prêt.e.s à sortir de leurs vies pour venir en aide ou pour interpeller face à l'indifférence. Cela fait de son livre un miroir à la fois empathique et subtilement dérangeant.
Rose vit à Paris, a un adolescent connecté, une petite fille allergique, un mari au bord du burn-out, elle travaille comme psychologue dans un centre de santé mentale. Tout ça, ça remplit une vie. La misère humaine à l'occidentale, elle connaît, et elle la côtoie de près dans son métier. Mais un métier, c'est défini, ça a des contours, on rentre chez soi le soir et on peut fermer la porte.
Au début du roman, Rose est en croisière sur la Méditerranée - un cadeau de sa mère, en cabine "juste un peu mieux que la cabine sans fenêtre". Le bateau croise une embarcation en détresse, certains passagers sont recueillis sur le paquebot, d'autres sont morts. Avant que le bateau de croisière débarque les migrants sur une vedette italienne de garde-côtes, elle rencontre le jeune Younès et lui donne le téléphone de son fils.
Le roman relate les mois qui suivent. Le téléphone a maintenu un fil possible entre Younès et Rose. Rose qui continue à vivre sa vie de française de la classe moyenne pas trop mal lotie, qui déménage, retrouve un travail, s'inquiète de l'eczéma de sa petite fille, et que, régulièrement, Younès appelle avec l'ancien téléphone de son fils.
La mer à l'envers est un excellent roman qui se lit d'une traite et dont nous ne vous révélerons pas l'issue.
Natacha
Paru en août 2019.
L'entrée en matière de ce livre passionnant et singulier mérite d'entrer dans le top 20 des incipit les plus surprenants : nous voici pris aux tripes, tout de suite. Et le livre de poursuivre, de nous guider sans ménagement ni brusquerie dans le Grand Nord avec Uqsuralik, toute jeune fille accompagnée de cinq chiens et d'une lance brisée.
Sans didactisme, Bérengère Cournut nous immerge aussi dans la culture des Inuit, où les chants et les jeux de scène régulent la vie sociale, où les âmes voyagent et où rester en vie est banalement précaire. Naissances et morts, conflits et chasses marquent le rythme des saisons, qui basculent de la lumière totale à la nuit permanente. Et dans cet univers de grande interdépendance avec la nature, une femme trace son chemin, viscéralement attachée à la vie et faisant naturellement face à la mort qui rôde, dans un livre qui scintille comme la glace.
Rien de trop dans ce livre magnifique !
Natacha
Août 2019
Rendez-vous avec l'autrice à l'Intime festival, en grande lecture le samedi 24 août 2019 de 21h à 22h, et en entretien le dimanche 25 août 2019 de 13h à 14h15.
Employé au Ministère de l'agriculture, proche de la cinquantaine, Florent-Claude vit avec Yozu, sa compagne pour qui il n'éprouve que peu de sentiments. Dépressif, fumeur intempestif et en quête de sens à sa vie, il décide de disparaître du jour au lendemain. Ce départ le mène sur les routes et les hôtels de France, mais surtout, le replonge dans le souvenir de ses relations passées et échouées. Au travers de son amitié avec un agriculteur, le narrateur dépeint aussi un monde agricole dur et sans issue, à l'image de la vie.
De son regard tranchant, Houellebecq dresse le portrait d'une société contemporaine en perdition, de valeurs en déséquilibre. Touchant d'amour et d'un peu d'espoir (ce qui n'est pas toujours le cas chez cet auteur), Sérotonine est un roman cynique et juste, parfois trash. On y sourit jaune tout du long.
Olivier
Paru en janvier 2019. Existe aussi au format numérique.
Cité des Blattes, entre cafards et misère sociale, Paul garde sa mère morte depuis peu dans sa chambre, pour combler la solitude. Jusqu’au jour où il recueille Hélène (d’Hélène et les garçons?!) entre ses tristes murs, échouée dans une benne à ordures après un accident de moto. Sur fond d’une intrigue sombre et d’un univers un peu tordu, Prudon se permet une écriture folle, audacieuse, pleine de poésie et de trouvailles. Il transforme la solitude et la crasse en une épopée fantasque, aux élans surréalistes, mais critique de notre ère.
Olivier
Paru en mars 2019. Existe aussi au format numérique.
De son écriture délicate et attachante, Gaëlle Josse nous livre le portrait sensible et troublant d’une femme artiste, comme elle, d’une femme photographe passionnée par les visages, comme elle, d’une vie parsemée de silences, d’absences, d’une femme si discrète à l’enfance tragique qui fut une nurse aimante et lointaine à la fois, d’une artiste insaisissable dont l’oeuvre fut découverte par hasard et qui fait d’elle, à titre posthume, l’une des plus grandes photographes de rue au monde. Avec une sensibilité à fleur de mots, Gaëlle Josse nous conte l’histoire de la mystérieuse Vivian Maier, entre zones d’ombre et révélations, comme un négatif se révélant délicatement à la lumière du monde, avec tous ses possibles et les espoirs qu’il porte en son grain...
Catherine D.
Paru en avril 2019. Existe aussi au format numérique.
La narratrice, Laure, par l'entremise de feu son ami Léo, lâche tout pour partir sur les traces de Stendhal et de son roman "La Chartreuse de Parme". Ce sera une quête aux souvenirs : des vacances sur une plage en Normandie dans les années '60 aux voyages récents à Bologne, en passant par les années étudiantes remplies de théâtre et de cinéma. Michèle Lesbre nous offre un joli roman intimiste empreint de douceur, à l'écriture sobre et élégante qui vous donnera peut-être envie de vous replonger dans les oeuvres de Stendhal, Proust, Pavese, De Luca,... ou de vous lancer sur les traces de Chéreau, Kantor, Calet, Antonioni et bien d'autres encore.
Catherine D.
Publié en février 2019. Existe aussi au format numérique.
Avec ce premier roman, Quentin Jardon nous emmène dans un univers opaque, méconnu du grand public, et qui pourtant s'immisce dans nos vies chaque jour davantage : le web. Qui a créé ce grand réseau mondial qui nous relie ? Comment se sont construits les premières connexions Internet ? Les premiers sites web ? A qui servent-ils et pourquoi ? Qui a financé les recherches qui ont permis à la toile de se déployer ? Quel rôle a joué la communauté scientifique ? Les états ? L'Europe ? Les USA ? Quel était le projet initial des premiers développeurs ?
Pour nous raconter cette histoire, l'auteur nous prend pas la main et nous entraîne dans son enquête avec une plume extrêmement agréable. Le fil conducteur de son récit est le personnage énigmatique du Belge Robert Cailliau, un scientifique retranché dans les montagnes du Jura, qui n'accorde aucune interview, et qui serait pourtant un des co-fondateurs du fameux World Wide Web avec l'Anglais Tim Berners-Lee. Les deux hommes se sont rencontrés à Genève, au CERN, un centre de recherche axé sur la recherche en physique. Ils rêvent de construire une sorte de réseau qui permettrait aux chercheurs de communiquer entre eux en toute liberté. Jardon nous raconte les prémices, la rencontre de ces deux hommes, il leur attribue des traits de caractère, imagine leurs relations et les interactions qu'ils tissent avec des informaticiens qui petit à petit prennent connaissance de leur projet et rejoignent une sorte de communauté virtuelle oeuvrant à l'édification du web. Il enquête aussi sur la suite des évènements, ce qui va se passer aux USA et qui sera déterminant dans le développement du web, l'apparition des URL, du langage html, etc., etc. Toutes des choses dont nous entendons parfois vaguement parler aujourd'hui, que nous utilisons au quotidien mais dont nous ne connaissons pas nécessairement l'origine.
On avait déjà découvert Quentin Jardon dans les articles de Wilfried et de 24h01, on se régalait déjà de ses enquêtes et de son style qui trouve un bel équilibre entre journalisme et littérature, quel plaisir ici de le lire dans un roman tout entier et de s'immerger avec lui dans une investigation minutieuse et acharnée. Le tout nous offre aussi une belle réflexion sur cet outil qui façonne notre monde. Les pionniers rêvaient d'un outil libre, partagé à travers le monde... Qu'est-il advenu de cette utopie aujourd'hui ?
Catherine M
Paru en mai 2019. Existe aussi en format numérique.
Intelligent !
Voilà les premiers mots qui me viennent pour évoquer ce dernier livre de l'auteure franco-canadienne Nancy Huston.
Pas tout à fait un roman, ni tout à fait un essai ni un récit, ce livre nous entraîne dans l'enfance de Pol Pot, le dirigeant des Khmers rouges au Cambodge. On découvre l'histoire de cet homme au sourire impénétrable qui a débuté sa vie dans la campagne cambodgienne, au sein d'une famille nombreuse. Il a fréquenté plusieurs écoles et pensionnats avant de se retrouver à Paris de 1949 à 1953 pour terminer sa formation en ingénierie. A cette époque, il fréquentera les cercles du parti communiste français. Parallèlement à cette histoire, Nancy Huston nous parle aussi d'elle-même, de son enfance, de son arrivée à Paris, de ses rencontres avec les milieux politiques parisiens. Et à travers ces récits, elle démêle les nœuds de l'histoire pour tenter de comprendre comment se construisent des idées politiques et des projets de vie.
Un excellent livre où l'on retrouve l'écriture sensible et envoûtante de Nancy Huston.
Catherine M
Paru en août 2018. Existe aussi en format numérique.
La librairie reçoit l'auteure le mardi 4 juin à 19h30 à l'Espace culturel d'Harscamp.
Martin Winckler est de retour avec une fascinante Utopie.
Lecteur avide de tous les genres littéraires, notamment de science-fiction et de suspense, il nous a offert plusieurs romans plutôt réalistes, militants, usant avec brio de tous les ressorts romanesques de ces genres qu'il affectionne pour nous emmener dans des histoires, des vraies histoires avec une chute qu'on attend avidement et des personnages attachants au possible, procurant à la lecture un plaisir sans doute proche de celui qu'éprouve Abraham, un de ses personnages, en lisant les Bob Morane.
Mais dans ses romans, Martin Winckler partage aussi de l'information et des idées. Médecin, il a des idées bien claires sur l'exercice du soin, et des connaissances encyclopédiques dans ce domaine.
Il abordait ainsi les débuts des avortements légaux dans La vacation, l'euthanasie et la fin de vie dans En souvenir d'André, la gynécologie et l'intersexuation (parmi bien d'autres choses) dans le génial Choeur des femmes.
Les deux derniers livres en date, Abraham et fils et Histoires de Franz, nous racontaient l'histoire politique et sociale des Français des années 60 et 70 à travers le regard candide d'un enfant, qui devient adolescent dans le second des deux livres. En toile de fond explicite, toujours, les idées de l'auteur sur la pratique de la médecine.
Et voici qu'avec L'École des soignantes, Martin Winckler nous offre une sorte de suite au Choeur des femmes, grand succès de librairie.
Nous sommes dans les années 2030 et nous retrouvons Jean "Djinn" Atwood, la jeune médecin en formation dans le Choeur des femmes, devenue une personne de référence au Chht!, alias le CHU de Tourmens.
Dans cette enclave où la formation des aides soignantes, des infirmières et des pratiquantes de la médecine a été entièrement réformée, de même que l'organisation des soins, plus rien ne ressemble à un Centre hospitalier des années 2010. Les soigné.e.s (qu’on n’appelle jamais les malades) interviennent dans la formation des soignant.e.s. Tout le monde commence son cursus en tant que soignante pro (anciennement aide soignant.e), puis panseuse (alias infirmier.ère) puis officiante (alias médecin). Etc, etc…
Bref, Martin Winckler nous offre un document qui, tout en restant romanesque, toujours, se pose en proposition de base pour une réforme des soins de santé. Tout simplement. Et à le lire en tant que patiente, on aimerait être soignée dans un tel cadre, respectueux des personnes, quel que soit le côté du soin où elles se trouvent.
Mais l’auteur va plus loin en rendant un sublime hommage aux femmes dans un livre profondément et subversivement non sexiste. On a beaucoup parlé d’écriture inclusive en 2018, avec ses adeptes et ceux qui la trouvaient inepte. Martin Winckler va encore plus loin, en rédigeant l’entièreté de son texte dans une grammaire nouvelle, dans laquelle le féminin l’emporte, nous montrant toute la portée de la grammaire en termes de représentations ! Car à le lire, on a soudain l’impression de vivre dans un monde peuplé de femmes.
L’auteur, convaincu de la légitimité des luttes contre le sexisme et très informé des décodages féministes, a pris grand soin de donner la parole à un narrateur qui est lui-même un homme, afin de ne pas parler à la place d’une femme. Il écrit donc de là où il est : un homme conscient de l’existence d’une domination sociale des hommes sur les femmes, comme une personne non racisée peut être consciente de la domination sociale des non-racisés sur les racisés…dite « des Blancs sur les Noirs ». Mais sans parler à leur place...
La chute rocambolesque de ce roman, que je ne peux révéler, est un autre bouleversant message d’humilité de la part de l’auteur. Plaisir, émotion, enthousiasme, subversion… Bien joué, Martin Winckler. Merveilleux.
Natacha
Voici une plongée incroyable dans les USA des années 1920-30 et suivantes. L'auteur revisite la vie de l'écrivain et journaliste James Agee et c'est passionnant. James Agee est un homme brillant mais relativement incompris et dont les propos sont mal acceptés par la 'bonne société' américaine de l'époque. En effet, il raconte ce qu'on préfère ne pas voir, il parle de la misère qui est le quotidien de nombreuses familles, il dénonce les injustices. Un de ses grands livres sera le livre réalisé avec son ami, le photographe Walker Evans, Louons maintenant les grands hommes. Ce livre toujours disponible aujourd'hui dans la collection Terre humaine raconte le quotidien des famille de métayers, des hommes exploités pendant la grande dépression aux USA.
James Agee voyagera beaucoup entre New-York et Los Angeles, il sera l'ami de Charlie Chaplin, et travaillera sur plusieurs scénarios pour Chaplin ou pour d'autres cinéastes. Il sera aussi un grand critique. A ce titre, il passe pas mal de temps sur la côté ouest et le roman est une description intéressante d'Hollywood et de ses dérives. A côté de ses écrits, Agee a une vie sentimentale bien remplie (trois mariages), il tombe amoureux fou régulièrement. L'alcool fort présent dans son quotidien lui pose parfois quelques problèmes et donne lieu a des scènes cocasses.
Ce roman se dévore parce qu'il nous raconte la vie passionnante d'un homme en colère, d'un homme amoureux, d'un homme engagé et complet mais aussi parce que cela nous offre une très belle fenêtre sur la vie en Amérique au 20ème siècle. Merci aux éditions Finitude d'avoir publié ce roman génial.
Catherine M
Paru en mars 2019.
Dans ce très beau roman de Corinne Royer, des histoires familiales s'entremêlent à l'histoire de la recherche scientifique, et plus particulièrement de la recherche en génétique. Louisa, jeune héroïne qu'on va découvrir autour de ses dix ans et qu'on va suivre pendant une quinzaine d'années, va nous emmener sur les traces de la généticienne Marthe Gautier, personnage non pas fictif mais bien réel, qui a œuvré pendant toute sa carrière dans le domaine de la recherche autour de la trisomie 21.
Marthe Gautier a 93 ans aujourd'hui. Surnommée la découvreuse oubliée, elle est à l'origine des recherches et des analyses en laboratoire qui ont mis en évidence la présence d'un chromosome surnuméraire auprès des enfants atteints du syndrôme de Down. C'est ensuite en 1960 que la maladie prendra le nom de trisomie 21.
Louisa Gorki, personnage de fiction, est abandonnée par sa mère vers l'âge de 10 ans. En effet, celle-ci est soprano et se déplace régulièrement quelques jours à l'occasion d'un concert. Mais un jour, elle ne revient pas d'un de ses voyages. Le père de Louisa détient probablement plus d'information qu'il ne le laisse entendre. Et Louisa devra grandir avec cette absence de mère sans autre explication. Lorsqu'elle se lance dans un doctorat en médecine, elle rencontre Marthe Gautier.
L'auteure mélange habillement fiction et réalité et nous livre un texte d'une grande beauté, plein de douceur, de finesse. On est à la fois embarqué dans une histoire familiale complexe et pleine de mystère et dans l'Histoire de la science. C'est passionnant.
Catherine M
Paru en janvier 2019. Existe aussi en format numérique.
Le roman s'ouvre dans le bureau de recrutement de la légion étrangère où Nino se fait engager, avec d'autres jeunes venus des quatre coins du globe, pour servir la France, et surtout, gagner sa paie chaque mois. Nino s'adapte tant qu'il peut, se glisse dans la peau de ce qu'on attend de lui là-bas dans cette étrange armée. Il passe les tests physiques avec succès et baisse la tête quand on lui demande... Mais il n'avait pas pensé à tout et malheureusement (ou heureusement), il sera recalé après quelques jours, rattrapé par son passé.
Il enchaîne ensuite les petits jobs pour tenter de gagner de quoi survivre. C'est la débrouille pour se nourrir, pour se loger, pour se saouler... Nino cultive des amitiés fortes, se laisse embarquer dans des plans foireux, est amoureux. C'est le portrait d'une jeunesse pour qui l'avenir semble noir, flou, sans perspective...
La nuit, Nino sort, vit, rencontre des personnes étonnantes aux destins hallucinants. Une de ces rencontres va l'entraîner dans un milieu dont il ne connaît rien, où il semble ne pas maîtriser les codes mais qui va pourtant faire basculer sa vie.
Simon Johannin nous avait déjà bluffé avec L'été des charognes paru en 2017. Avec ce nouvel opus, écrit à quatre mains avec son épouse Capucine, il réitère une prouesse littéraire et dresse aussi un vrai portrait de société. Ils nous parlent du monde du travail dans lequel tout le monde devrait entrer mais qui est loin de laisser de la place pour tout le monde, et particulièrement les jeunes qui ne sont pas tout lisses. Ils nous parlent aussi des grandes inégalités de notre société, une société où d'un côté, on peut gagner un salaire de misère en bossant comme un dingue pour un ignoble patron, et où d'un autre côté, on peut gagner des milliers d'euros pour quelques photos de mode.
Capucune et Simon Johannin sont des auteurs atypiques, à suivre, à découvrir. Leur roman ne laisse pas indifférent, il bouscule par la noirceur et l’âpreté qu'il porte, il interpelle par sa violence mélée de poésie et au final il nous touche terriblement.
Catherine M
Paru en janvier 2019.
Pour les curieux, une petite vidéo complémentaire à découvrir ICI
Rendez-vous avec les auteurs à l'Intime festival le samedi 24 août de 13h00 à 14h15
Nicéphore Niepce et Edouard-Léon Scott de Martinville sont les inventeurs respectivement de la photographie et du phonographe; mais qui se souvient encore d'eux? Christophe Donner excelle à leur redonner vie, dans le tourbillon d'une France et d'un 19e siècle plein de promesses et d'innovations technologiques, de liberté, de passion(s) et de savoirs. Touchant, drôle et instructif, à lire !
Catherine D.
Paru en août 2018. Existe aussi au format numérique.
Quel style ! Quel texte ! Catherine Poulain nous éblouit tant son écriture est belle, à la fois aérienne, et terreuse ; travaillée, sans être ampoulée.
Dans ce deuxième roman, deux personnages féminins sont à l'avant de la scène : Rosalinde et Mounia. Deux personnalités hors du commun, deux destins tragiques, deux âmes solitaires, deux femmes libres. Nous sommes dans le sud de la France, dans des villages agricoles où les saisonniers débarquent en fonction des récoltes et selon la main d’œuvre recherchée par les propriétaires (vendange, récolte des abricots, des olives...). Ces deux femmes font toutes les deux parties de cette horde de saisonniers qui sillonnent la campagne à la recherche d'un boulot pour quelques jours, d'un toit, et d'un bar où passer quelques heures après les longues journées de travail.
De nombreux personnages secondaires émaillent aussi ce roman, des bras cassés en grande partie, des errants. On sent que tous ces individus portent des histoires dures en eux, des secrets. Ils plongent dans le travail et l'alcool pour fuir une autre vie, une famille, un passé... et malgré la dureté de leur vie, de leurs actions, on s'attache à certains d'entre eux, on palpite avec eux, on fuit dans leurs pas, on rêve avec eux d'une vie plus douce.
Catherine Poulain nous emmène avec brio dans cet univers des ouvriers agricoles, un sujet particulièrement intéressant, et plutôt méconnu par les habitants du Nord que nous sommes (enfin moi en tout cas). On ne sort pas tout à fait indemne de cette lecture car la violence et la dureté sont bien au rendez-vous, il n'en reste pas moins que c'est un rendez-vous littéraire incontournable de cette année 2018.
Catherine M.
Paru en octobre 2018. Existe également en format numérique.